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éditorial / Yves de Kerdrel

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Yves de Kerdrel

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Le déni continue
par Yves de Kerdrel

Après quelques jours pendant lesquels les politiques, les patrons et les médias n’ont parlé que de TVA sociale, c’est au tour d’un pseudo-retour de l’ISF habillé en « contribution différentielle sur le patrimoine » d’agiter les esprits. La France reste aussi exemplaire en matière de créativité fiscale qu’elle est incapable de trouver les économies de dépenses publiques à mener.

15/06/2025 - 06:30 Lecture 10 mn.

Les sénateurs ont donc écarté, dans leur grande sagesse, la proposition de loi instaurant la taxe Zucman. Et cela en dépit du soutien apporté à cette funeste mesure par deux esprits brillants : Olivier Blanchard et Jean Pisani-Ferry, que l’on connaissait, jusqu’à présent mieux inspirés. Cette taxe destinée à frapper à hauteur de 2 % tous les patrimoines de plus de 100 millions d’euros, visait environ 1 800 contribuables selon son initiateur. Même si ce projet inepte, a été retoqué, il a redonné vie au mythe des "200 familles".

Ce qui en dit long sur l’état d’esprit d’une certaine "intelligentsia française". Car la rhétorique construite dans les années trente autour de ces familles que l’on rattachait, peu ou prou, aux deux cents actionnaires fondateurs de la Banque de France a été largement utilisée par le Front Populaire pour gagner les élections de 1936 et réformer immédiatement notre banque centrale. Elle a été aussi reprise de multiples manières par les populistes de tous bords qui se sont nourris, des dégâts causés par la crise de 1929.

 

La TVA sociale, déjà oubliée

 

Les écologistes ont d’ores et déjà annoncé leur volonté de faire revivre ce projet de taxe à l’occasion du débat budgétaire concernant l’année 2026. Leurs éléments de langage vont donc continuer à percoler dans certains cerveaux qui trouvent plus simple de récolter 25 milliards d’euros de cette manière plutôt qu’en faisant l’effort de chercher des économies parmi les centaines de milliards d’euros de dépenses publiques.

N’oublions pas qu’il y a tout juste un mois, le Président de la République avait lui-même relancé, à la télévision, l’idée d’une TVA sociale qui a largement occupé les esprits pendant plusieurs jours, suscitant des débats sur les chaînes d’info en continu ou des tribunes dans les pages "débats et opinions" des quotidiens nationaux. Pendant tout ce temps-là on a préféré gloser sur des impôts – directs ou indirects – plutôt que de chercher des économies afin de satisfaire l’effort de 40 milliards d’euros nécessaire pour la construction du prochain budget.

 

Des dégâts sur les esprits

 

Et ne croyons pas que la taxe Zucman, une fois enterrée par les sénateurs, va finir de contaminer certains de nos meilleurs fonctionnaires. Il y a quelques jours le quotidien Les Échos nous apprenait qu’Amélie de Montchalin s’apprête à transformer la contribution différentielle sur les hauts revenus prévue pour la seule année en cours en une "contribution différentielle sur les hauts patrimoines". Il s’agit d’une taxation minimale des patrimoines nets de plus de 2 millions d’euros sur la base d’un taux de 0,5 % qui tient compte de l’impôt sur le revenu déjà payé ou de l’impôt sur la fortune immobilière acquitté.

Le seul fait que l’on passe d’une logique de flux (les revenus) à une logique de stocks (les patrimoines) témoigne d’un souci de satisfaire une certaine opinion publique à laquelle on a fait croire que les effets d’évitement – bénéficiant à une poignée de contribuables - constituent la majorité des cas. Bien sûr l’outil de travail sera exonéré. Bien sûr les actifs Dutreil ne seront concernés qu’à hauteur de 25 %. Bien sûr les bois et forêts seront épargnés autant que les œuvres d’art. Et au total cette contribution ne devrait concerner que 60 000 foyers soit six fois moins que le nombre d’assujettis à l’ISF avant sa transformation en IFI. Il reste que si cette mesure ne fait pas trop de dégâts sur le tissu économique du pays, elle va continuer à en produire sur des esprits toujours prompts à penser qu’il faut "prendre l’argent là où il est".

