Politique économique / Thomas Buberl / AXA
Politique économique
Thomas Buberl / AXA
L'année 2021 vue par… Thomas Buberl, Directeur Général d'Axa
Comme chaque année des dirigeants de grands groupes internationaux, des banquiers et des économistes de renom dégagent les grandes tendances qui s'annoncent pour le millésime à venir. Ce matin, Thomas Buberl, Directeur Général d'Axa, nous livre son sentiment sur ce qui nous attend en 2021 après une année 2020 que personne ne regrettera.
En 2021, les entreprises auront moins de soutien de l’État. Craignez-vous une forte hausse des défaillances ?
Le niveau des défaillances est aujourd’hui maintenu artificiellement bas par le soutien de l’État. Si ces mesures protègent à court terme l’économie française de la violence de la crise, elles ne peuvent être maintenues sans menacer la stabilité budgétaire. La subvention de l’économie n’est pas une solution pérenne. Face au choc économique que nous subissons, la hausse des défaillances semble malheureusement inévitable. Son ampleur pourra être contenue si nous parvenons à sortir du cycle de "confinements/reconfinements" et orientons les aides pour accélérer la phase de relance de l’économie.
Pensez-vous que le Plan de relance soit bien adapté à la situation exceptionnelle de l’économie française ?
Le plan de relance français prévoit un stimulus budgétaire en soutien principalement aux secteurs les plus affectés. Il contient quelques mesures prometteuses comme la baisse des impôts de production, l’accélération de la transition numérique des PME et ETI ou encore l’insertion dans l’emploi des jeunes.
Ce plan doit être évalué en fonction de trois critères, l’efficacité préventive immédiate, l’impulsion de croissance pour 2021-2022 et l’investissement à plus long terme pour la réorientation de l’économie, comme les 30 milliards fléchés vers une croissance durable. D’autres mesures mériteraient d’être renforcées, comme le renforcement du capital des entreprises afin de leur permettre d’absorber le choc de la crise. AXA a dans cet esprit créé mobilisé 500 millions d’euros en France afin de soutenir les entreprises de taille moyenne, qui sont au cœur de l’économie des territoires.
Avec l’approbation du plan de relance européen de 750 milliards et la poursuite de la politique accommodante de la BCE, l’État dispose de leviers puissants. L’une des priorités doit être désormais de privilégier l’investissement dans le redémarrage de l’économie aux subventions de court terme. L’équation budgétaire n’est pas viable autrement.
Dans votre entreprise allez-vous davantage prendre en compte les risques climatiques, sanitaires et environnementaux ?
AXA a été un pionnier dans l’industrie financière dans la lutte contre le changement climatique et mis la santé au cœur de ses priorités stratégiques. Ce sont les enjeux du siècle.
La crise actuelle a remis la santé au cœur de nos préoccupations collectives. Avec près de 500 000 téléconsultations réalisées depuis le début de l’année, nous avons été en première ligne auprès de nos clients et continueront de développer nos services à l’avenir. Aujourd’hui, déjà 7 millions de nos clients peuvent bénéficier de cette innovation majeure dans la santé.
Le défi climatique est tout aussi grand. Nous avons comme assureurs un rôle essentiel à jouer pour aider les sociétés à s’y préparer. Cette année marque les 5 ans de la COP21. C’est aussi l’anniversaire de la forte accélération de notre politique climat, qui a fait d’AXA l’un des leaders de la finance verte. Au cours des cinq dernières années, nous avons pris la décision de sortir définitivement du charbon, d’aligner notre portefeuille d’investissements avec les objectifs de l’accord de Paris et d’investir directement dans la décarbonation des entreprises. Notre second "transition bond", souscrit il y a quelques jours auprès de Natixis, consacre 100 millions d'euros à la transition d’entreprises des secteurs du transport et de l’énergie. Nous allons poursuivre ces efforts et avons inscrit dans notre prochain plan stratégique la réduction de 20 % de l’empreinte carbone de notre fonds général épargne d’ici 2025.
La lutte contre le changement climatique est un combat de longue haleine, et nous savons tous que d’autres efforts seront nécessaires pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris. C’est le message que nous avons voulu passer la semaine dernière aux côtés du Président de la République Emmanuel Macron, en appelant nos pairs à constituer une "Net Zero Underwriting Alliance", afin de réfléchir collectivement à des principes de neutralité climatique pour les activités d’assurance. Faute de transformations fortes, nous allons vers un monde où certains risques seront insuffisamment assurés.
Quelles mesures fortes attendez-vous de Joe Biden après son entrée en fonctions ?
L’élection de Joe Biden marque le retour des États-Unis à une forme de multilatéralisme, en tout cas sur les questions climatiques. C’est une bonne nouvelle. La nomination de John Kerry comme représentant spécial pour le climat et le retour dans l’accord de Paris sont des signaux forts. Mais il faudra plus qu’un simple retour à la normale. Il est urgent de rebâtir les bases d’une coopération efficace pour faire face aux défis du changement climatique, de la crise sanitaire et de la relance de l’économie mondiale.
Mais il faut être prudent. Les incertitudes autour de la composition du Sénat et le jeu politique américain sont tels que le Président Biden pourrait voir sa capacité d’action limitée. En outre, cette élection n’efface pas pour autant les lignes de tensions existantes en matière de politique commerciale ou d’opposition avec la Chine par exemple. Les Européens doivent en tirer les conséquences.
Que pensez-vous de l’évolution des finances publiques en Europe ?
Face à la quasi mise à l’arrêt de l’économie mondiale, seule une politique budgétaire très active pouvait à court terme maintenir les capacités de production et compenser partiellement l’écroulement de la dépense privée. Ceci s’est fait au prix d’un accroissement exceptionnel des dettes publiques. Il faut saluer la réactivité européenne, qui a permis d’éviter un éclatement des marchés obligataires et un nouvel épisode de crise souveraine, grâce à l’action de la BCE mais aussi l’initiative historique d’un fond de relance mutualisé. Mais la soutenabilité de la dette publique est un défi grandissant. Il va falloir trouver le bon équilibre pour contenir l’endettement des États sans pour autant fragiliser la reprise.
Quelle devra être l’attitude de la BCE ?
La BCE a un rôle essentiel à jouer pour soutenir l’effort budgétaire des gouvernements et conforter les entreprises. C’est ce qu’elle vient de faire en annonçant la poursuite de sa politique accommodante. À moyen terme, un dialogue sera nécessaire entre les États membres et la BCE pour poser les jalons d’une nécessaire normalisation des politiques budgétaires et monétaires.
Dans quelle mesure l’Europe pourrait faire un pas en avant en 2021 ?
L’Europe aura déjà fait un grand pas en avant si elle parvient, comme on peut l’espérer, à tourner la page du Brexit. Ceci suppose de dissiper les nombreuses inconnues de l’après 31 décembre. Plus que faire un pas, l’Europe a la possibilité d’ouvrir un chemin. La crise sanitaire et économique que nous traversons est un moment de vérité pour l’Union. 2021 sera une année décisive, avec la mise en œuvre du plan de relance et le déploiement du prochain budget européen. C’est une occasion unique de poser les bases d’une Europe forte en accélérant la transformation de nos économies et la transition écologique. Enfin, 2021 sera une année charnière avec des élections législatives en Allemagne annonçant la fin de l’ère Merkel. On a vu en 2020 le rôle moteur d’un couple franco-allemand soudé et volontariste. La capacité d’entraînement du duo demeurera essentielle pour porter haut les ambitions européennes.
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