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Yves de Kerdrel

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Un sacré coup de canif dans la démocratie représentative
par Yves de Kerdrel

Les élections législatives, dont le premier tour se déroule ce dimanche, pourraient ne pas donner au Président de la République la majorité absolue dont il a besoin. D’où son idée de créer un Conseil National de la Refondation, composé de forces politiques, syndicales, associatives et de citoyens tirés au sort. Ce qui constitue un sacré coup de canif dans nos institutions et dans le pacte républicain.

12/06/2022 - 06:30 Lecture 16 mn.

 

Cinquante jours après la réélection spectaculaire d’Emmanuel Macron les Français sont de nouveau appelés aux urnes ce dimanche et dimanche prochain dans le cadre des élections législatives. Ce qui s’annonçait il y a encore un mois comme une "promenade de santé" pour la majorité présidentielle s’est transformée, peu à peu en "une course d’obstacles".

D’abord après avoir mis en échec Marine Le Pen et les forces de droite extrême, le Chef de l’État n’a pas vu se constituer ce monstre écolo-gauchiste qu’est l’ensemble Nupes, qui réunit les socialistes, les communistes, les insoumis et les Verts. Une force destinée à profiter de la dynamique électorale de Jean-Luc Mélenchon, qui à quelques milliers de voix près aurait pu être le compétiteur d’Emmanuel Macron au second tour.

 

Une campagne électorale sans débat et sans idée…

 

Ensuite la nomination de la très "technicienne" Élisabeth Borne à Matignon, après une si longue attente, a apporté de l’eau au moulin de cette "gauche de la gauche", qui a vu dans ce début du nouveau quinquennat une parfaite continuité avec la fin du premier mandat. Enfin la composition très technocratique du gouvernement, en dépit de deux "convertis à la cancel culture" a donné des angles d’attaques supplémentaires à Jean-Luc Mélenchon et à ses amis, privant le pouvoir d’un éventuel "état de grâce".

À côté de cela les très nombreux sujets d’actualité liés à la hausse des prix, à la crise énergétique ou à la faillite du système hospitalier ont nourri la campagne de cette Nupes. Et cela d’autant plus que jamais la France n’a connu une période d’avant-élection marquée par une véritable "absence de campagne". Élisabeth Borne semble tétanisée et ne sort de son bureau que pour aller faire sa propre campagne à Livarot. Quant à Emmanuel Macron, il a fait un déplacement rapide à Cherbourg, un autre à Marseille, un troisième dans un dojo de Clichy Sous-Bois, et un dernier dans le Tarn. Mais ce n’est que lors de ce dernier rendez-vous qu’il a appelé les Français à lui donner une majorité. Comme si jusque-là la question ne s’était pas posée.

 

Une future opposition de gauche très vocale

 

Il faut dire qu’en l’espace de cinquante jours les sondages ont fait apparaître un recul continu du nombre de sièges que pourrait obtenir Ensemble ! - c’est-à-dire Renaissance (ex-En Marche), Horizons, le Modem et Agir - et une progression régulière du nombre de circonscriptions gagnées par la Nupes. Le plus récent des sondages réalisés par Harris Interactive et communiqué vendredi dernier montre que l’alliance créée par Jean-Luc Mélenchon serait, de facto, la première force politique du pays avec 26 % des voix au premier tour, à égalité avec la majorité présidentielle (26 %) avec un Rassemblement National à 20 % et des Républicains réduits à 10 %.

En projection concernant la future Assemblée Nationale, l’institut de sondage envisage pour Ensemble ! une fourchette allant de 265 à 305 sièges, et pour la Nupes un score historique qui irait de 145 à 203 sièges. À côté de cela les Républicains n’auraient que 38 à 58 sièges. Ce qui est vraiment très faible. Quant à l’extrême-droite elle pourrait revendiquer 25 à 48 sièges. Bref tout cela donnerait une assemblée bipolaire avec une opposition d’extrême-gauche, très vocale, très organisée en matière d’obstruction et finalement très gênante pour le programme de réformes du Chef de l’État. D’autant plus que parmi les insoumis élus on pourrait compter une dizaine d’anciens trotskistes rompus à la bataille politique.

 

Quel rôle pour le nouveau CNR de Macron ?

