Chronique
Débat américain : Joe Biden crée l’inquiétude dans son camp
par Jean-Baptiste Noé

En règle générale, si les débats politiques sont attendus, ils influencent rarement l’issue des élections. Chaque camp salue la victoire de son poulain, les convaincus en ressortent plus convaincus encore et les dubitatifs ne sont guère éclairés. Qu’attendre d’un débat Donald Trump / Joe Biden alors que les deux sont archi connus des Américains et qu’ils occupent l’espace médiatique depuis près de dix ans ? Ce premier débat était donc attendu, comme un moment important de la campagne électorale, mais rien de nouveau ne semblait pouvoir en sortir.

Un Joe Biden perdu

Il n’en fut rien et Joe Biden a probablement beaucoup perdu dans ces échanges. Si Donald Trump fut égal à lui-même, ce qui ravit ses fans et irrite ses opposants, Joe Biden est apparu hésitant, perdu, ailleurs. Alors que les rumeurs et les interrogations sur son état de santé et ses capacités de diriger la première puissance mondiale ne cessent de l’accompagner depuis son élection en 2020, ses faiblesses sont apparues au grand jour et aux yeux de tous. Jusqu’à présent, les Américains pouvaient voir de brefs moments d’absence sur des vidéos, dont certaines étaient tronquées par le camp républicain pour renforcer l’effet politique. Lors du dernier sommet du G7, en Italie, Giorgia Meloni a dû jouer à plusieurs reprises le poisson-pilote d’un Joe Biden en état d’évaporation. Mais lors de ce débat, c’est un Joe Biden authentique qui s’est montré, sans trucage et manipulation vidéo ; un Biden qui a montré aux yeux des millions d’Américains qu’il était souvent incapable de parler et d’articuler des idées cohérentes.

Si la presse républicaine est sans surprise derrière Trump, la presse démocrate reconnaît elle aussi la défaite de Biden et s’interroge ouvertement sur le remplacement du président par un autre candidat. "Les démocrates doivent réfléchir à remplacer Biden" titre ainsi le New York Times dans une analyse publiée sur sa Une. Le journal relaie le désarroi d’électeurs démocrates qui se disent "effrayés " par la "chute" du président.

Techniquement parlant, il est possible de choisir un autre candidat. C’est la convention démocrate, qui se tiendra du 19 au 22 août, qui validera le ticket et officialisera la candidature Biden. Rien n’interdit que d’ici là, voire pendant la convention, un autre candidat soit substitué. Mais le temps presse, c’est dans moins de deux mois et surtout aucun candidat ne semble se détacher. En 2020, Biden fut le candidat par défaut d’un camp démocrate qui voulait surtout clore le chapitre Trump tout en évitant Bernie Sanders. Quatre ans plus tard, le parti n’a pas avancé d’un iota et se retrouve toujours incapable de renouveler ses grandes figures. Cela est peut-être encore plus effrayant pour la démocratie américaine que les images d’un président octogénaire visiblement perdu.

Trump, meilleur garant de la démocratie

Un sondage au résultat surprenant a été publié le 26 juin par le Washington Post, propriété de Jeff Bezos. Il s’agit d’une étude menée par un centre de recherche en sciences politiques de la Georges Manson university de Washington. Cette étude portant sur plusieurs swing states montre que 7 électeurs sur 10 de ces États clefs pensent que Trump est un meilleur candidat pour "assurer notre démocratie", même si une majorité d’électeurs estime qu’il ne reconnaîtra pas le résultat de l’élection s’il venait à perdre. "De nombreux Américains ne reconnaissent pas le rôle de gardien de notre démocratie joué par M. Biden, ce qui est un mauvais signe pour sa campagne", déclare ainsi Justin Gest, professeur de politique à l’université George Mason et qui fut l’un des pilotes de l’étude. Un sondage qui a été publié deux jours avant le débat que le camp démocrate reconnaît comme catastrophique.

Ce qui devait être un moment important, mais convenu et formel de la campagne est en train de devenir un tsunami ravageur pour Joe Biden et ses équipes. Si Donald Trump n’a pas encore gagné l’élection, il est possible que Joe Biden l’ait perdu lors de ce débat d’Atlanta qui va laisser des cicatrices indélébiles dans son camp. D’autant que d’autres débats sont prévus d’ici novembre ; de quoi faire craindre le pire aux démocrates qui vont s’engager dans cinq mois d’une campagne qui promet d’être étouffante.