Chroniques / Jean-Baptiste Noé
Chroniques
Jean-Baptiste Noé
Chronique
La Chine accroît sa présence dans le pétrole africain
par Jean-Baptiste Noé
Les relations entre le Bénin et la Chine sont au beau fixe, notamment autour d’un projet de pipeline. Au-delà de ce sujet, c’est l’implantation de la Chine qui s’accroît en Afrique, au détriment de la France.
"Pour nous, la Chine est un modèle de développement, un modèle de vie". Ainsi s’est exprimé le ministre de l’Industrie et du Commerce du Bénin à l’issue du sommet avec la Chine qui s’est tenu le 25 avril à Cotonou. Entre les deux pays, c’est une Lune de miel qui se tisse autour d’un enjeu crucial : le pétrole. Avec trois ans de retard, il a jailli à Sémè kraké, faisant entrer le Bénin dans le cercle des pays africains producteurs d’or noir, avec une production de 90 000 barils/jour.
Au Bénin, les compagnies chinoises travaillent sur la mise en route d’un pipeline qui sera raccordé aux réseaux du Niger, du Tchad et du Nigeria. Puis au pipeline transsaharien, qui relie l’Algérie et l’Europe. C’est un réseau pétrolier majeur qui est en train de se constituer, reliant l’Atlantique à la Méditerranée, l’Afrique à l’Europe, ouvrant les débouchés occidentaux et chinois aux nouveaux gisements en cours de découverte en Afrique.
Au Niger, la compagnie chinoise CNPC opère une partie des opérations, pour une production de 20 000 barils/jour. Une production qui devrait être multipliée par 10 en 2026, si les prévisions se révèlent exactes. Cette coopération renforce le maintien de la junte, en lui permettant de bénéficier de liquidités financières et d’un allié politique.
Pétrole d’abord
D’où la satisfaction du ministre de l’Industrie du Bénin, d’autant que son pays a conclu d’autres accords économiques avec la Chine, notamment sur l’agriculture, permettant aux agriculteurs béninois d’y exporter une partie de leur production. En août 2023, le président du Bénin, Patrice Talon, avait effectué un voyage remarqué en Chine, dans le but de renforcer la coopération entre les deux pays. Les articles parus dans la presse béninoise ne tarissent pas d’éloge sur ces échanges et ces coopérations, tranchants avec les ambiances et les mots employés quand est évoquée l’alliance avec la France.
Le Bénin est un exemple de cette diplomatie chinoise à l’assaut de l’Afrique et des efforts de coopération qui sont réalisés depuis une décennie. Entre réceptions régulières des chefs d’État africain à Pékin, chose impensable il y a encore quelques années, et partenariats économiques, les pays d’Afrique, y compris francophones, se tournent de plus en plus vers la Chine. La différence entre 2000 et 2020 est éclairante. En 2000, la France était le premier partenaire commercial de presque tous les pays francophones d’Afrique de l’Ouest. Seul le Bénin avait la Chine pour premier partenaire. En 2020, il ne reste que le Burkina Faso et le Sénégal, la Chine se classant première dans tous les autres pays. Ici, ce n’est pas à coups de réseaux sociaux ou de milices militaires que la Chine s’est imposée, mais par le commerce, les contrats et les perspectives de développement.
Toutefois, si la Chine est devenue un acteur majeur pour les pays africains, l’Afrique n’est pas un partenaire financièrement important pour la Chine. En 2021, l’Afrique ne représentait que 2,7 % des investissements chinois dans le monde, dont les deux tiers étaient concentrés sur sept pays, essentiellement en Afrique de l’Est.
Chine – Afrique
Les courbes se croisent. Au moment où la présence française s’évapore, celle de la Chine s’étend. Plus orientée business, la présence chinoise ne s’intéresse pas aux sujets politiques. Comme le démontre le cas du Niger, où Pékin ne milite ni pour la démocratie, ni pour la tenue d’élections libres, ni contre la junte militaire, mais cherche seulement à accroître ses échanges économiques et gagner des marchés pour ses entreprises.
Ce positionnement a-moral et a-politique plaît à bon nombre de dirigeants, qui lui préfèrent cette coopération à celle de la France qui place en premier les valeurs et le respect de la démocratie. De plus en plus de partenariats stratégiques sont conclus entre les pays d’Afrique et Pékin où le drapeau rouge remplace le tricolore. Pour la France, il y a urgence à méditer les causes du succès chinois et à réagir si elle ne veut pas que son influence soit définitivement classée aux archives de son histoire.
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