Chroniques / Jean-Baptiste Noé
Chroniques
Jean-Baptiste Noé
Chronique
États-Unis : Joe Biden limite la casse
par Jean-Baptiste Noé
Si les démocrates ont perdu la Chambre des Représentants, la vague rouge n’a pas eu lieu. Polarisée autour de la figure de Donald Trump, la campagne électorale qui devait lui servir de tremplin pourrait mettre un terme à ses ambitions.
Ces élections de mi-mandat ont conjugué l’ordinaire et l’extraordinaire. L’ordinaire, c’est que le parti du président a perdu la Chambre des Représentants, comme cela est quasiment toujours le cas. Difficile donc pour les républicains d’invoquer une victoire, d’autant que la vague rouge annoncée n’a pas été aussi forte que prévu. Au Sénat, le dépouillement est encore en cours et le résultat final indécis, mais il est probable que les démocrates conservent la majorité. Le bilan n'est donc pas trop mauvais pour Joe Biden. Celui-ci en a profité pour annoncer son intention possible de se représenter en 2024, une façon de conserver la main et de ne pas faire croire qu’il ne lui reste que deux ans de pouvoir.
L’extraordinaire, c’est que la campagne a été préemptée par Donald Trump. Or jamais un ancien président, et encore moins un président battu, n’était revenu dans le jeu politique américain après son départ. Au parti républicain comme dans les commentaires politiques, c’est lui qui donne le ton et c’est autour de lui que tournent les débats. Ces élections devaient être sa rampe de lancement pour 2024 : une forte victoire contre Biden comme revanche de 2020 et l’élection de plusieurs de ses soutiens les plus affirmés. Le plan ne s’est pas déroulé comme prévu. D’une part en raison de la victoire étriquée des rouges, d’autre part parce que plusieurs candidats trumpistes ont été vaincus. Le parti républicain qui se cherche un champion devra regarder ailleurs que du côté de Mar-a-Lago.
2024 : nouveautés ou répétitions ?
L’enjeu de ces élections était bien 2024 et l’émergence de têtes d’affiche pour la présidentielle. Aura-t-on droit à une répétition du passé ou au lancement de nouveautés ? Dans le camp démocrate, ce sont Barack Obama et Hillary Clinton qui ont battu le pavé, pas vraiment la jeune garde. Le parti se cherche des successeurs et ne se semble pas être en mesure de faire émerger une nouvelle génération, dont témoigne le choix par défaut de Biden en 2020, moyen de contrer le très radical Bernie Sanders.
Le même problème se pose pour les républicains. Faut-il se résigner à investir Donald Trump ou le parti pourra-t-il faire émerger de nouvelles têtes ? Les primaires trancheront, mais la victoire en Floride de Ron DeSantis apporte un peu de nouveauté. Né en 1978, il a été brillamment réélu gouverneur de Floride, un État qui a longtemps été incertain et qui est de plus en plus républicain. DeSantis capte une grande partie du vote latino que les démocrates pensaient acquis. Ceux-ci sont réceptifs à son discours et son action : plus d’intégration, par le travail et l’éducation, plus de sécurité dans les quartiers pauvres, plus d’universalisme, en combattant l’idéologie woke pour ne pas réduire les Latinos à leur communauté. Le comté de Miami-Dade, traditionnellement démocrate, a ainsi basculé dans le camp républicain, notamment sous l’effet du vote des Cubains. Le laboratoire de Floride pourrait servir les républicains dans les autres États où les Latinos sont nombreux, et pourquoi pas en Californie, où la dégradation économique et sécuritaire est de plus en plus palpable. DeSantis est certes très jeune, mais il a l’avantage d’associer la base intellectuelle du trumpisme à un comportement personnel plus modéré et donc plus attirant pour des électeurs non affiliés au parti républicain.
Les deux ans qui viennent vont donc être essentiels pour les deux partis, pour décider de tourner ou non la page de leur passé : les années Clinton pour les démocrates, les années Trump pour les républicains. Deux ans pour résoudre des combinaisons politiques, mais aussi pour réunir un pays où les polarisations politiques et les fractures sociales sont de plus en plus béantes.
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