Chroniques / Jean-Baptiste Noé
Chroniques
Jean-Baptiste Noé
Chronique
Moyen-Orient : vers la paix ?
par Jean-Baptiste Noé
La guerre des douze jours entre l’Iran et Israël se solde par un relatif statu quo et des victoires revendiquées de chaque côté. Est-ce la fin de la guerre commencée en octobre 2023 et le début d’un nouveau cycle de paix ?
"L’Axe de la résistance" est bien amoindri. Vingt mois après avoir lancé son offensive contre Israël, les acteurs ont changé, bien des têtes sont tombées, les rapports de force ont été réajustés. Ceux qui se rattachaient à "l’Axe de la résistance" contre Israël sont aujourd’hui à terre. Hezbollah, Hamas et Iran ont subi les foudres de Tsahal et sont pour la plupart décapités et amoindris.
Israël a mobilisé l’ensemble des services de ses armées : renseignement, troupes au sol, raids aériens, artillerie. Dans un effort constant de mener la guerre jusqu’au bout, il est intervenu à Gaza et au Liban, a contribué à la chute d’Assad en Syrie, a orchestré le bombardement des sites nucléaires en Iran. C’est une guerre de vingt mois entre les mouvements chiites et Israël qui est en train de s’achever, sous le regard des pays arabes qui, tout en appelant à la paix et en apportant leur soutien, ont laissé faire Israël. La Jordanie a contribué à intercepter des missiles iraniens et à laisser survoler son espace aérien par les avions de Tsahal, l’Arabie saoudite s’est engagée dans les négociations, les pays du Golfe ont tout fait pour limiter la guerre à l’Iran et éviter le blocage du détroit d’Ormuz et l’exportation du pétrole. Tous, ils ont regardé la guerre qui se déroulait autour d’eux, sans y prendre part, sans intervenir. Ces vingt mois de guerre ont directement concerné Israël, face à l’Iran et ses proxys.
Amoindris, mais toujours vivants
Les ennemis d’Israël sont certes amoindris, mais ils sont toujours là. Le Hamas est toujours présent à Gaza, le Hezbollah est toujours infiltré au Liban et l’Iran, dans un communiqué officiel, s’est réjoui de la victoire et du camouflet infligé à Israël et aux États-Unis. Israël, qui pensait pouvoir renverser le régime des mollahs comme il avait contribué à renverser Assad, n’a pas pu aller jusqu’au bout de ses projets. Du moins pas cette fois. Et c’est bien tout le problème. En dépit de vingt mois de guerre et de destructions, aucune solution ne semble possible.
À Gaza, il y a tout à reconstruire et le Hamas pourra se redresser en s’appuyant sur la haine de la population à l’égard d’Israël. L’humiliation est toujours un carburant pour la revanche.
En Cisjordanie, les colons les plus extrémistes s’agitent et certains membres du gouvernement actuel rêvent d’une annexion de ce qu’ils nomment la Judée Samarie.
Au Liban, il y a certes un président et un gouvernement, mais il y a surtout un pays en ruine, qui ne survit que par sa diaspora, où les inégalités entre les classes sociales sont abyssales, et où la guerre est le quotidien depuis la fin des années 1970.
En Iran, le programme nucléaire a certes été fragilisé et amoindri, mais il n’est pas arrêté pour autant et l’Iran pourra repartir dans une stratégie d’accession à l’arme atomique d’ici quelques mois.
En Israël, Benyamin Netanyahou a pu bénéficier du répit apporté par la guerre, mais sa réforme de la constitution et du fonctionnement de la justice demeure toujours autant impopulaire. Lui espère être reconnu comme le plus grand dirigeant d’Israël, quand ses adversaires veulent le voit devant les juges. Après vingt mois de guerre, il y a tout à refaire au Moyen-Orient. Il faut reconstruire les bâtiments et les infrastructures, panser les plaies morales et intellectuelles, accepter le pardon et mettre un terme au ressentiment. La crainte est que cette guerre de vingt mois, loin de résoudre les problèmes, ait aggravé les fossés culturels et humains entre les habitants de cette région et qu’elle débouche ainsi sur de nouvelles guerres, dans vingt ans.
Questions stratégiques
Plusieurs enseignements, qui renvoient aux questions stratégiques, peuvent être tirés de cette guerre de vingt mois.
Le premier est que l’Europe, et notamment la France, est définitivement effacée. Après avoir montré qu’elle n’avait aucun levier pour la paix en Ukraine, l’Europe a démontré qu’elle était également sortie du jeu au Moyen-Orient. Il y a plusieurs raisons à cela, mais notamment parce que les Européens n’ont pas d’armée.
Sur ses canons, Louis XIV avait fait graver la formule latine Ultima ratio regum. Ce qui peut se traduire par "la force, le dernier argument du roi". Rien ne sert d’appeler à la paix, à éviter l’escalade ou à venir à la table des négociations si cela ne se limite qu’aux paroles. La diplomatie n’existe que si elle est portée par les armes et par les armées. C’est parce que les États-Unis ont bombardé la base de Fordo, à l’aide de la bombe spécialement prévue pour cet effet, qu’ils ont pu forcer l’Iran à cesser la guerre. C’est parce que les Iraniens veulent, et surtout peuvent, avoir l’arme nucléaire, qu’ils sont craints et écoutés. Sans la maîtrise de la force, il n’y a pas de diplomatie possible, il n’y a pas de respect et il n’y a pas d’entente.
Au moment où se clôture un sommet de l’OTAN, c’est cela que les Européens doivent comprendre : pour revenir dans le jeu de l’histoire et pouvoir peser sur l’ordre du monde, il faut disposer d’une armée puissante. Et pour disposer d’une véritable armée, il faut des finances saines et un pays qui se développe. Si le canon est le levier du diplomate, le budget est l’une des clefs de l’armée.
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