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Chroniques / Jean-Baptiste Noé

Chroniques
Jean-Baptiste Noé

Chronique
Guerre économique et entreprise
par Jean-Baptiste Noé

Les entreprises n’échappent ni à la guerre économique ni aux soubresauts géopolitiques. Bien effectuer son travail ne suffit pas, dans les pays où elles interviennent les entreprises sont soumises aux aléas politiques et internationaux.

22/06/2024 - 08:30 Lecture 5 mn.

Longtemps, il y a eu une défiance entre les analystes en géopolitique et la vie économique. Pour les premiers, l’économie était absconse, pleine de chiffres et de valeurs boursières opaques. Pour les acteurs économiques, la géopolitique était trop brutale, trop conceptuelle aussi, éloignée des réalités de leur quotidien et de leurs métiers. Depuis quelques années, les deux se percutent : la vie économique est rattrapée de plein fouet par les réalités géopolitiques.

 

Afrique : capitalisme et présence française

 

La nouvelle est tombée jeudi 20 juin : le Niger retire à Imouraren SA, une filière d’Orano, le permis d’exploration des mines d’uranium. Ce qui revient à chasser Orano de ce pays où l’entreprise était présente depuis 50 ans. Depuis la prise du pouvoir par la nouvelle junte, les relations avec l’entreprise française étaient fluctuantes, la mine ayant été fermée puis rouverte, puis bloquée. Le Niger pèse 15 % de la production du groupe, un poids conséquent, mais qui ne remet pas en cause la stabilité de l’entreprise selon ses dirigeants. La production d’uranium du Niger représente 1 800 tonnes par an, sur un total mondial de 70 000 tonnes, soit 2,5 % de la production mondiale. Il n’y a donc pas péril en la demeure et la France peut se passer de l’uranium du Niger, d’autant qu’elle dispose de stocks et qu’elle a réorienté ses achats vers le Kazakhstan. C’est néanmoins un épisode de plus de la perte d’influence de la France en Afrique et du rejet des entreprises françaises, concomitantes au rejet de la politique de la France. Pour les dirigeants du Niger, Orano et l’Élysée sont la même chose : une image de la France dont ils ne veulent plus. Il est tout à fait probable que dans les jours qui viennent la licence d’exploitation de la mine soit accordée à une entreprise chinoise, scellant ainsi le basculement du Niger vers la Chine.

Les entreprises françaises prennent trop timidement en compte les réalités géopolitiques et les conséquences que cela a sur leurs activités. On le voit en mer Rouge où les attaques houthis contre quelques navires de transport bouleversent le commerce mondial engendrant des turbulences sur les compagnies d’assurance, les compagnies portuaires, les gestionnaires de bateau. La rébellion houthis, quoique commencée en 2004, était inconnue de la plupart de ceux qui en subissent les conséquences aujourd’hui : la géopolitique s’est brutalement immiscée dans la vie des entreprises.

 

Micro géopolitique

 

Les réseaux criminels sont un autre aspect majeur à prendre en compte dans l’établissement d’une politique d’investissement. Au Mexique, les cartels de la drogue sont en train de se transformer, passant de l’exportation de la cocaïne au fentanyl. Or la cocaïne fournissait du travail aux paysans pauvres des zones montagnes quand le fentanyl, plus lucratif et plus dangereux, est produit dans des usines pharmaceutiques situées en ville. En plus des problèmes engendrés par la drogue, la criminalité et l’argent à recycler, le passage d’un produit à un autre est en train de bouleverser l’économie locale du pays en ruinant les paysans et en détournant les flux financiers vers les villes mexicaines. Cela entraînera nécessairement des conséquences graves pour les entreprises françaises qui interviennent dans ces régions.

Trop souvent, l’analyse internationale est focalisée sur les États, accordant une grande importance aux sommets des chefs de gouvernement, aux grandes réunions de type G7, G20 et autres COP. Ceux-ci ont leur importance, mais cette analyse macro se révèle incomplète quand elle ne prend pas en compte les aspects micro, tels la criminalité, les conflits ethniques, les sentiments et les haines à l’égard d’un pays. Or ce sont bien souvent ces éléments-là auxquels les cadres et les dirigeants sont confrontés et c’est cela qui entraîne des répercussions sur leur travail, plus que les accords signés dans les grandes messes internationales. On l’a vue avec l’amende record subie par la BNP hier (2014), avec la rupture de ce contrat au Niger aujourd’hui : ce qui se passe dans le monde peut être à la fois une source d’opportunités, mais aussi de fermeture pour les entreprises françaises, qui doivent à la fois supporter la concurrence dans leur métier et être au fait des évolutions des pays où elles interviennent.

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