Chroniques / Jean-Baptiste Noé
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Jean-Baptiste Noé
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L’Iran détient les clefs du Moyen-Orient
par Jean-Baptiste Noé
Depuis un an, c’est une guerre Iran / Israël qui est menée au Moyen-Orient, par l’intermédiaire de proxys. De la bande de Gaza à la mer Rouge, l’Iran détient les clefs de l’avenir du Moyen-Orient.
Fusil posé à ses côtés, le guide suprême de la révolution, Ali Khamenei, s’est adressé aux Iraniens et, par là même, à toutes les populations concernées par la guerre au Moyen-Orient. Lors de la prière du vendredi, son prêche fut un discours politique qui a donné le ton de l’analyse des derniers mois et des perspectives pour le futur. Selon lui, l’attaque du 7 octobre 2023 conduite par le Hamas était "totalement légitime", tout comme les tirs de missiles sur Israël et les attaques menées par le Hezbollah depuis une année, qui rend "un service vital à toute la région". Il est très rare que l’ayatollah Khamenei s’exprime en public ; depuis un an ses interventions furent millimétrées. Mais après la décapitation du Hezbollah, les attaques ciblées israéliennes sur le sol même de Téhéran et les incursions de Tsahal au sud Liban, le guide de la révolution ne pouvait pas demeurer silencieux.
Son discours montre à la fois qu’il assume et reconnaît l’année guerrière écoulée, mais qu’il prépare aussi l’avenir, et donc d’éventuelles attaques, lorsqu’il affirme qu’Israël "n’en a plus pour longtemps".
Guerre interposée
C’est par l’intermédiaire de ses proxys que l’Iran attaque Israël : Hamas, Hezbollah, Houthis sont financés et agissent sous la houlette de Téhéran. Les attaques de navires en mer Rouge, les tirs de missiles depuis les positions libanaises participent d’une stratégie de déstabilisation du Moyen-Orient qui repoussent les possibilités de la paix. La question palestinienne devient secondaire pour le régime de Téhéran : il ne s’agit nullement d’aboutir à la création d’un État indépendant et autonome, mais d’affirmer la puissance iranienne sur la région et de disposer d’un ennemi diabolisé afin de galvaniser les foules et de souder la population.
Jusqu’à présent, l’Iran a évité la confrontation directe. Même ses répliques militaires furent mesurées et modérées, avertissant au préalable de ses tirs de missiles. Téhéran mène un affaiblissement d’Israël tout en évitant une guerre frontale qui pourrait lui être fatale. D’où l’importance des propos tenus par l’ayatollah Khamenei vendredi matin. S’agit-il de clore un chapitre en apportant une désapprobation publique ou bien d’ouvrir une nouvelle ère à l’affrontement ? Aujourd’hui, l’Iran dispose des clefs de l’avenir du Moyen-Orient.
Incertitude nucléaire
L’incertitude repose notamment sur son rapport à l’arme nucléaire. Si l’Iran franchit le seuil du militaire en conduisant des essais pour se doter de l’arme atomique, il est évident qu’Israël interviendra de façon directe, en bombardant les sites iraniens avant que le seuil ne soit franchi. Déjà en Israël, certains politiques demandent une intervention préventive, ce qui reviendrait à ouvrir un troisième front, après Gaza et le Liban et à entrer dans une guerre inconnue. Les États-Unis, eux aussi, ne pourraient rester les bras croisés face à cette montée en gamme militaire. Franchir le seuil reviendrait donc à intensifier la guerre au Moyen-Orient et à lui donner une dimension plus internationale encore. L’Iran sait pouvoir compter sur le soutien de la Russie, qui a besoin du pays comme plaque de transit de vente de ses hydrocarbures et comme marché pour son approvisionnement en armement. Ou comment faire passer dans les fractures du Moyen-Orient les plaies de la guerre en Ukraine.
Restent les pays arabes, témoins impliqués de cette rivalité. Le Liban, dont le territoire est le lieu de l’affrontement, l’Arabie saoudite et la Jordanie, qui ne veulent pas de la guerre et qui n’ont aucune sympathie pour leur voisin tout à la fois perse et chiite. Dans ce bras de fer Iran / Israël, c’est eux qui tentent de prendre en main les clefs de la paix et de la négociation. Déjà, au Caire, des émissaires du Hamas et d’Israël se rencontrent. D’Ankara à Ryad, une pression s’exerce sur Téhéran pour empêcher que les clefs n’ouvrent sur les portes de l’enfer.
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