Chroniques / Jean-Baptiste Noé
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Jean-Baptiste Noé
Chronique
Iran : le peuple se lève comme un lion
par Jean-Baptiste Noé
Am Kalavi, « le peuple se lève comme un lion », un nom a priori curieux pour dénommer l’opération de bombardement menée par Israël contre l’Iran. Un nom qui donne une indication claire : la finalité du bombardement n’est pas militaire, mais politique.
Ce qui couvait depuis plusieurs jours, à savoir la possibilité d’une attaque d’Israël contre l’Iran, s’est produit dans la nuit de jeudi à vendredi. La nature de l’attaque est différente des autres frappes : il ne s’agit pas de riposte contenue ni de frappes symboliques, comme ce fut le cas les derniers mois, où Iran et Israël frappaient chacun leur tour, pour sauver la face. Il s’agit d’une attaque massive et coordonnée, qui vise à déclarer la guerre à l’Iran. L’enjeu n’est pas tant l’enrichissement de l’uranium que de changer la donne à Téhéran.
L’Iran sur le point d’obtenir la bombe
Selon les autorités israéliennes, Téhéran serait désormais en mesure de produire plusieurs bombes en quelques jours à peine. Une analyse partagée par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), qui a condamné l’Iran pour non-respect de ses engagements. Pour Israël, négocier est désormais inutile : l’Iran avance vers le nucléaire tout en se cachant derrière le paravent de la diplomatie. L’Iran qui a confirmé son intention de moderniser l’usine de Fordow afin de porter l’enrichissement de l’uranium à plus de 60 %. Un seuil qui n’a pas de finalité énergétique, mais qui lui permettrait de constituer des bombes. Israël a donc changé de stratégie : il ne s’agit plus de bombarder pour ralentir l’échéance ni pour forcer l’Iran à venir à la table de négociations, mais de changer le régime afin d’assurer une sécurité de long terme pour Israël.
Ce ne sont pas que les usines et les centres de traitement qui ont été bombardés, mais aussi les dirigeants et les têtes pensantes, comme le chef d’état-major, le général Mohammed Bagheri et le chef des gardiens de la révolution, Hossein Salami, frappés directement dans leur bunker. Aux dirigeants politiques s’ajoutent des experts scientifiques avec la mort de Faridoon Abbasi et de Mohammad Tehranchi, deux scientifiques de renom qui travaillaient sur le programme nucléaire. Israël n’a pas mené que des frappes longues, il a aussi attaqué depuis le sol iranien, grâce à ses nombreux agents infiltrés. La décapitation vise à créer un choc psychologique, à semer le doute et à provoquer des failles au sein de l’appareil d’État iranien, en espérant ainsi une révolte interne ou populaire.
Le lion se lève
Le mystérieux nom de l’opération, "rising lion" en anglais, "Am Kalavi" en hébreu, témoigne de la dimension politique des frappes. Ce n’est pas tant un lion qui se lève qu’"un peuple qui se lève comme un lion."
Dans la Bible, le lion est le symbole de la tribu de Juda. Il exprime la force, la vaillance et la lutte contre l’occupant. Le peuple qui se lève comme un lion peut donc être vu comme le peuple hébreu qui, une nouvelle fois, se lève contre son oppresseur, ici l’Iran, qui a juré sa perte et qui veut le détruire. Au sens politique s’ajoute le sens mystique d’Israël luttant pour sa survie.
Mais un autre lion rôde dans le paysage régional, celui du lion solaire, emblème de la Perse de 1576 à 1979, c’est-à-dire jusqu’à l’arrivée des mollahs. Symbole qui provient de la mystique zoroastrienne, le lion solaire tient un sabre dans sa patte droite, signe de justice et de combat. Le peuple qui se lève comme un lion est donc aussi le peuple iranien, qui remet le lion au centre du drapeau de l’Iran, c’est-à-dire qui renverse le régime actuel pour fermer la parenthèse de la révolution islamique et revenir à l’histoire ancienne et profonde de la Perse.
Pour Israël, il est aujourd’hui évident que seul un changement de régime peut mettre un terme à la menace iranienne.
Utopique ? Un allié de circonstance de l’Iran, Bachar al-Assad, est tombé il y a à peine six mois, sans que la région ne s’embrase et que la Syrie n’éclate. Les pays arabes en ont assez de l’Iran et ne verraient pas d’un mauvais œil un changement de régime à Téhéran, si cela peut permettre de stabiliser la région et d’apporter la paix et la prospérité. Les coups portés contre le Hamas et le Hezbollah ont montré la détermination d’Israël, engagé dans une guerre frontale qui dure depuis octobre 2023. Pour beaucoup, la paix passe par la fin de la République islamique d’Iran, dernier pays de la région à agiter le drapeau de la guerre.
Les semaines qui viendront diront si le lion qui se lève a atteint sa proie.
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