Chronique
L’étonnant Elon Musk
par Jean-Baptiste Noé

L’information est passée presque inaperçue, elle est pourtant importante. Lors de sa visite à Mayotte, François Bayrou a annoncé que des systèmes Starlink allaient être installés sur l’île afin de permettre la reconnexion à internet. Un succès pour Elon Musk, dont la technologie est ainsi officiellement utilisée par l’État français pour l’un de ses territoires.

Déjà, en mars 2022, il était venu au secours de l’Ukraine. Sans lui, la guerre se serait soldée par une défaite de Kiev en quelques heures. Avant l’invasion, les Russes avaient pris soin d’attaquer les systèmes informatiques ukrainiens afin de détruire les moyens de communication de l’armée. En déployant en urgence son système Starlink, Musk a permis à l’armée ukrainienne de pallier les attaques russes et d’assurer des communications essentielles pour faire la guerre. Jamais peut-être dans l’histoire une entreprise privée n’avait joué un tel rôle pour sauver un État de l’invasion.

Plus récemment, et dans un autre registre, Air France a annoncé débuter l’équipement de sa flotte en wifi via Starlink, afin de permettre à ses passagers de rester connectés durant leur vol. Un gain de productivité majeur pour les passagers et un avantage comparatif certain pour Air France. Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, Elon Musk est partout.

Ingérence étrangère ?

Preuve en est ses commentaires sur la politique du chancelier Scholz et ses reproches assénés à Keir Starmer. Que de tels propos soient relevés, qu’ils soient commentés et qu’ils soient perçus comme une ingérence étrangère témoigne de la puissance acquise par Musk. Craint-on à ce point que les électeurs allemands et anglais se positionnent en fonction des déclarations du patron de Tesla ? Ses formules à l’emporte-pièce sont vues comme de salutaires remarques pour ses partisans, comme de dangereuses attaques pour ses opposants. Mais elles ne laissent personne indifférent, ce qui est un succès manifeste de Musk qui est ainsi au centre du jeu.

Comme le sont également ses succès industriels. Qui aurait pu penser qu’il soit possible de créer une marque de voiture révolutionnaire alors que le secteur apparaissait à beaucoup comme bouché et trop gourmand en capitaux ? C’est pourtant ce que Musk a réalisé avec Tesla.

Comme il a également transformé le secteur du spatial. Il y a encore dix ans, personne ne pensait qu’il fut possible qu’une entreprise privée puisse envoyer des satellites dans l’espace et encore moins réutiliser ses lanceurs. Après bien des essais et des échecs, c’est pourtant ce que Musk est parvenu à faire, laissant loin derrière lui Ariane Espace. En 2024, SpaceX a ainsi réalisé 261 lancements orbitaux, un record pour l’entreprise, ce qui représente plus de 50 % des lancements mondiaux. Ariane Espace n’a réussi que 2 lancements en 2024, en réussissant Ariane 6 après des années d’échec. Et voilà que Jeff Bezos se lance à son tour dans l’aventure du spatial, avec Blue Origin, espérant concurrencer Musk. C’est le retour des pionniers et des aventuriers dans un domaine que l’on pensait réserver aux États.

Avec X, Musk a bouleversé les communications et le monde médiatique, voulant créer un espace où tout peut se dire, ce qui peut parfois inquiéter. Mais il a remis au centre des débats un réseau qui se fossilisait et, ce faisant, il a fait échouer toute tentative de développement de réseaux concurrents.

De l’industrie à la politique ?

A-t-on encore tout vu ? Après le monde industriel, Elon Musk se lance désormais dans la politique, avec la charge de rationaliser et de dégraisser l’administration américaine. Va-t-il appliquer la méthode Twitter, en virant une grande partie des fonctionnaires ? Toujours est-il qu’il a entre ses mains l’une des principales promesses du candidat Trump, promesse sur laquelle sera jugé son bilan dans quatre ans. Pour un homme qui n’aime pas l’échec et qui veut attirer la lumière et être au centre du jeu, cela promet des chantiers qui vont faire des étincelles.