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Chroniques / Jean-Baptiste Noé

Chroniques
Jean-Baptiste Noé

Chronique
Taïwan face à la guerre psychologique
par Jean-Baptiste Noé

Répondant au discours d’investiture du nouveau président de Taïwan, la Chine a mené le 23 mai des opérations d’encerclement de l’île. Une guerre psychologique qui vise autant à affaiblir Taïwan qu’à tester ses alliés. 

25/05/2024 - 08:30 Lecture 5 mn.

Le génie de René Goscinny est sans pareil. Dans l’album d’Astérix La Zizanie (1970), il dit tout de la guerre psychologique et de la lutte sans combattre, exactement ce que les Chinois sont en train de mener à Taïwan. Avec humour et finesse, La Zizanie est un traité de guerre qui illustre le monde contemporain.

 

Qui pour mourir pour Taïwan ?

 

Xi Jinping s’est fixé de longue date comme objectif de prendre le contrôle de Taïwan, qu’il considère comme faisant partie intégrante de la Chine. Pour cela, il opte pour la pression et l’étranglement d’une île qu’il veut détacher du reste du monde, jusqu’à la faire tomber sans combattre dans son escarcelle.

Lundi 20 mai, le nouveau président de Taïwan, William Lai, a prononcé son discours inaugural, discours jugé trop indépendantiste par Pékin. La réponse fut immédiate : le 23 mai la Chine a lancé l’exercice Joint Sword 2024A, qui consiste en un blocus maritime et aérien de Taïwan. Flotte chinoise entourant l’ancienne Formose, passage aérien dans le ciel taïwanais, exercices militaires terrestres sur des îles proches. Conduire une opération aussi intense dans un temps aussi court signifie que la Chine est prête, que les forces sont mobilisées et donc mobilisables en moins de trois jours. C’est le premier acte de la guerre psychologique : il suffit d’un mot de Xi Jinping pour que l’opération de conquête de l’île soit déclenchée.

La pression est donc maximale sur le nouveau président qui, à peine entré en fonction, est déjà surveillé et contrôlé par la Chine. Mais la pression porte aussi sur les alliés de Taïwan, et c’est le second acte.

Dans La Zizanie, Tullius Détritus organise une fausse distribution de potion magique pour faire croire aux Gaulois que les Romains disposent désormais de cette arme fatale. Paniqué, le village croit alors qu’il lui est impossible de gagner, et dans ce cas, pourquoi se battre ? Gagner sans combattre est le rêve de tout stratège et c’est la clef de la pensée militaire chinoise. En infusant dans l’esprit des Occidentaux que Taïwan sera prise, quoi qu’il arrive, et que le combat militaire sera si puissant qu’il est inutile de s’y aventurer, Pékin veut s’assurer le contrôle de l’île à moindres frais. Qui aujourd’hui, en Occident, est prêt à verser son sang pour Taïwan ? Qui est prêt à déclencher une guerre mondiale, à bouleverser l’ordre du monde, pour une île de 23 millions d’habitants ? Infuser la déception chez l’ennemi est la première arme redoutable de la guerre psychologique.

 

Une question de volonté

 

La seconde arme est de faire croire à une connivence avec l’adversaire. Toujours dans La Zizanie, Détritus se rend chez Astérix pour déjeuner avec lui et laisser croire ainsi à une amitié entre eux deux afin de fracturer le village gaulois pour créer la discorde chez l’adversaire. C’est ce que fait aujourd’hui la Chine en s’affichant en grande pompe avec la Russie, comme en témoigne la réception récente de Vladimir Poutine alors que les deux pays ont aussi de nombreux points de divergence. Travailler la discorde chez l’ennemi, c’est aussi fracturer le camp d’en face pour le rendre moins opérant. Lors de son voyage en Europe, Xi Jinping s’est rendu en Hongrie et en Serbie, deux pays clefs de la stratégie chinoise en Europe, pour renforcer les partenariats économiques et enfoncer un coin chez les alliés.

Chez Goscinny et Uderzo, ce qui permet la victoire finale des Gaulois, c’est leur volonté de rester libre et indépendant face aux Romains. C’est une autre leçon de la guerre psychologique : en éprouvant les volontés, elle contraint ceux qui veulent l’emporter à se doter d’une vision géostratégique et d’une volonté politique. C’est ce que démontrent aujourd’hui les Taïwanais, bien décidés à rester indépendants, et c’est ce que doivent définir les Occidentaux dans leur face-à-face avec la Chine.

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