Chroniques / Jean-Baptiste Noé
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Jean-Baptiste Noé
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Donald Trump vainqueur par KO
par Jean-Baptiste Noé
Donald Trump réalise le grand chelem : Maison-Blanche, Congrès, Cour suprême. Une victoire des républicains qui va obliger les démocrates à revoir en profondeur leur ligne idéologique et leur stratégie politique.
En 2008, lorsque Barack Obama avait remporté la présidentielle, ouvrant un cycle de huit années de pouvoir pour les démocrates, beaucoup de commentateurs estimaient que les républicains ne pourraient plus retrouver le chemin de la Maison-Blanche. Du fait des évolutions démographiques américaines, de la sociologie électorale, l’électeur républicain devait, presque pour toujours, se retrouver minoritaire. Chez les républicains de l’époque, la hantise d’un effacement politique était réelle, eux qui avaient cru trouver un second souffle dans le néoconservatisme de Bush fils, après les fastueuses années Reagan.
La première victoire de Donald Trump, en 2016, leur a donné tort. Mais ce qui devait être qu’un accident de l’histoire, après le retour des démocrates en 2020, s’est révélé finalement une évolution beaucoup plus profonde de la politique américaine.
Donald Trump : une victoire totale
Aux États-Unis, les journées électorales sont toujours chargées. Outre la Maison-Blanche, c’est une partie du Congrès qui était renouvelée : Sénat et Chambre des représentants. Là aussi, les républicains ont planté le drapeau de la victoire, reprenant plusieurs sièges aux démocrates pour obtenir la majorité absolue. Donald Trump a donc les coudées franches jusqu’en 2026. Avec la maîtrise de la Cour suprême, où les juges conservateurs sont majoritaires, et la majorité des gouverneurs des États, c’est donc une Amérique rouge qui se présente aujourd’hui, balayant les prévisions et les présupposés des années Obama.
C’est pourquoi la défaite de Kamala Harris n’est pas seulement la sienne, mais surtout celle de tout le clan démocrate, qui a soutenu coûte que coûte un Joe Biden défaillant, avant de lui substituer sa vice-présidente, en faisant fi du grand moment démocratique que sont les primaires. Les résultats sont cinglants : Donald Trump prend plus de grands électeurs qu’en 2016 et, surtout, il gagne le vote populaire, ce qui n’était pas le cas en 2016. Avec 69 millions de voix, Harris a perdu près de 11 millions d’électeurs par rapport à 2020. Trump a progressé dans toutes les catégories sociales et humaines : les latinos, les femmes, les urbains diplômés, les ruraux et les noirs, qui n’ont jamais été aussi nombreux à voter républicain. Cette élection est certes la victoire d’un homme, mais c’est aussi et surtout la victoire d’une ligne politique et d’une idée.
Transformations américaines
Le vote Trump a progressé même dans les mégapoles côtières : Los Angeles, San Francisco, New York, pourtant bastions démocrates. Mais les problèmes de sécurité, la dépression économique, le retrait de l’attractivité font bouger les lignes politiques. La Californie était autrefois un bastion républicain, Reagan en fut le gouverneur, elle pourrait peut-être, dans quelques élections, quitter le giron démocrate.
Car la question posée par l’élection de Trump est aussi celle de l’avenir du trumpisme. Âgé de 78 ans, on voit mal Trump se représenter dans quatre ans. Contrairement à 2016 où le parti était composé de nombreux républicains non trumpiste, celui-ci a désormais été purgé. Les nouveaux députés et sénateurs sont fidèles à Trump et sont conformés à sa ligne politique. Preuve en est le nouveau vice-président, JD Vance, autrefois anti-Trump, désormais repenti et au cœur de la machine. À 38 ans il devient le plus jeune vice-président des États-Unis, ce qui lui ouvre inexorablement un avenir politique prometteur. Avec le gouverneur de Floride Ron DeSantis, que beaucoup espéraient candidat cette année, le parti républicain a de quoi proposer des trumpistes sans les extravagances de Trump. De quoi séduire encore davantage l’électorat démocrate modéré, qui ne partage pas les délires wokes et les combats de genre.
L’Europe face à elle-même
Trump ne se préoccupe pas de l’Europe : il ne s’intéresse qu’aux États-Unis et ne veut que la grandeur des États-Unis. C’est peut-être une bonne nouvelle pour les États européens qui vont devoir penser leur autonomie stratégique et leur positionnement sur la scène mondiale. Il y a bien évidemment le dossier ukrainien, mais surtout, pour les Américains, le dossier chinois. C’est lui qui est prioritaire, tant pour conserver la place de premier dans le monde que pour assurer la domination industrielle et technologique. Depuis le shift of power initié par Obama, les Américains regardent davantage vers le Pacifique que vers l’Atlantique. Et Trump et les républicains n’échappent pas à la règle.
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