 

La période des ballons d’essais

 

D’autant qu’en matière d’économies de dépenses publiques, il n’y a rien de nouveau sous le soleil de ce début d’été. L’idée "d’une année blanche" à laquelle les Français ne sont pas défavorables continue à faire son chemin. Ce qui est une bonne chose. En revanche les ballons d’essais lancés par Amélie de Montchalin à propos du rabotage de certaines fiches fiscales (services à la personne, jardinage, gardes d’enfants) ont tous explosé en retombant dans la cour de Matignon.

Le sujet apparu cette semaine, à la faveur des propos tenus par Éric Lombard, concerne le trop grand nombre de fonctionnaires. Certains semblent découvrir qu’un million d’emplois publics ont été créés au cours des vingt-cinq dernières années. Si bien que le nombre de fonctionnaires a progressé deux fois plus vite que la population française. C’est naturellement un sujet majeur auquel il faut s’attaquer. Mais cela ne doit pas cacher la priorité, que le locataire de Bercy, avait courageusement montrée du doigt dès le mois de janvier, en expliquant que les économies devaient venir de la sphère sociale.

 

L’heure des prédateurs

 

Au-delà de ces péripéties fiscalo-budgétaires qui vont durer aussi longtemps que la Seine coulera sous le Pont Mirabeau, la planète est à nouveau agitée de soubresauts à la suite de l’attaque menée par Israël sur certains sites militaires et nucléaires iraniens et de la réponse tout aussi musclée de Téhéran. Une attaque que Le New York Times avait annoncée dès jeudi après-midi. Une attaque, surtout, qui donne encore plus de crédit à la thèse défendue par Giuliano da Empoli dans son dernier ouvrage "L’heure des prédateurs". Il y explique qu’à partir du moment où cela coûte désormais beaucoup moins cher de mener une attaque sur un ennemi potentiel que de défendre son propre pays, ce type d’opérations vont se multiplier. Et leurs répliques aussi puisque le "dôme de fer" d’Israël envoie des missiles Patriot à 4 millions de dollars l’unité contre des drones iraniens qui coûtent à 50 000 dollars chacun.

Ce nouveau conflit sera bien sûr au menu du G7 qui se tient jusqu’à mardi dans la petite ville de Kananaskis, en Alberta. Emmanuel Macron s’y rend ce soir en passant aujourd’hui par le Groenland. Le chef de l’État devait ensuite prendre la direction de New York, mardi soir. Initialement il était prévu ce mercredi 18 juin une conférence internationale consacrée à la reconnaissance d’un État palestinien, coprésidée par la France et l’Arabie saoudite. Mais, celle-ci a été annulée, les autorités saoudiennes et d’autres pays arabes concernés étant moins enclins à aller vers la reconnaissance d’un État hébreu.

 

Large délégation française au Bilderberg

 

Ces raids se sont aussi invités à l’agenda de la réunion annuelle du Bilderberg qui se tient à Stockholm jusqu’à ce soir. Si les relations transatlantiques devaient occuper l’essentiel des discussions de ce forum de rencontre entre dirigeants européens et américains, la dissuasion nucléaire et la prolifération des armes atomiques étaient aussi inscrites dans la liste des sujets à aborder. De quoi justifier la présence dans la délégation française conduite par Henri de Castries, président de l’Institut Montaigne, de Nicolas Roche, nouveau patron du SGDSN, chargé d’établir une nouvelle doctrine d’utilisation de l’arme nucléaire. Ce dernier, qui a comme particularité – et comme qualité - d’être diplômé de la savante École des Chartes, était jusqu’au mois de mars dernier ambassadeur de France à Téhéran.

Dans la délégation française on pouvait aussi compter les anciens premiers ministres Gabriel Attal et Edouard Philippe, Patricia Barbizet, présidente de l’AFEP, Valérie Baudson, directrice générale d’Amundi, Patrice Caine, président-directeur général de Thales, Jean Lemierre, président de BNP Paribas, Arthur Mensch cofondateur et directeur général de Mistral AI, Patrick Pouyanné, patron de TotalEnergies, Laurent Toulemon, chercheur à l’Ined et Luis Vassy, le directeur général de Sciences Po.

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