WAN
menu
 
!
L'info stratégique
en temps réel
menu
recherche
recherche

Chroniques / Jean-Baptiste Noé

Chroniques
Jean-Baptiste Noé

Chronique
Nouvelle-Calédonie : le feu oublié
par Jean-Baptiste Noé

La situation reste dramatique en Nouvelle-Calédonie, notamment dans la région du Mont-Dore. L’économie tourne au ralenti, la situation politique est bloquée. L’archipel illustre la désaffection stratégique française pour les outre-mer.

26/10/2024 - 08:30 Lecture 7 mn.

En Martinique comme en Nouvelle-Calédonie, les outre-mer s’embrasent. Pas pour les mêmes raisons, mais avec une même conséquence : la violence l’emporte sur le dialogue et la vie y devient de plus en plus compliquée. C’est le révélateur d’un manque de vision stratégique de la France pour ces territoires qui sont pourtant des points d’appui essentiel de sa puissance. Le traitement par le social, c’est-à-dire par les aides et les subventions, s’il apporte un calmant immédiat, ne règle pas le problème sur le long terme.

 

Le Mont-Dore isolé

 

En Nouvelle-Calédonie, si la situation est meilleure dans l’archipel, c’est dans la région de Nouméa et du Mont-Dore que les tensions demeurent, notamment autour de la tribu de Saint-Louis, épicentre des violences depuis de nombreuses années. Cette zone de 1 400 personnes, située entre Nouméa et le Mont-Dore, est le fruit de l’histoire néo-calédonienne. C’est à l’origine une mission catholique, organisée sur le modèle des réductions sud-américaines, qui regroupe des populations chassées des îles environnantes. L’église saint Louis, construite en 1860, plus ancien bâtiment religieux de l’archipel, y a été incendiée en juillet dernier à la suite des violentes émeutes. Émeutes qui ont conduit également à couper la RP1, artère vitale permettant de relier Nouméa au sud de l’île. Pendant cinq mois, la population du Mont-Dore sud, soit près de 14 000 habitants, a ainsi été isolée du reste de l’île, ne pouvant accéder à Nouméa que par la voie maritime et aérienne.

Face à la violence des émeutiers, la gendarmerie s’est retrouvée impuissante pour ramener l’ordre. C’est dans ce contexte tendu qu’est intervenue la mort du gendarme Nicolas Molinari, le 13 juillet. Rendant visite aux chefs coutumiers de la tribu Saint-Louis, il avait ôté son casque de protection en signe de respect à leur égard. Profitant de ce désarmement, des individus l’ont abattu d’une balle en pleine tête, à bout portant. Un meurtre qui a profondément marqué la gendarmerie et les habitants de Nouvelle-Calédonie, pour un bilan humain des émeutes qui s’élève à près de 20 morts.

Le témoignage du colonel de gendarmerie Cédric Aranda, qui commande le groupement opérationnel du maintien de l’ordre, témoigne de la violence des faits : "Avant la crise, il y avait déjà des caillassages, des tirs et des car-jackings aux abords de Saint-Louis. Mais aujourd’hui, cette zone reste en effet un point dur. Notre objectif est de reprendre pied sur le terrain et de sécuriser la circulation sur cet axe […]

Sur toutes ces opérations, on a été systématiquement pris à partie par arme à feu, de manière très violente […] C’était à balles réelles et avec du gros calibre. Le secteur de Saint-Louis reste très dangereux […] On est sur un adversaire qui est hypermobile, hyperagressif, qui nous tire dessus à balles réelles, sans qu’on n’ait jamais pu le localiser et l’identifier […] Ils ont des postes de tir qu’on a pu identifier, des armes à feu qui circulent et une structure qui est très militarisée. On est sur des adversaires entraînés, car ils font des tirs très précis, même à plusieurs centaines de mètres de la cible" (NC1ère, 14 août 2024).

 

Une situation qui demeure tendue

 

Le calme n’est toujours pas revenu dans la tribu Saint-Louis, où des émeutiers continuent de couper la route et de semer la terreur. La route est tantôt rouverte, avec protection militaire, tantôt fermée, pénalisant ainsi très fortement la population. Ne pouvant ni rétablir l’ordre ni arrêter les émeutiers qui habitent dans la tribu Saint-Louis, les autorités françaises ont opté pour la construction d’un mur le long de la RP1. Il s’agit d’un mur en T (T-wall), soit des morceaux de béton de 4 à 7 mètres de haut, installés de chaque côté de la route. Facile et rapide à construire, cette palissade est censée être efficace contre les intrusions, et notamment les projectiles d’armes de poing. Une solution identique à celle qui protège les routes qui conduisent d’Égypte et d’Israël vers Gaza, ou encore similaire au mur qui longe la frontière mexicaine. À ceci près que ce mur-ci est situé à l’intérieur même du territoire français. Ce qui est un symbole très négatif envoyé à la communauté internationale.

 

Activisme étranger

 

Outre ses problèmes intérieurs, la Nouvelle-Calédonie est sous le feu de nombreux activistes étrangers qui dénoncent une "politique coloniale" française. Certains sont financés par l’Azerbaïdjan, d’autre part des associations chinoises, d’autres enfin sont repris par des journalistes et des influenceurs australiens qui, presque chaque jour, attaquent la France et sa politique. Une attaque informationnelle qui ne semble pas être prise au sérieux par les autorités alors qu’elle est de la même nature, mais sur un autre sujet, que celle qui a conduit l’Australie à rompre son contrat avec Naval Group. Ces attaques informationnelles, qui jouent sur les symboles (le mur) et les thèmes anti-français (discours colonial), finissent par saper l’autorité et la légitimité de la présence française.

Le manque de réponse adaptée est une autre preuve de l’absence de vision stratégique pour ces territoires. Cette absence de stratégie renforce la peur de la population locale, dont beaucoup ont quitté l’archipel pour revenir en France, certains perdant tous leurs biens. Il y aurait eu près de 10 000 départs, sans qu’aucun chiffre officiel ne soit fourni. Les sécessionnistes sont en train de gagner par la peur ce qu’ils n’ont pu obtenir par les urnes.

Chroniques du même auteur
Chroniques
du même auteur

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / Hamas : l’hydre perpétuelle

19/10/2024 - 08:30

//

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / Chypre : au cœur des dangers

12/10/2024 - 08:30

//
Les chroniques de la semaine
Les chroniques
de la semaine

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / Hamas : l’hydre perpétuelle

19/10/2024 - 08:30

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / Chypre : au cœur des dangers

12/10/2024 - 08:30

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / L’Iran détient les clefs du Moyen-Orient

05/10/2024 - 08:30

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / Le Liban dans l’engrenage de la guerre

28/09/2024 - 08:30

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / Israël : le coup de force

21/09/2024 - 08:30

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / La Chine programme « la nouvelle productivité »

14/09/2024 - 08:30

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / François en Indonésie : l’exigence du dialogue

07/09/2024 - 08:30