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Chroniques / Jean-Baptiste Noé

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L’Ukraine cherche des soutiens en Europe
par Jean-Baptiste Noé

Visite éclair de Volodymyr Zelensky en Europe pour trouver de nouveaux soutiens et conclure des alliances. Il y a urgence : l’aide américaine est bloquée et le front se dégrade.

17/02/2024 - 08:30 Lecture 5 mn.

Emmanuel Macron et Volodymyr Zelensky auraient dû se rencontrer à Kiev en février. Reportée, la rencontre s’est finalement tenue à Paris, pour signer un accord de sécurité. Puis le président ukrainien est parti en Allemagne pour ratifier le même type d’accord avec Berlin. Un accord surprise, annoncé quelques heures seulement avant sa signature, qui témoigne d’une inflexion diplomatique côté français et d’un basculement européen côté ukrainien.

 

Pour l’Ukraine, le temps presse

 

Échec de la contre-offensive cet été, manque d’hommes et de munitions, tensions internes de plus en plus fortes, deux ans après le début de l’invasion, la situation est compliquée pour l’Ukraine. L’aide américaine est désormais bloquée, le Congrès refusant de voter de nouveaux crédits. Donald Trump ayant annoncé qu’en cas de victoire à la présidentielle il cesserait l’aide ukrainienne, Kiev a compris qu’il ne pouvait plus compter sur son allié d’outre-Atlantique. Il ne reste donc que les Européens, d’où l’enjeu crucial de ces accords signés avec Paris et Berlin.

Sur le front, les Russes ont repris l’initiative. Ils avancent et grignotent de façon méthodique. Ce n’est qu’une question de jours pour que la ville d’Avidvka tombe entre leurs mains. Peuplée de 32 000 habitants avant-guerre, elle est l’un des verrous du Donbass. Son contrôle par les Russes empêchera les Ukrainiens de mener des frappes au Donbass, stabilisant d’autant cette région pour la partie moscovite.

Dans les états-majors, beaucoup craignent une offensive russe de printemps qui romprait la ligne de défense ukrainienne. Si tel était le cas, Kiev n’aurait plus aucun moyen de se défendre. Pour l’Ukraine, l’alliance européenne est donc indispensable.

 

Pour la France, inscrire l’effort dans le temps long

 

L’accord sur la sécurité commune a ainsi été présenté par le ministre des Affaires étrangères de l’Ukraine : "Il s’agit de fixer sur le papier tout ce que la France fait déjà pour l’Ukraine et sécuriser cette aide contre toute transformation interne". S’il consiste dans la matérialisation des promesses effectuées lors du sommet de l’OTAN de Vilnius (juillet 2023), il inscrit la France dans une aide de très long terme. Les "transformations internes" évoquées par le ministre étant un possible changement de politique extérieure en 2027, ce qui signifie que la guerre est projetée pour au moins trois ans. Si l’Ukraine tient encore d’ici là.

L’autre objectif visé est de sécuriser le flanc Est de l’Europe afin d’empêcher une nouvelle attaque de la Russie et, à terme, d’intégrer l’Ukraine dans l’OTAN.

Mais cet accord rend difficile toute position de dialogue ultérieur avec Moscou. C’est bien la défaite totale de la Russie qui est visée, sans aucune possibilité d’entente ou de partage du territoire. Une position rendue difficile par la situation sur le terrain où les troupes russes progressent.

 

 

La guerre en solitaire

 

Si, dans la constitution de la Cinquième République, le président peut engager les troupes et signer des traités internationaux sans passer par le Parlement, la situation d’exception ouverte en février 2022 est néanmoins inquiétante pour le fonctionnement démocratique français. Les sommes dépensées et prêtées, le matériel militaire transféré de la France vers l’Ukraine, le soutien logistique et la formation apportés à l’armée ukrainienne ont toujours été décidés par le seul gouvernement, sans débat ni discussion au Parlement. Après avoir engagé les troupes françaises au Mali, François Hollande avait organisé un débat à l’Assemblée nationale.

Rien de tout cela depuis deux ans alors que les décisions prises pèsent sur le budget de la France et les moyens capacitaires de son armée. De nombreux régiments, déjà à l’os, ont été gravement amputés de matériel, ce qui les rend inopérants. L’aide à l’Ukraine, aussi justifiée soit elle, est en train de capter les capacités militaires françaises, obérant les possibilités d’intervenir sur d’autres théâtres cruciaux pour l’indépendance nationale. Le fait qu’aucun débat ne soit possible au Parlement affaiblit celui-ci et renforce la défiance des électeurs à l’égard de leurs parlementaires. Il ne faudrait pas que pour défendre les libertés et la démocratie à l’extérieur, on l’abîme à l’intérieur.

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