Chronique
Guerres oubliées : la paix impossible
par Jean-Baptiste Noé

Si la guerre en Ukraine nous touche particulièrement, c’est pour des raisons objectives de proximité géographique et culturelle. C’est aussi du fait que nous sommes directement concernés par ses conséquences et par les risques de son extension. Pour autant, la guerre en Ukraine n’est pas le seul conflit qui embrase le monde d’aujourd'hui, certains durant depuis plus d’une décennie sans que des solutions de paix apparaissent possibles.

Qu’est-ce qu’une guerre ?

Définir la guerre n’est pas chose aisée. Il s’agit certes d’affrontement armé qui oppose au moins deux parties, mais ces affrontements peuvent être distants et de faible intensité. Quand Boko Haram se livrait à des attaques de villages, tueries et rapts, était-on dans le cadre d’une guerre ? À cette définition restrictive, qui limite la guerre stricto sensu à quelques conflits bien définis, s’ajoute une version extensive de l’emploi du mot guerre. On parle ainsi de guerre contre le terrorisme, contre la drogue et même contre le chômage. Dominique de Villepin ne disait-il pas en son temps qu’il voulait gagner "la bataille de l’emploi" ?

Experts et stratégistes discutent aussi de la pertinence d’une expression comme "guerre économique" qui traduit certes un affrontement et des rivalités de puissance, mais qui n’est pas la même chose, évidemment, qu’une guerre en arme. Ce que traduisent ces usages du terme "guerre", c’est que les affrontements et les combats sont multiples et font partie de l’histoire de l’humanité.

Guerres oubliées

En dresser la liste serait aussi long que fastidieux. Néanmoins, le Yémen, le Soudan du Sud, l’Éthiopie, la Somalie, la Syrie subissent encore des actes guerriers qui peuvent être qualifiés de guerres. Le nombre de morts est important, la durée l’est tout autant. Plus de 350 000 morts au Yémen, environ 150 000 dans les combats et le reste à cause des drames humanitaires et des maladies. En Somalie, les affrontements plus ou moins larvés, plus ou moins chauds, durent depuis les années 1990 et l’époque où Bernard Kouchner lançait son opération "sac de riz". Tout cela dans une relative indifférence.

Les raisons de ce peu d’intérêt sont multiples : ces guerres n’ont quasiment pas de conséquence pour nous, elles sont loin, elle concerne des pays avec qui nous entretenons peu de liens, elles mettent en jeu des pays avec qui nos liens sont plus étroits ou plus tendus. C’est le cas typique du Yémen qui est à la fois une guerre interne de rivalité entre clans et tribus et une guerre externe de rivalité entre l’Arabie saoudite et l’Iran.

Comment arrêter la guerre ?

Il n’existe aucune formule unique pour faire cesser une guerre, cela dépend de sa typologie, de son histoire, des parties prenantes. L’ONU devait faire advenir ce grand rêve de paix universelle. Force est de constater que l’Organisation a quasiment toujours échoué. Inexistante sur le dossier ukrainien, alors que son rôle est justement de servir de médiation, elle l’est tout autant dans les guerres précitées. Si l’on sait bien que la paix totale et absolue est une chimère qui ne sera jamais atteinte, cela n’interdit pas de viser à 0 et de tout faire pour supprimer au maximum les conflits. Quelle que soit l’issue de l’actuel conflit en Ukraine, il faudra bien se poser la question de l’utilité et de l’efficacité de l’ONU et, à défaut d’elle, trouver un système pour garantir la paix et pour calmer les guerres.