Chroniques / Jean-Baptiste Noé
Chroniques
Jean-Baptiste Noé
Chronique
Le Liban dans l’engrenage de la guerre
par Jean-Baptiste Noé
En lançant son opération aérienne contre le Hezbollah, Israël a déplacé la guerre au Liban. Un drame de plus pour un pays qui subit tous les contrecoups des guerres du Levant.
Il ne fait pas bon être un État faible dans une région de guerre. Le Liban l’apprend de nouveau à ses dépens après l’offensive israélienne contre le Hezbollah. Après la guerre de 2006, qui dura un mois et qui coupa son redressement économique, après l’arrivée massive des réfugiés syriens, près de 2 millions pour une population estimée à 6 millions d’habitants, le Liban subit aujourd’hui une nouvelle salve de bombardements qui conduit à de nouveaux exodes de la population et à une destruction de ce qui tenait encore.
Une guerre existentielle
Pour Israël, cette offensive s’inscrit dans la guerre menée à la suite de l’attaque du 7 octobre 2023. Après la réduction du Hamas, fortement décapité dans la bande de Gaza, l’État hébreu s’est tourné vers le Hezbollah, qui depuis ses positions libanaises bombarde régulièrement le territoire israélien. L’objectif d’Israël est de faire appliquer la résolution 1701 de l’ONU (2006) qui prévoit le retrait du Hezbollah au nord du fleuve Litani, à 30 km de la frontière, ce qui permettrait de sécuriser son territoire. C’est bien une guerre existentielle que conduit Israël, qui vise à assurer sa sécurité face à deux adversaires qui ont pour but de l’éradiquer.
Une opération au sol sera probablement menée, mais après une intense série de frappes aériennes. En luttant contre le Hezbollah, Israël cherche aussi à briser l’arc chiite conduit par l’Iran, qui reste son dernier adversaire existentiel dans la région alors que tous les pays arabes sont en paix assumée ou de facto avec l’État hébreu. Aucun État arabe n’a intérêt à une extension du conflit, eux qui soutiennent du bout des lèvres la cause palestinienne, pour éviter la colère de leurs rues, mais qui n’ont aucune volonté d’aider à faire surgir un État palestinien.
Le temps des milices
Le Liban est un État failli, où les services de base comme l’accès à l’eau et l’électricité ne peuvent être fournis par les entreprises publiques. Quand l’État disparaît, ce sont les communautés qui prennent sa suite pour assurer la survie de leurs membres. C’est autour de ces logiques communautaires que se structure aujourd’hui ce qu’il reste de population libanaise. Chiites, essentiellement au sud, sunnite, au nord, chrétiens francophones, de moins en moins nombreux du fait d’une émigration massive vers la France et les États-Unis. Impossible de connaître la population exacte du Liban puisque le dernier recensement date de 1932. Aucun autre ne fut réalisé depuis puisque l’équilibre politique repose sur les données de 1932 et que personne ne souhaite les remettre en cause. Mais l’État ayant disparu, la question constitutionnelle et administrative n’est plus un sujet.
Le Hezbollah est au Liban ce que le lierre est au mur. Il le détruit tout en le soutenant. Cette milice n’est pas qu’une organisation terroriste. C’est aussi une structure sociale, qui fournit des services de santé et d’éducation, qui donne des emplois, qui finance les chiites, qui ont donc financièrement intérêt à son maintien. Le Hezbollah compte environ 100 000 membres, dont une grande partie d’administratif. Détruire le Hezbollah, c’est donc menacer de pauvreté la communauté chiite et ainsi plonger dans l’abîme un territoire bien fragilisé.
Une guerre contenue
Si beaucoup redoutent une extension de la guerre, force est de constater que depuis le 7 octobre dernier elle est pour l’instant contenue. Il n’y a pas eu de déstabilisation de l’Égypte, comme on pouvait le redouter, ni d’escalade de l’Iran, comme on pouvait le craindre. La Jordanie a aidé Israël à intercepter les missiles iraniens et l’Arabie saoudite s’active en coulisse pour trouver une solution de paix. Le conflit reste localisé dans un espace géographique restreint, Gaza, le Liban, loin, très loin, d’un embrasement redouté du Moyen-Orient. C’est plutôt une bonne nouvelle et cela démontre que le pire, y compris au Levant, n’est pas une fatalité.
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