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éditorial / Yves de Kerdrel

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Yves de Kerdrel

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Guérilla
par Yves de Kerdrel

Rarement un Premier Ministre n’a été aussi impopulaire. Mais la popularité est le cadet de ses soucis. En revanche il cherche à durer. Ce qui suscite bien des moqueries. À commencer de la part de celui qui a été contraint de le nommer à Matignon. Mais à un moment où la dette française risque de perdre son double AA, la présence de François Bayrou apporte quelques avantages dont celui de savoir faire face à la tempête.

06/07/2025 - 06:30 Lecture 10 mn.

Il y a un an nous attendions avec fébrilité les résultats du second tour d’élections législatives qui n’auraient jamais dû avoir lieu si le locataire de l’Élysée avait eu un peu plus de jugeote et un peu moins d’amour-propre. Il faut avoir en tête qu’à partir de mardi, le 8 juillet, Emmanuel Macron retrouve la possibilité de dissoudre l’Assemblée nationale. L’article 12 de la Constitution prévoit qu’ "il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l’année qui suit ces élections". Même si cela n’a jusqu’ici pas été tranché en droit, plusieurs constitutionnalistes comme Jean-Philippe Derosier ou Théo Ducharme estiment que la date de référence est celle du second tour des législatives et non l’annonce de la dissolution.

Emmanuel Macron a exclu, à plusieurs reprises, cette hypothèse. Même si de toute évidence il n’a pas intérêt à se priver d’un des rares pouvoirs que la constitution lui réserve. Mais il n’ignore rien des sondages et du chaos encore plus grand qu’entraînerait une nouvelle dissolution. C’est sans doute parce que depuis le jugement qui l’a frappée d’inéligibilité elle est repassée dans le camp du chaos que Marine le Pen a souhaité, il y a quelques jours, de nouvelles élections législatives, qui pourraient arriver selon elle, à la suite d’une censure du gouvernement Bayrou à l’occasion des débats budgétaires. "L’intérêt des Français est que cela arrive" a-t-elle déclaré sur RTL en oubliant que dans les derniers sondages effectués, les électeurs de son mouvement ne sont pas enthousiastes à l’idée de voir la France replonger dans l’instabilité politique et gouvernementale.

 

François Bayrou transpercé de flèches

 

Dans ce contexte François Bayrou, tel Saint-Sébastien semble perclus de flèches venant de tous côtés. Des deux camps extrêmes et populistes bien sûr. Des socialistes qui ont échoué à faire voter la motion de censure qu’ils ont déposée – sans grande conviction - il y a une semaine et que François Hollande a votée. Du groupe Ensemble Pour la République mené par Gabriel Attal, qui cherche à la fois à nuire à Emmanuel Macron et à François Bayrou ; ce qui constitue une gageure. Et naturellement de la part des Républicains dont on ne sait où ils habitent lorsqu’en l’espace d’une semaine ils font un virage à 180 degrés sur les énergies renouvelables et le tout nucléaire… de manière à se rapprocher de la position exprimée par le Rassemblement National. Ce qui augure assez mal de l’exercice programmatique que Bruno Retailleau, président de ce parti et membre du gouvernement, va devoir mener dans la perspective de l’élection présidentielle.

La force de François Bayrou – peut-être même sa seule force ? – est de feindre d’ignorer toutes ces attaques, ces manœuvres dilatoires, et ces joutes menées sans conviction. Cet agrégé de lettres classiques qui ne se lasse pas de réciter les vingt-quatre sizains du "cimetière marin" de Paul Valéry a aussi retenu de Rudyard Kipling qu’il lui faut supporter de lire ses paroles "travesties par des gueux pour exciter des sots" et d’entendre mentir sur lui "leurs bouches folles". Face à une Assemblée nationale digne des pires moments de la quatrième République, le maire de Pau est sans doute le meilleur choix pour Matignon. Notamment par sa volonté de durer et sa capacité à le faire en négociant tour à tour avec chaque parti.

 

Pâtre grec et tête de veau

 

Naturellement François Bayrou n’est pas Pierre Mendès France et il ne faut pas attendre de lui qu’il initie la moindre réforme nécessaire pour le pays ou le moindre geste urgent pour les finances publiques. Mais il fait face à toutes les oppositions successives, à toutes les manœuvres (même les plus sordides comme Betharram), et à toutes les intrigues et les coups fourrés préparés par l’Élysée dont le locataire n’a toujours pas digéré de s’être fait tordu le bras par celui dont on décrit le physique comme "un curieux mélange de pâtre grec et de tête de veau".

Dans ce climat son meilleur allié reste François Hollande qui partage la même aversion que lui pour Emmanuel Macron et qui ne veut surtout pas voir arriver Sébastien Lecornu à l’Élysée. L’ancien Président de la République a voté la censure mardi dernier, parce qu’il savait qu’il n’y avait aucun enjeu. Il souhaite que François Bayrou reste Premier ministre jusqu’en 2027. Comme Gabriel Attal. Comme Bruno Retailleau. Comme Raphaël Glucksmann qui vient de mener un travail programmatique aussi remarquable qu’inutile. Mais lorsqu’on est issu d’une famille de philosophes on peut aisément imaginer Sisyphe heureux…

 

Retour sur terre avec le budget

 

En dépit de son goût pour que "rien ne change" François Bayrou sait qu’il lui faut entamer la traversée de l’Himalaya budgétaire dont il a eu le mérite d’en faire la pédagogie aux Français. Mardi 15 juillet il devrait tracer les premières lignes de l’effort prévu dans le cadre du budget pour 2026. Initialement il était question d’un effort de 40 milliards d’euros auquel contribueraient tous les Français. Son conseiller budgétaire, l’ancien député Renaissance de Saône-et-Loire Louis Margueritte échange quotidiennement avec Amélie de Montchalin sur les différentes pistes d’économies qui devraient concerner à hauteur de 20 milliards d’euros la sphère sociale, à hauteur de 10 milliards les collectivités locales et à hauteur de 10 milliards le budget de l’État.

Éric Lombard est beaucoup moins présent sur ces sujets depuis quelques semaines, laissant à sa ministre déléguée le soin de présenter à Matignon les arbitrages nécessaires. Mais François Bayrou entend bien faire appel au locataire de Bercy pour envoyer quelques signaux aux socialistes, sous forme d’impôts dont Yaël Braun-Pivet a rappelé la nécessité il y a quelques jours. Sur ce sujet-là, le Premier Ministre n’a pas de dogme. Il reprend volontiers à son compte la lettre écrite par Georges Pompidou en février 1972 à Claude Bourdet, l’un des fondateurs du Nouvel Observateur et du PSU dans laquelle celui qui était alors Président de la république affirmait : "Je suis obligé de constater que nous vivons dans une société mi-capitaliste où les écarts de fortune sont excessifs. Je suis tout à fait partisan de les réduire et je m’y emploie de mon mieux".

Si Pierre Moscovici, qui n’a jamais été aussi bavard ni prodigue en conseils vertueux depuis qu’il est le Premier Président de la Cour des comptes, a rappelé il y a quelques jours le poids croissant des intérêts de notre dette, le principal sujet est celui de la perte de notre double AA qui pourrait intervenir au cours du second semestre. Et notre dégradation au stade A- aurait inévitablement des conséquences sur la capacité de la France à financer sa dette. Cela signifiera que notre base de créanciers va progressivement changer. Si bien que notre capacité à nous refinancer sera bien moins simple et bien plus coûteuse qu’aujourd’hui. Une flèche supplémentaire à destination du Premier Ministre… qu’il lui est encore possible d’éviter.

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