 

La petite rumeur parisienne assure – même si nous avons un peu de mal à la croire ! – qu’Emmanuel Macron ne serait finalement pas mécontent de cette forme de cohabitation parlementaire avec l’alliance mélenchoniste. Pourquoi donc ? Tout simplement parce que depuis l’établissement de l’état d’urgence sanitaire, le Chef de l’État a fortement affaibli l’Assemblée nationale. Déjà, depuis le début du premier mandat celle-ci fonctionnait comme une chambre d’enregistrement avec une majorité de sièges occupés par des députés La République En Marche aussi béotiens que "godillots". Cette fois, le Palais Bourbon deviendrait une machine où tout serait neutralisé par l’absence de majorité et par une opposition assez virile.

C’est ce moment qu’a choisi Emmanuel Macron pour annoncer, à une Presse Quotidienne Régionale ébahie, le projet d’un Conseil National de la Refondation, dont on ne sait toujours pas s’il aura une filiation quelconque avec le fameux CNR créé à la demande du Général de Gaulle afin d’empêcher tout clivage entre les résistants communistes (FTP) et ceux issus de la France Libre (FFI et FFL) et qui fut animé principalement par Georges Bidault, dont une très bonne biographie vient de sortir en librairie. Le CNR a contribué à pacifier la France dans cette période délicate de l’épuration et de la reconstruction en attendant une nouvelle constitution, une nouvelle république et donc de nouveaux élus. Mais il a aussi donné des gages aux communistes en décidant des nationalisations du secteur bancaire ou de l’énergie et en instituant une sécurité sociale universelle sur le modèle britannique de Beveridge.

 

Poursuivre l’affaiblissement de l’Assemblée nationale

 

Nul ne sait très bien ce qu’il adviendra de ce nouveau Conseil National, dont la composition ressemble beaucoup à celle du Conseil Économique Social et Environnemental. A la différence majeure que le Palais d’Iéna est l’une des trois chambres du Parlement et que son existence figure dans la constitution. Alors que le Conseil National de la Refondation reste pour l’instant un objet institutionnel non identifié. D’autant plus qu’il mélangerait des élus, des corps intermédiaires et des citoyens tirés au sort. Ces derniers auxquels Emmanuel Macron a eu recours pour la Convention Climat ou certains débats "post-crise des gilets jaunes" constituent une forme de gadget, mais aussi une entaille à la démocratie représentative. Dans la mesure où nos institutions reposent sur "les élus du peuple" et non pas des noms choisis par un jeu de dés.

Si l’on ignore aussi quel serait le mandat de ce nouveau Conseil National de la Refondation, il est clair que le but du Chef de l’État va être de porter toute la lumière sur lui de manière à "dévitaliser" un peu plus l’assemblée nationale et ses 577 représentants du peuple français. Il est difficile d’expliquer d’une manière ou d’une autre cette volonté présidentielle de réduire le Palais Bourbon à la portion congrue. Sauf si l’on se souvient du traumatisme causé chez lui par l’utilisation du 49-3 pour voter la fameuse loi Macron. Il s’était alors exprimé depuis le banc des Ministres avec une condescendance rare à l’endroit des députés. Depuis seul Olivier Véran l’a imité en invitant les députés en désaccord avec lui à sortir… Ce qui ne l’empêche pas aujourd’hui d’être ministre des Relations avec le Parlement !

 

Un début de législature le 28 juin prochain

 

C’est cette Assemblée Nationale qui se réunira le 28 juin prochain pour une séance d’ouverture de la XVIe législature, avec à la clé l’élection du président. Cette nouvelle séquence parlementaire interviendra quelques jours après un séminaire gouvernemental réunissant l’ensemble des ministres et secrétaires d’État. D’autant qu’il faut s’attendre à ce que quatre ou cinq d’entre eux doivent démissionner s’ils ne sont pas réélus. Sont notamment en situation de grande fragilité, Clément Beaune, le "chouchou" du Chef de l’État, Olivier Dussopt, Amélie de Montchalin, la ministre de la mer, élue d’Outre-mer, voire Damien Abad, dans l’Ain.

