Chroniques / Jean-Baptiste Noé
Chroniques
Jean-Baptiste Noé
Chronique
Ariane 6 : un succès industriel majeur
par Jean-Baptiste Noé
Grand succès pour Ariane 6 et le projet spatial européen. Le lancement du 9 juillet s’est opéré sans accroc, permettant à la France et à l’Europe de revenir dans le grand jeu spatial.
Les images sont spectaculaires. La colonne de 63 mètres de long s’élance ce 9 juillet du centre spatial de Kourou, accompagnée dans son vol par deux Rafales de l’armée française. Sécurité optimale et succès assuré : après des années de travaux et de recherche, la France et l’Europe redeviennent des grandes puissances spatiales. Il y avait urgence : en 2023, les États-Unis ont réalisé 107 lancements, la Chine 63 et l’Europe seulement 3.
Depuis l’arrêt d’Ariane 5 en 2023, l’Europe ne disposait plus d’accès autonome à l’espace. C’était à la fois une perte industrielle et une perte de souveraineté alors que l’espace est l’un des domaines essentiels de la puissance économique et politique. La réussite du lancement d’Ariane 6 est donc une excellente nouvelle, d’autant que le programme fut maintes fois reporté pour accumuler près de quatre années de retard. Tensions entre les pays partenaires, bureaucratisation excessive et contraintes administratives sont à l’origine de ces retards, pénalisant la France et ses partenaires européens.
L’Armée de l’Air en renfort
Si le programme Ariane espace est européen, la France y joue un rôle clef, notamment pour les aspects logistiques. Au moment où la Nouvelle-Calédonie est sous tension et où l’Azerbaïdjan organise un forum sur la "décolonisation" des outre-mer français, le lancement d’Ariane 6 rappelle l’importance extrême de la Guyane et de la base de Kourou dans la puissance industrielle française. Une base qui est sous le contrôle permanent de l’Armée de l’Air et de l’Espace, qui assure la sécurité des lieux. Lors du lancement d’Ariane 6, ce furent ainsi plusieurs unités qui furent mobilisées. Des hélicoptères Fennec assuraient la protection en vol, notamment en disposant de brouilleurs de drones et de tireurs embarqués. Les Rafales ont sécurisé l’espace aérien, évitant l’intrusion fortuite ou volontaire d’aéronefs dans la zone de décollage d’Ariane 6. À quoi s’ajoutent des hélicoptères Puma, qui embarquent des commandos qui peuvent se poser sur la base et y intervenir en cas d’intrusion au sol. Pour qu’Ariane 6 puisse réussir, il faut non seulement une maîtrise du processus industriel, mais aussi une protection militaire.
Tissu industriel
La présence de ce type de lanceur est vitale pour l’économie de la Guyane, qui vit en grande partie du centre spatial. Mais elle est vitale aussi pour un grand nombre de villes françaises qui sont insérées dans le tissu industriel spatial.
Toulouse fait partie de ces villes dont une partie essentielle de l’économie repose sur l’industrie aéronautique et spatiale, emmenant dans son sillon outre Airbus et Ariane espace, les sous-traitants, les pôles de recherche, les universités et les écoles et de très nombreuses PME qui travaillent pour ce secteur.
Montpellier est une autre de ces villes insérées dans le tissu spatial, notamment via son Centre spatial universitaire, rattaché à l’université de Montpellier et qui travaille sur les nanosatellites. Le centre s’est illustré le 9 juillet dernier en envoyant via Ariane 6 un nanosatellite sous forme de cube de 4 kg, destiné à la surveillance de la Méditerranée pour le compte de Météo France. Robusta-3A doit ainsi détecter les épisodes climatiques violents, notamment les épisodes cévenols et méditerranéens, afin de mieux les prévoir et donc de protéger les populations et les infrastructures. Outil majeur pour Météo France, lui permettant d’affiner ses prévisions, ce satellite de petite taille sera aussi très précieux pour les populations et les entreprises du pourtour méditerranéen qui pourront ainsi anticiper les précipitations violentes et donc limiter les dégâts causés par celles-ci. C’est un exemple d’une avance précieuse pour la protection et l’aménagement du territoire français.
Galileo en ligne de mire
Ce retour de l’Europe dans l’espace et cette autonomie stratégique acquise grâce à Ariane 6 devraient permettre d’achever le projet Galileo. Initié en 2001, lui aussi a connu de nombreux retards. Tous les satellites nécessaires à son fonctionnement devraient être lancés d’ici la fin de l’année 2024, ce qui devrait permettre aux Européens de disposer d’un système autonome par rapport aux États-Unis et à la Chine. Plus que jamais, que ce soit pour les communications, la météorologie, la navigation, l’espace est le lieu essentiel et le terrain des nouveaux champs de puissance.
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