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Chroniques / Jean-Baptiste Noé

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François en Indonésie : l’exigence du dialogue
par Jean-Baptiste Noé

Pour son voyage le plus long de son pontificat, le pape François s’est rendu en Indonésie pour aborder un thème qui lui est cher, celui du dialogue. Une volonté constante d’unir les hommes de bonne volonté face aux dangers des extrémistes.

07/09/2024 - 08:30 Lecture 5 mn.

Si l’Indonésie est loin des radars des grandes puissances mondiales, c’est un pays qui, malgré tout, pèse en Asie et dans le monde musulman. Fort d’une population de 270 millions d’habitants, c’est le pays le plus peuplé du monde musulman. Avec plus de 900 îles qui s’étirent de la Thaïlande à l’Australie, elle contrôle le détroit de Malacca et l’accès maritime aux mondes chinois et asiatique. L’Indonésie n’a certes pas la puissance économique de la Corée du Sud ou du Japon ni le dynamisme industriel du Vietnam, mais c’est un pays incontournable du monde musulman et du monde extrême-oriental.

Raison pour laquelle François a insisté pour s’y rendre, malgré son âge (87 ans), malgré son état de santé déclinant. Le dernier voyage d’un pape en Indonésie remonte à Jean-Paul II en 1989. Un autre pape pour une époque où le monde était totalement différent d’aujourd’hui. En se rendant à Jakarta, c’est aussi ce nouvel ordre mondial que François visite.

 

La constante du dialogue

 

Ce voyage ne peut se comprendre sans être mis en perspective avec deux précédentes visites de François : les Émirats arabes unis en février 2019 et le Kazakhstan en septembre 2022. Aux EAU, François avait rencontré le grand imam de la mosquée Al-Azhar du Caire pour signer le document sur "La fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune". À Astana, le pape avait cette fois-ci participé au Congrès des responsables des religions mondiales et traditionnelles, là aussi pour parler de la paix et de la coexistence. Entre ces trois voyages, c’est le même fil d’Ariane qui relit les efforts de la diplomatie pontificale pour contrer les mouvements extrémistes et mettre en avant les hommes de dialogue et de bonne volonté.

Derrière cette politique, un homme, le cardinal français Jean-Louis Tauran (1943-2018), qui eut longtemps la charge de la diplomatie vaticane et qui négocia la rédaction du texte signé aux EAU. La conviction de cette politique diplomatique est que le monde musulman est varié et multiple et qu’il ne se réduit pas aux membres de l’État islamique ou de Boko Haram. La façon de pratiquer et de vivre l’islam n’est pas la même dans les steppes d’Asie centrale, dans les pays du Maghreb et du Golfe arabo-persique et dans le monde asiatique.

C’est donc l’idée d’un bloc uniforme et violent qu’il faut casser pour révéler le pluralisme et la complexité d’un islam qui ne se réduit pas au monde arabe et aux drames du Proche-Orient. D’où les rencontres répétées, au Vatican ou lors des voyages, avec de hauts responsables musulmans, d’où la volonté de ratifier des textes d’entente afin de montrer un autre visage de la religion, capable d’unir les hommes et d’apaiser les tensions. Cette politique diplomatique fut une constante du cardinal Tauran, lui qui disait que les hommes étaient "condamnés au dialogue". C’est soit le dialogue, soit la guerre. Et lors de son voyage en Indonésie, c’est bien la paix que François veut promouvoir alors que le pays connaît des tensions intérieures fortes et des velléités d’indépendance de certaines îles.

 

Tunnel de l’Amitié

 

Si les catholiques sont très minoritaires en Indonésie, le président Joko Widodo a néanmoins fait construire un "tunnel de l’Amitié" qui relie la cathédrale de Jakarta à la grande mosquée de la capitale. Un chemin d’une centaine de mètres qui symbolise l’amitié et la fraternité humaine. Une construction certes symbolique, mais qui témoigne néanmoins de la volonté du gouvernement indonésien d’être un facteur de stabilité dans une région du monde incandescente. Que pèse un texte ratifié par le pape et le grand imam de Jakarta face au chaos du monde, aux guerres, aux rivalités de pouvoir technologiques et économiques ? Bien peu de chose.

Si le papier n’arrête pas les bombes, le pari de François est que le dialogue et l’alliance des hommes de paix font barrage aux fanatiques et aux fauteurs de guerre. Ce doit aussi être un exemple pour les populations parfois tentées par les mouvements radicaux. Une condamnation des actes terroristes et violents par les plus hautes autorités délégitime les violences en leur retirant leurs soubassements moraux. À l’heure où la Jemaah Islamiyah s’infiltre en Indonésie, où le Hamas et le Hezbollah se revendiquent en fou de Dieu, où des islamistes ont encore massacré des dizaines de civils au Burkina Faso, cette rencontre avec le grand imam de Jakarta se veut un message d’espoir dans un monde en feu et une réponse spirituelle et morale d’édification de la paix à tous ceux qui agitent leurs rêves de guerre de religion.

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