Le mercredi 29 juin aura lieu l’élection des présidents de groupes de la seizième législature de l’Assemblée nationale. Puis le lendemain se tiendront la première conférence des présidents et des bureaux des commissions de l’Assemblée nationale. Au même moment le Conseil des Ministres aura examiné le paquet "pouvoir d’achat" sur lequel travaille Bruno Le Maire en concertation étroite avec Aurélien Rousseau, le directeur de cabinet d’Élisabeth Borne.

 

Les sombres augures de l’OCDE

 

Au chapitre économique la semaine a été marquée par des révisions en baisse des perspectives de croissance. L’OCDE prévoit désormais une croissance du produit intérieur brut mondial de 3 % cette année, soit 1,5 point de moins que prévu en décembre. Et elle s'attend à une poursuite du ralentissement en 2023 avec une croissance mondiale désormais attendue à 2,8 % seulement, contre 3,2 % prévu il y a six mois. L'inflation dans les pays de l'OCDE devrait parallèlement culminer à 8,5 % cette année avant de revenir à 6 % l'an prochain. L'OCDE prévoyait auparavant un pic à 5 % et un retour à 3 % en 2023.

Malgré le ralentissement de la croissance et l'accélération de la hausse des prix, l'OCDE juge limité le risque de stagflation, une situation conjuguant croissance faible et inflation élevée que le monde n'a pas connue depuis le milieu des années 1970, après le premier choc pétrolier. Les économies développées, en particulier, dans lesquelles le secteur des services a acquis un poids bien supérieur à celui de l'époque, sont beaucoup moins dépendantes des prix de l'énergie et les banques centrales, ayant gagné en indépendance, y disposent de moyens biens supérieurs pour combattre l'inflation. Pour la France, l'OCDE prévoit désormais une croissance de 2,4 % cette année et de 1,4 % l'année prochaine et des taux d'inflation de 5,2 % et 4,5 % respectivement.

 

La BCE passe à l’offensive contre l’inflation

 

Comme cela était attendu, la Banque centrale européenne, qui a annoncé jeudi une normalisation de sa politique monétaire, va procéder à un relèvement progressif mais soutenu des taux d'intérêt jusqu'à ce que les économistes appellent le "taux neutre", a déclaré vendredi le gouverneur de la Banque de France, membre du conseil des gouverneurs de la BCE, "Nous aurons un relèvement progressif mais soutenu des taux d'intérêt jusqu'à des niveaux normaux", a-t-il expliqué sur BFM Business, évoquant "une estimation qui est entre 1 et 2 %, peut-être qu'il faudra aller au-delà".

"C'est un chemin que nous suivrons avec beaucoup de pragmatisme, c'est-à-dire en fonction de l'évolution des données d'inflation", a-t-il ajouté. "Nous sommes fermement résolus et engagés à ce que l'inflation revienne à notre objectif de 2 % à moyen terme", a souligné François Villeroy de Galhau. La BCE a annoncé jeudi son intention de cesser au 1er juillet sa politique d'achats d'obligations sur les marchés et de relever ses taux en juillet d'un quart de point en précisant qu'elle n'excluait pas une hausse plus importante en septembre si l'inflation ne ralentit pas.

 

Inflation plus forte que prévu aux États-Unis

 

Si la semaine boursière a été marquée par un repli de près de 5 % du CAC 40, c’est à la fois en raison de la poursuite du "krach lent" qui affecte le Nasdaq et l’ensemble des valeurs technologiques, mais surtout à cause de la publication vendredi d’un indicateur d’inflation très dégradé outre-Atlantique. La hausse des prix à la consommation aux États-Unis s'est accélérée en mai avec les niveaux sans précédent atteints par les prix à la pompe et l'augmentation des tarifs des services.

L'indice des prix à la consommation a augmenté de 1 % le mois dernier après une hausse de 0,3 % en avril, a annoncé le département du Travail. Sur un an, il affiche un bond de 8,6 %, après 8,3 % le mois précédent. Les économistes interrogés par Reuters prévoyaient cependant en moyenne une augmentation de 0,7 % d'un mois sur l'autre et de 8,3 % en rythme annuel. L'indice des prix de base qui exclut ceux de l'énergie et des produits alimentaires, a pour sa part, augmenté de 0,6 % sur un mois comme en avril, et sur un an, sa progression ressort à 6 % après +6,2 % en avril. Le consensus le donnait en hausse de 0,5 % d'un mois sur l'autre et de 5,9 % en rythme annuel.

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