Feuilleton de l'été / Carrefour / Alice Rault / Portrait
Feuilleton de l'été
Carrefour / Alice Rault / Portrait
Série d’été - ces jeunes leaders qui construisent la France de demain / Alice Rault, directrice de la stratégie et de la transformation de Carrefour
Tout au long de sa carrière, la membre du comité exécutif de Carrefour n’a cessé de vouloir se rapprocher du consommateur final. Un intérêt qu’elle doit notamment à ses racines familiales et qu’elle peut aujourd’hui satisfaire de multiples façons tant sa journée de travail est chargée. De l’implémentation du plan stratégique "Carrefour 2026" à l’approvisionnement des 1 300 stations-service en France, Alice Rault est sur tous les fronts.

Le titre d’une fonction peut cacher bien des responsabilités. Si Alice Rault est directrice exécutive stratégie et transformation de Carrefour depuis mars 2022, son portefeuille d’activités est bien vaste. "J’ai débuté chez Carrefour par une pure mission de stratégie avec l’élaboration du plan Carrefour 2026, dévoilé en novembre 2022 par notre président-directeur général, Alexandre Bompard. Je suis aujourd’hui chargée de son implémentation au sein des différents pays où le groupe est présent. En plus de cela, Alexandre Bompard m’a confié des missions additionnelles. J’ai par exemple créé une direction de l’énergie en avril 2023, en charge à la fois des politiques d’achats et de couverture de l’énergie au niveau mondial, etc, ainsi qu’une direction de l’excellence opérationnelle ayant pour vocation de soutenir les pays à exécuter leur plan de performance. Nous travaillons à ce titre sur des sujets de productivité en magasin, de la conception de l’offre jusqu’à la ligne de caisse ", explique-t-elle dans un entretien accordé à WanSquare.
Un poste d’observation de la société
Mais ce n’est pas tout, car depuis le printemps 2023, Alice Rault gère aussi les 1 300 stations-service du groupe en France et leur approvisionnement. Et c’est aussi elle qui a désormais la responsabilité de l’intégration des enseignes Cora et Match, rachetées l’année dernière.
Un emploi du temps bien chargé qui ravit celle qui n’a cessé tout au long de sa carrière de vouloir se rapprocher du consommateur final. "La grande distribution est le lieu de cristallisation des tendances sociétales, de l’évolution des modes de consommation, comme la fragmentation des achats, la digitalisation, le développement des produits d’alternatives végétales, des produits du monde, etc ", nous fait-elle constater.
Un magasin comme un lieu de convergence qui a besoin de s’adapter en permanence. "Je suis admirative de l’immense capacité d’adaptation de ce type d’entreprises, les flux de produits étant absolument gigantesques et pourtant, semaine après semaine cet énorme maillage sait répondre à la demande", poursuit-elle.
Du concret très vite
Il faut dire que la Bretonne de 39 ans a le commerce dans le sang. Ses grands-parents étaient agriculteurs et ses parents commerçants. "Je viens d’une petite ville dans les Côtes-d’Armor très exposée au monde de l’agroalimentaire ", confie-t-elle.
A HEC, elle choisira la majeure entrepreneur, une spécialisation plus opérationnelle que certains de ces camarades d’école. Elle fera ainsi un stage auprès de l’administratrice judiciaire Hélène Bourbouloux pour comprendre le monde du retournement d’entreprise. "J’ai également passé quelques mois à Brest au sein du cabinet du préfet maritime et amiral 4 étoiles (pouvoirs civils). J’ai beaucoup aimé servir la Marine ", confie Alice Rault.
À la fin de ses études, en 2008, elle rejoindra le cabinet de conseil AlixPartners comme consultante. "Il s’agissait d’une période un peu particulière pour commencer sa vie professionnelle, la banque Lehman Brothers venait juste de faire faillite. Cependant, à l’époque, AlixPartners était un cabinet en construction, avec une petite équipe, j’ai donc eu la chance d’être exposée très vite aux clients, même en tant que junior ", se souvient-elle.
Si à HEC, Alice Rault confie avoir vraiment tout fait pour échapper aux options financières - "j’étais allergique à Excel", avoue-t-elle -, elle décidera néanmoins, deux ans plus tard, de se lancer dans le private equity, en intégrant Cinven à Londres. "J’ai apprécié la diversité des sujets traités. Dans le private equity, il faut savoir être pertinent sur des problématiques fiscales et stratégiques, être capable de parler à un manager et élaborer un modèle financier, le tout dans une même journée. Et en même temps, nous devons prendre notre risque en devenant propriétaire, car ce n’est pas un acte de conseil mais d’investissement. Il faut donc être courageux ", raconte celle qui a gardé de cette expérience "le plaisir de l’adrénaline du deal".
Gilles Michel, son premier mentor
En novembre 2014, nouveau changement de cap : elle rejoindra le groupe Imerys. "J’avais envie d’aller sur le terrain ", explique-t-elle. D’abord contactée pour une mission de stratégie/M & A aux États-Unis, elle ne restera finalement que quelques semaines en Californie. "On m’a très vite proposé de diriger la stratégie et le M & A du groupe à Paris ", indique Alice Rault.
Elle travaillera alors étroitement avec le président-directeur général de l’époque, Gilles Michel, un dirigeant qui l’a profondément marquée. "Il était passé par Saint-Gobain, PSA. C’était un patron très structuré, une vraie incarnation du capitaine d’industrie. Imerys est aussi une entreprise qui n’avait pas peur des défis et avait à cœur de faire émerger des talents et des femmes en particulier. J’avais 30 ans et l’on m’a donné des responsabilités très opérationnelles dans des business unit. Je manageais des équipes très diverses par leur géographie (États-Unis, Malaisie, Singapour, Amérique du Sud, etc) mais aussi par leur profil, allant du doctorant au technicien de laboratoire", se souvient-elle.
Dans l’équipe des bleus
Cinq ans plus tard, c’est chez Suez qu’elle officiera. "Je suis arrivée fin 2019, juste après que Bertrand Camus, le directeur général, a présenté le nouveau plan stratégique du groupe. Mon rôle était de le mettre en œuvre ", relate Alice Rault.
C’était toutefois sans compter la crise sanitaire et surtout l’offre publique d’achat (OPA) de Veolia sur Suez. "Cette opération a fait évoluer ma mission initiale. J’ai alors travaillé avec le directeur du M & A, Morade Benahmed, pour exécuter le deal ", poursuit celle qui considère cette étape de sa carrière comme la plus intense de sa vie professionnelle. "À l’époque, il y avait 'les rouges', c’est-à-dire ceux qui allaient partir chez Veolia, 'les verts', qui allaient rester dans le ‘Nouveau Suez’, et 'les bleus', soit nous qui opérions le deal en toute équité. Il ne s’agissait donc pas après la finalisation de l’opération de partir d’un côté ou de l’autre. C’est ainsi que j’ai rejoint Carrefour pour être plus près du consommateur ", se félicite Alice Rault.
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