Chroniques / Jean-Baptiste Noé
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Jean-Baptiste Noé
Chronique
Israël : la guerre sans fin
par Jean-Baptiste Noé
L’offensive conduite à Gaza en réponse aux attaques du 7 octobre s’éternise. Bien qu’isolé, Israël poursuit ses opérations militaires, sans solution de fin.
En Israël, la vie a repris presque comme avant le 7 octobre. Les vols commerciaux atterrissent de nouveau à l’aéroport Ben Gourion de Tel-Aviv, les pèlerinages religieux reprennent, les rues de Jérusalem retrouvent leur animation. On en oublierait presque la guerre, pourtant à quelques kilomètres. Dans la bande de Gaza, rien n’est réglé. Pire même : aucune sortie n’apparaît possible, aucune fin n’apparaît probable.
Israël : la puissance mais l’inefficacité
Abondamment critiqué, devant faire face à d’importantes manifestations contre un projet de réforme de la justice, Benjamin Netanyahu était assis, à l’automne 2023, sur un fauteuil vacillant. En vieux loup de la politique, habitué à durer et à endurer, il a repris la main pour tenter enfin de régler ses comptes avec ses adversaires palestiniens. La parenthèse de l’union nationale face à l’attaque majeure du mois d’octobre touchera un jour à sa fin, et l’actuel gouvernement devra rendre des comptes à l’opinion israélienne sur les raisons qui ont conduit à cette attaque massive.
En attendant, Tsahal se déploie toujours dans la bande de Gaza, les opérations militaires se poursuivent et Israël découvre qu’il ne suffit pas d’avoir l’armée la plus puissante pour l’emporter. La technologie est de peu d’utilité face à une hydre comme le Hamas, implanté à Gaza, avec des têtes pensantes dans de nombreux pays arabes, notamment dans le Golfe et implanté surtout, ce qui est le pire pour Israël, dans le cœur de sympathisants tout au long du monde.
La galaxie Hamas
Quand, il y a encore quelques mois, des universitaires parlaient d’islamo-gauchisme pour désigner une jonction politique qui associait islamisme et agitation politique, beaucoup étaient moqués, voire dénigrés. Cette jonction s’est pourtant manifestée dans de prestigieuses universités américaines, submergées par leurs démons, ainsi qu’au sein d’universités et d’écoles supérieures françaises où les manifestations de quelques étudiants empêchent le travail serein des chercheurs et la tenue des cours. Si la bande de Gaza a des frontières bien définies, les combats pour Gaza, eux, n’ont pas de frontières et passent autant par Paris que par le Michigan.
C’est là l’une des grandes surprises de cette guerre : le voile a été levé sur l’état des électeurs démocrates aux États-Unis. Traditionnellement soutien d’Israël, pouvant compter sur les votes et le financement de la campagne, les démocrates pensaient n’avoir aucun souci à se faire en se montrant favorable à Tel-Aviv. La croissance de la population musulmane aux États-Unis est en train de changer la donne. À Chicago et dans l’État de l’Illinois, les démocrates musulmans menacent de ne pas voter pour Joe Biden, ce qui pourrait faire basculer cet État essentiel dans l’escarcelle des républicains. De quoi donner des sueurs froides aux stratèges démocrates. D’autant qu’une part non négligeable de la communauté noire s’identifie, elle aussi, aux Palestiniens, par une forme d’association des peuples opprimés. Ce faisant, la pression s’accentue sur les démocrates pour cesser le soutien inconditionnel à Israël. Biden marche sur des œufs pour tenter à la fois de ne pas perdre son électorat juif tout en conservant son électorat musulman et afro-américain.
On a toujours dit qu’une élection présidentielle américaine ne se jouait pas sur l’international. Pour 2024, l’Ukraine et Gaza sont pourtant au cœur des débats et des postures politiques. Antony Blinken ne cesse de se rendre au Moyen-Orient, en tentant de rassurer l’allié Israël tout en apportant de l’aide humanitaire à Gaza. Une position d’équilibriste qui ne trouve pour l’instant aucune solution satisfaisante. Tsahal s’embourbe à Gaza sans issue possible : la puissance du feu ne permet pas la victoire militaire, et Joe Biden s’empêtre dans un dossier où il est projeté malgré lui. Netanyahu ne lui fera aucun cadeau : il suit sa politique sans se soucier de ce que pense l’allié américain. N’étant plus dépendants du pétrole saoudien, les États-Unis pensaient en avoir fini avec le Moyen-Orient. Grave erreur, celui-ci revient plus que jamais dans le jeu politique et diplomatique.
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