Chroniques / Jean-Baptiste Noé
Chroniques
Jean-Baptiste Noé
Chronique
Xi Jinping en Europe
par Jean-Baptiste Noé
Pour la première fois depuis 2019, Xi Jinping a effectué une tournée en Europe. Une semaine de voyage pour réaffirmer la présence économique chinoise et renforcer les liens avec la Serbie et la Hongrie.
Nul ne sait ce que Xi Jinping retiendra de son passage dans les Pyrénées, entre danses folkloriques et tomme de brebis. Pour lui, l’essentiel n’était pas là. Le chef d’État chinois revenait pour la première fois en Europe depuis 2019, crise du covid oblige, et il a choisi la France pour être son premier pays hôte, signe des liens économiques et politiques établis entre les deux pays et du rôle d’équilibre que cherche à jouer la diplomatie française, entre États-Unis, Russie et Chine. Le but du voyage était aussi de renforcer les liens économiques, notamment pour le secteur automobile et les investissements dans les infrastructures. Le voyage en France n’a guère fait les grands titres de la presse chinoise, plus préoccupée par les sujets de politique intérieure et les enjeux de la mer de Chine que par les pérégrinations de Xi Jinping en Europe.
On pourra être surpris qu’après la France, Xi Jinping ait choisi de se rendre en Serbie et en Hongrie pour clôturer sa semaine européenne. Ni l’Allemagne (mais il est vrai qu’il a vu Olaf Scholz lors de sa visite à Pékin) ni le Royaume-Uni, pourtant deux grands pays européens. Le choix ne doit rien au hasard : la Serbie et la Hongrie sont les deux plus fidèles alliés et points d’approche de la Chine en Europe. Les investissements chinois y sont massifs et en croissance et les convergences politiques importantes. Tout nationalistes qu’ils sont, les gouvernements serbes et hongrois n’ont aucun problème à ouvrir leur pays à la présence chinoise. Plutôt Pékin que Bruxelles.
Taïwan, Kosovo, même combat
Voici donc Xi Jinping reçut par le président serbe Aleksandar Vucic où les deux hommes ont conclu un partenariat stratégique. Vucic a eu pour Xi les mots doux que le leader chinois aime entendre : devant une foule massive agitant des petits drapeaux, il a affirmé que Taïwan est chinoise : "Oui, Taïwan est la Chine. C’est notre position claire en ce qui concerne l’intégrité territoriale de la Chine". Des propos en rupture totale avec la position américaine. Ce faisant, Vucic espère-t-il un soutien de Xi Jinping sur le dossier du Kosovo, que la Serbie ne désespère pas de récupérer ?
Il est possible aussi que les propos soient purement alimentaires : la Chine est le deuxième investisseur étranger en Serbie et compte bien ne pas s’arrêter là. Un accord de libre-échange a été conclu entre les deux pays et des annonces ont été faites quant à des investissements dans des projets majeurs, sans que plus de précision ne soit apportée. Les entreprises chinoises sont omniprésentes dans le secteur des mines et des infrastructures, un projet de construction d’une ligne de chemin de fer Belgrade-Budapest est à l’étude. Si cela aboutit, le président chinois n’aura même pas besoin de prendre l’avion pour rendre visite à son second soutien : la Hongrie.
Le Shanghai des Carpates
Derrière ses façades restaurées et ses velléités d’être la capitale du conservatisme européen, Budapest est en train de devenir une ville chinoise en Europe centrale. Une université chinoise y a été inaugurée, les routes de la soie y trouvent un terminus, les banques chinoises y sont installées et disposent de bureaux sur les plus belles avenues. Si Pékin y est le 10einvestisseur étranger, il ne compte pas s’arrêter là. Près de seize accords commerciaux ont été signés : dans le train, le nucléaire, les autoroutes, l’automobile. Le constructeur chinois BYD (pour Build your dreams) édifie sa première usine en Europe, qui sera installée dans le sud de la Hongrie. De quoi fournir du travail aux Hongrois et des voitures aux Européens. Après avoir été l’arrière-cour de l’industrie automobile allemande, l’Europe centrale va-t-elle devenir celle de l’automobile chinoise ? GWM (Great Wall Motors), autre constructeur chinois, est lui aussi en train d’ouvrir un site de production en Hongrie.
Viktor Orban et Xi Jinping partagent des vues géopolitiques identiques : soutien modéré à l’Ukraine et réticences aux sanctions contre la Russie. Mais à l’inverse des Serbes qui sont très antiaméricains (le souvenir des bombardements de 1999 n’est pas passé), les Hongrois n’ont aucun mal à jouer sur les deux tableaux et à être à la fois pour l’OTAN, la Chine et la Russie. Le souvenir de la lutte contre le communisme et des aides américaines dans la structuration des réseaux de l’Europe libre continue de faire son œuvre.
La semaine de Xi Jinping en Europe aura été positive pour lui et la Chine : entre renforcement des liens économiques et signatures d’accords et de contrats, le continent est un peu plus marqué par la puissance chinoise.
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