WAN
menu
 
!
L'info stratégique
en temps réel
menu
recherche
recherche

éditorial / Yves de Kerdrel

éditorial
Yves de Kerdrel

éditorial
Sans état de grâce
par Yves de Kerdrel

Alors que le nouveau Premier Ministre n’a pas encore fait sa déclaration de politique générale et que la composition du gouvernement n’a pas été achevée, Gabriel Attal doit faire face à une colère de grande ampleur des agriculteurs. Les réponses qu’il y a apportées vendredi soir n’ont pas suffi pas à lever les barrages. La semaine qui vient s’annonce complexe pour le couple exécutif.

28/01/2024 - 06:30 Lecture 11 mn.

Il n’y a plus d’état de grâce même pour le plus jeune Premier Ministre de France qui faisait, il y a dix jours la Une de Paris Match, et qui s’est retrouvé projeté vendredi soir sur un barrage autoroutier en Haute-Garonne pour aller au contact d’agriculteurs en colère. Toute la semaine écoulée a été marquée par la montée en puissance des revendications – très diverses – du monde paysan et par la multiplication des barrages routiers au point que ce matin, la capitale est entourée par un chapelet de rassemblements de tracteurs sur les principaux axes autoroutiers.

Comme il le fait depuis qu’il a emménagé à l’Hôtel de Matignon, Gabriel Attal a pris en main le dossier, n’hésitant pas à communiquer très largement sur ses rencontres, ses réunions et ses démarches. Au point de reléguer Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture, au magasin des accessoires. Et il a tout tenté pour percer l’abcès de cette crise avant sa déclaration de politique générale prévue après-demain, mardi 30 janvier à 15 heures. D’autant qu’elle sera suivie d’un débat sans vote avec les interventions des dix présidents de groupes parlementaires. Mais certains syndicalistes agricoles veulent maintenant boycotter le salon de l’agriculture et faire durer leur mouvement jusqu’à la fin du mois de février.

 

Des mesurettes ne peuvent rien face à la paupérisation

 

Les différents syndicats agricoles – notamment la FNSEA, le plus important d’entre eux – sont allés à Matignon avec une liste de 120 revendications, dont beaucoup relevaient du cadre européen. La principale d’entre elles était de mettre fin à la hausse des taxes sur le GNR (gazole non routier – également appelé "fioul rouge") qui est utilisé par les engins agricoles. L’ajustement fiscal à la hausse avait été annoncé dès l’été dernier par Bruno Le Maire et exigé par Bruxelles. C’est d’ailleurs cette question qui a également mobilisé les agriculteurs outre-Rhin.

Là-dessus les agriculteurs ont obtenu gain de cause. De la même manière que sur l’empilement d’un certain nombre de normes qui seront désormais gérées au niveau préfectoral. Mais le principal sujet c’est le reste à vivre mensuel des éleveurs et des producteurs de lait qui atteint rarement mille euros depuis trois ou quatre ans. Si bien que nombre d’entre eux sont contraints de vivre avec l’équivalent d’un demi-smic alors qu’ils n’ont ni vacances, ni week-end, ni soirées, ni journées de télétravail. Cette paupérisation a été fortement accentuée par l’inflation qui a impacté le prix des intrants (engrais, produits phytosanitaires, semences, énergie) alors que dans le même temps la pression de la grande distribution ne leur a pas permis de vendre leur production à un niveau de prix plus élevé.

 

L’inexorable déclassement de la paysannerie

 

C’est cette question financière et l’effondrement du niveau de vie qui ont conduit les syndicats agricoles (tous réunis) à refuser de lever les barrages autoroutiers vendredi soir en dépit des annonces faites par Gabriel Attal. D’autant qu’outre la question des revenus, le monde paysan a vu s’effondrer la valeur de son patrimoine. Le prix des terres agricoles en France est le plus bas de toute l’Europe avec la Roumanie. Les bâtiments agricoles, véritables passoires thermiques, ne valent pas le prix des pierres qui les composent. Et si la valeur des bois que certains détiennent a fortement progressé depuis la crise sanitaire, cela ne peut pas entrer en ligne de compte, dans la mesure où les coupes sont très – voire trop – réglementées.

Emmanuel Berl, qui s’est un moment égaré avec le Maréchal Pétain, lui avait fait dire que "La terre ne ment pas". Cela voulait dire que le bon sens des paysans valait bien plus que la parole bafouée des politiciens de la troisième république. C’est bien la raison pour laquelle cette colère des agriculteurs est soutenue par neuf Français sur dix. De surcroît elle a été rejointe par celle de certains pêcheurs de la côte Atlantique dont les bateaux doivent rester à quai pendant un mois pour faciliter la reproduction des dauphins… Comme le dit le slogan de ce mouvement : "on marche sur la tête".

