Chroniques / Jean-Baptiste Noé
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Jean-Baptiste Noé
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Donald Trump : un défi pour la France
par Jean-Baptiste Noé
Sitôt élu, Donald Trump a annoncé un volet de nominations et de réformes qui mettent la France au défi. Le temps du splendide isolement est fini : la France est confrontée aux vents du monde.
Si l’on a coutume de considérer que ce qui se passe aux États-Unis finit par arriver en France, il faut donc prêter la plus grande attention aux nominations et réformes annoncées par Donald Trump. Ce serait une erreur de considérer les personnes nommées uniquement comme des farfelus, des présentateurs télé, des marginaux. Quoi que l’on puisse penser d’eux, ils ont une doctrine, une idée claire de ce qu’ils veulent faire et une volonté pour la mettre en musique.
C’est le cas d’Elon Musk, qui va appliquer à l’administration centrale américaine les méthodes éprouvées à Tesla et à Twitter. On peut s’attendre à une réduction massive des fonctionnaires, une disparition d’un grand nombre d’agences fédérales, une réduction massive des dépenses. Le gain attendu est une meilleure compétitivité, une baisse des impôts, une libération des énergies. Si la politique est menée et que les résultats sont atteints, le choc sera violent pour une France qui ne parvient toujours pas à réduire son budget et à baisser sa dépense publique.
Le risque est alors de se retrouver dans la position du Japon et de la Chine au XVIIIe siècle : dépassé par la force technologique et l’avancée technique de nos concurrents mondiaux. La tentation de l’île n’est jamais bonne : c’est en entrant dans un splendide isolement que le Japon a perdu pied face à l’Europe, c’est en s’ouvrant au monde qu’il a pu retrouver sa grandeur et sa puissance.
La guerre des deux France
L’historien de l’économie Jacques Marseille avait théorisé l’existence de deux France : une qui avance et une qui freine. Une nouvelle illustration en est donnée avec la signature annoncée du traité du Mercosur, après vingt ans de négociation. La baisse prévue de près de 90 % des droits de douane réjouit toute une partie du secteur économique industriel, qui voit s’ouvrir les opportunités d’un marché de 700 millions d’habitants et de pays au fort potentiel de développement. Du côté du monde agricole, le tableau est complexe. Si certains secteurs, comme la viticulture et les AOC se réjouissent, d’autres font grise mine, comme les éleveurs et les céréaliers, peu ravis de devoir affronter la concurrence de la ferme Brésil dont l’agriculture est industrialisée et hautement performante. Entre une France qui avance pour la signature et une autre qui freine, le gouvernement est pris dans les tenailles des échanges mondiaux.
Il en va de même pour les mesures adoptées de l’autre côté de l’Atlantique. L’Argentine fait figure de laboratoire des réformes libérales, portée par un Javier Milei à la pensée beaucoup plus structurée et cohérente que le seul loco de la Pampa dont on le dépeint. S’il échoue, le libéralisme sera définitivement discrédité. S’il réussit, la France ne pourra plus ignorer l’exemple argentin ; un pays dont le PIB par habitant était supérieur à celui de la France dans les années 1930. Il en va de même du projet politique porté par Elon Musk : s’il est couronné de succès, ce sont bien des idées françaises qu’il faudra revoir. De quoi raviver la guerre des deux France.
Chine / États-Unis : le match
Depuis Barack Obama, la politique américaine ne porte plus l’Europe comme une priorité. C’est la Chine seule qui inquiète et fait figure de concurrent principal. C’est l’objet des réformes portées par Donald Trump et son administration, qui se prépare à entrer en fonction en janvier 2025. Face au modèle chinois, il faut proposer un contre-modèle idéologique qui puisse non seulement soutenir la concurrence économique et militaire, mais aussi redevenir attrayant.
Quand Donald Trump parle de redonner à l’Amérique sa grandeur, il pense d’abord aux Américains. Mais il se projette aussi sur le rêve américain qui, partout dans le monde, fait rêver les talents et les élites. Débarrasser les universités américaines de leurs dérives idéologiques est une nécessité pour leur redonner leur attrait et pour relancer la course aux cerveaux afin d’attirer les meilleurs ingénieurs et les meilleurs chercheurs. Là aussi, le défi est immense pour la France : il y a urgence à revoir complètement notre système d’enseignement supérieur et de recherche, au risque sinon que les meilleurs partent outre Atlantique, sans projet de retour. Pour la puissance et pour l’avenir du pays, ce serait une perte irrémédiable.
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