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Chroniques / Jean-Baptiste Noé

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Gazoduc Nigeria – Maroc : relier l’Afrique à l’Europe
par Jean-Baptiste Noé

Le Maroc développe le projet d’un gazoduc le reliant au Nigeria afin d’exporter les ressources énergétiques de l’Afrique de l’Ouest vers l’Europe. Un projet ambitieux qui vise à faire du Maroc un hub énergétique majeur et à réduire la dépendance de l’Europe au gaz russe.

20/07/2024 - 08:30 Lecture 5 mn.

 

Sur une carte, le projet est des plus ambitieux : un gazoduc qui part du Nigeria, qui longe les côtes africaines atlantiques pour atteindre le Maroc. De là, et notamment de Tanger Med, l’ouverture vers l’Europe. D’une longueur de 6 000 km, le gazoduc traverse treize pays africains. Il doit exporter les richesses gazières du golfe de Guinée afin d’être un levier de développement pour ces pays et une réserve d’hydrocarbure pour une Europe qui cherche à échapper à la dépendance du gaz russe. Le coût des travaux est estimé à 25 milliards de dollars. La décision finale de les débuter devrait être prise en décembre, mais le projet a d’ores et déjà le soutien du Maroc, qui y voit l’opportunité de devenir le carrefour des énergies entre l’Afrique et l’Europe.

Les pays d’Afrique y voient une opportunité sans précédent pour développer leur industrie liée aux hydrocarbures, capter des devises internationales et tirer bénéfice de tous les dérivés du gaz, notamment dans l’industrie des engrais et de la chimie.

 

Pour le Maroc, une opportunité d’indépendance énergétique

 

Près de 90 % des énergies consommées au Maroc sont importées, ce qui fragilise sa balance commerciale et le met à la merci des fluctuations géopolitiques. Dépendant du gazoduc transsaharien et du carrefour énergétique qu’est l’Algérie, le Maroc cherche à acquérir son indépendance notamment pour ne plus dépendre du bon vouloir d’Alger qui utilise régulièrement le levier énergétique comme une arme diplomatique et stratégique.

Développer ce gazoduc avec le Nigeria est donc un moyen pour le royaume chérifien de ne plus dépendre de l’Algérie et de gagner en autonomie énergétique. Ce projet est porté depuis 2016 et la visite du roi Mohammed VI au Nigeria. S’il n’a pas encore pris corps, le Maroc espère faire débuter les travaux en 2025. En mai 2024, de premières études topographiques ont débuté sur le segment nord du gazoduc, c’est-à-dire entre le Maroc, la Mauritanie et le Sénégal. Les études sont notamment réalisées par l’entreprise marocaine Etafat, filiale du français Parera, qui a racheté l’entreprise en novembre 2023. Elle témoigne de l’importance de la maîtrise de compétences techniques dans le domaine des systèmes d’information géographique et des opérateurs réseau. Derrière le projet de gazoduc, c’est tout un ensemble de PME, dont plusieurs Françaises, aux compétences techniques très précises qui sont ainsi sollicitées pour réaliser le projet. Des entreprises qui doivent non seulement maîtriser les complexités industrielles de leur métier, mais aussi tenir compte d’un environnement géopolitique compliqué : le golfe de Guinée demeure l’espace maritime où la piraterie est la plus présente au monde et le gazoduc doit traverser des pays à la politique intérieure particulièrement complexe et compliquée.

 

La Russie en embuscade

 

Les entreprises russes sont également en embuscade. Elles ont notamment proposé au Maroc de développer des mini-centrales nucléaires, types SMR, afin de contribuer à l’autonomie énergétique du royaume. Un accord de coopération a ainsi été signé entre Moscou et Rabat en octobre 2022, accord qui vise à développer des infrastructures et à former du personnel marocain.

La France a essayé de contrer l’offensive économique russe en mettant en avant son savoir-faire en matière de nucléaire et ses liens anciens avec le Maroc. Toute chose vraie, mais considérablement amoindrie depuis une petite décennie. En matière de maîtrise industrielle de l’énergie nucléaire, les entreprises françaises ne sont plus aussi performantes que par le passé et en matière de liens diplomatiques, ceux-ci se sont considérablement distendus depuis 2017 avec un Quai d’Orsay, et surtout l’Élysée, qui y préfère l’Algérie, même s’il y a un léger réchauffement depuis quelques mois. Cela risque de pénaliser les entreprises françaises sur un projet industriel pourtant de grande importance.

Si au début du XXsiècle le Maroc fut le cœur des rivalités stratégiques entre la France et l’Allemagne pour la présence au Maghreb, c’est désormais entre la France et la Russie que la rivalité fuse. Une Russie qui a déjà chassé la France de nombreux territoires africains et qui compte bien poursuivre son avantage.

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