 

La réforme de l’assurance-chômage en perspective

 

C’est dire si l’exercice de la déclaration de politique générale auquel le premier Ministre doit se livrer mardi se trouve à la fois compliqué et biaisé. Il va devoir consacrer bien plus de place que prévu à cette crise agricole qui a certains relents identitaires à la manière de ce qu’affirmait Fernand Braudel avec son triptyque (pays, paysans, paysages). Il va essayer de ne pas opposer "la fin du mois" qui touche un tiers des Français et "la fin du monde". Mais derrière tout cela il y a la question européenne et les élections de même nature qui auront lieu dans presque quatre mois.

Là où Gabriel Attal est également très attendu, c’est sur le nouveau durcissement de l’assurance-chômage. Vendredi, devant les agriculteurs il a répété une nouvelle fois que son fil rouge était de favoriser les Français qui travaillent plutôt que ceux qui vivent aux dépens de la solidarité nationale. Ses annonces seront scrutées par les partenaires sociaux qui ont tous été reçus au cours des dix jours écoulés.

 

Un gouvernement qui reste à compléter

 

Ce n’est qu’après cette déclaration de politique générale que la composition du gouvernement devrait être complétée. Ces derniers jours de nouvelles rumeurs ont circulé à ce sujet. L’interminable attente des ministres délégués ou secrétaires d’État maintenus dans l’incertitude - dont certaines comme Agnès Firmin-Le Bodo ou Fadila Khattabi, dit-on, gérant les affaires courantes, sont malgré tout venues chaque jour au ministère - devrait prendre fin. Les maintiens de Roland Lescure à l’Industrie - étendue à l’Énergie ? - de Thomas Cazenave aux Comptes publics, d’Olivia Grégoire aux PME, de Jean-Noël Barrot au Numérique ou de Stanislas Guérini à la Fonction publique et le passage d’Agnès Pannier-Runacher à la Santé, semblaient probables. Celui d’Olivier Dussopt était plus incertain. Côté "transferts", le nom d’Hervé Berville jusqu’alors à la Mer était cité pour l’Outre-mer. Où on disait le ministre sortant Philippe Vigier, intéressé par les Collectivités territoriales.

Aux Transports, Clément Beaune étant donné partant, les noms de Jean-Marc Zulesi, président de la commission du développement durable, David Valence ex-vice-président Transports en Grand Est, Bruno Millienne ou Lauriane Rossi, étaient cités à l’Assemblée. Pour les nouvelles ou nouveaux venu(e) s, outre les nominations possibles au Logement du président de la commission des affaires économiques Guillaume Kasbarian (mais élu d’Eure-et-Loir, comme Vigier) si Patrice Vergriete n’est pas reconduit, de Florent Boudié ou Naïma Moutchou aux côtés de Gérald Darmanin, étaient aussi donnés "entrants" possibles, Maud Fontenoy, ex-vice-présidente développement durable de PACA, ou l’actuel président de la commission des lois Sacha Houlié aux Sports, aux côtés d’Amélie Oudéa-Castéra.

 

Christine Lagarde ébranlée

 

Au chapitre économique, la Banque centrale européenne a laissé, sans grande surprise, ses taux d’intérêt inchangés jeudi dernier et n’a donné aucune indication sur une éventuelle baisse à venir, réaffirmant au contraire son engagement à lutter contre l’inflation. La banque a réaffirmé que son taux directeur resterait à 4 % pendant un certain temps, et la présidente de la BCE, Christine Lagarde, a réitéré lors de sa conférence de presse, qu’il faudrait encore attendre quelques mois pour être certain que les pressions inflationnistes se sont réellement atténuées avant de procéder à une baisse des taux.

La présidente de la Banque centrale européenne, a par ailleurs minimisé l’importance d’une enquête dans laquelle une majorité d’employés de la BCE ont déclaré qu’elle n’était pas la bonne personne pour diriger la banque. "Ma personne n’a aucune importance" a-t-elle déclaré. Mais selon nos informations l’ancienne avocate en droit social de Baker McKenzie a été très affectée par ce sondage interne à la banque centrale.

précédents ÉDITORIAUX
précédents
ÉDITORIAUX

Éditorial / Yves de Kerdrel

Éditorial / Feuille de route

21/01/2024 - 06:30

Éditorial / Yves de Kerdrel

Éditorial / Retour aux sources

14/01/2024 - 06:30

Les chroniques de la semaine
Les chroniques
de la semaine

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / Agriculture : l’atout français

27/01/2024 - 08:30

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / Francophonie : chef-d’œuvre en péril

20/01/2024 - 08:30

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / Mer Rouge : qui contrôle la mer, contrôle le monde

13/01/2024 - 08:30

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / Gaza : savoir finir une guerre

06/01/2024 - 08:30

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / Quand l’Europe entrouvre sa porte à l’Ukraine

16/12/2023 - 08:30

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / Houthis : petite attaque, grandes conséquences

09/12/2023 - 08:30

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / Menaces de guerre au Guyana

02/12/2023 - 08:30