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Chroniques / Jean-Baptiste Noé

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Jean-Baptiste Noé

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Kivu : guerre oubliée, guerre sans fin
par Jean-Baptiste Noé

La prise de Goma par le M23 remet en avant une guerre au Kivu qui dure depuis plusieurs années, dans une relative indifférence, en dépit des massacres et des nombreux civils touchés.

01/02/2025 - 08:30 Lecture 5 mn.

C’est une pelote de laine dont il faut démêler les fils embrouillés, un empilement de strates où les haines ethniques se mêlent aux rancœurs historiques. Pour un résultat visible et effroyable : les affrontements au Kivu, qui durent depuis le début des années 2000, ont causé des dizaines de milliers de morts et de blessés et près de 2 millions de personnes auraient été déplacées, selon différents rapports de l’ONU. L’encerclement de Goma, la principale ville du nord Kivu, et sa probable prise, ont remis la lumière sur ces drames.

 

Le Congo et ses fragilités

 

Plusieurs causes se rejoignent pour aboutir à ces affrontements.

D’abord, la fragilité intrinsèque du Congo, immense pays d’Afrique centrale qui s’étale des rives du fleuve Congo aux Grands Lacs, de l’océan Atlantique à l’espace d’influence du monde de l’océan Indien. Miné par la corruption et la faiblesse de l’État, ravagé par la pauvreté et les rivalités ethniques, le Congo peine à s’imposer sur son propre territoire. Un manque de contrôle qui favorise les rébellions et les sécessions des zones périphériques, dont le Kivu est un exemple. Goma étant située à plus de 2 500 km de Kinshasa, la ville est plus proche du Rwanda et de l’Ouganda que de sa capitale d’État.

Ensuite, les rivalités entre le Congo et le Rwanda, et notamment l’ethnie tutsie, à laquelle appartient Paul Kagamé. Celui-ci accuse le Congo de soutenir et de favoriser des milices hutues qui cherchent à le déstabiliser. Lors du génocide au Rwanda, plusieurs commanditaires et assassins ont traversé la frontière pour se réfugier au Kivu, entraînant une intervention de l’armée rwandaise pour les poursuivre. De quoi élargir à l’échelle régionale un conflit qui était d’abord national. En retour, le Rwanda soutient le M23, principal mouvement qui lutte au Kivu et qui participe de la déstabilisation. De quoi tendre encore davantage les relations entre Kinshasa et Kigali. Entre les deux pays, le passif historique est lourd. En 1997, Mobutu avait été renversé par Laurent-Désiré Kabila, avec le soutien du Rwanda. Assassiné en 2001, il fut remplacé par son fils, Joseph (2001-2019), dont les rumeurs sur les origines de sa filiation n’ont jamais cessé, ses adversaires expliquant qu’il était Rwandais, afin de le fragiliser.

Troisièmement, le Kivu attise les convoitises pour ses mines : or, argent, coltan, des matières essentielles à l’industrie contemporaine, notamment pour les produits technologiques. Les mines artisanales se succèdent et beaucoup considèrent que le Rwanda veut opérer un contrôle du Kivu afin de s’assurer la mainmise sur les mines.

 

Drames humains en cascades

 

Dans ces imbrications de haines, de rancœurs et de convoitises, les drames humains s’enchaînent. Les milices armées, utilisées et manipulées par le Rwanda et le Congo, se livrent davantage à des pillages et des guerres de rapine qu’à de grands projets géostratégiques de contrôle des espaces. Le M23, qui vit de la guerre, et en miroir les Wazalendo, soutenus par le Congo, qui pratiquent pillages, viols et terreurs sur des populations civiles désemparées. Dans ces territoires ravagés par les conflits se succèdent les enlèvements, les demandes de rançons, les impôts et taxes militaires qui permettent de financer les groupes. Les jeunes de moins de 18 ans sont souvent employés comme soldat, obérant tout avenir et toute construction sociale future possibles.

Dans de nombreuses villes du Congo, dont la capitale, des gangs, baptisés les Kuluna, "grand banditisme urbain " en langue locale, sèment la terreur le soir venu. Le gouvernement y a répondu par la force, en multipliant les arrestations et les détentions. Il y va de la survie du pouvoir actuel. Félix Tshisekedi s’est fait élire sur la promesse de ramener l’ordre au Kivu. L’orgueil national blessé par le voisin rwandais, ajouté aux violences urbaines et aux problèmes sociaux, pourrait conduire à un renversement du pouvoir, comme Mobutu en 1997. Un scénario que le Congo veut éviter, et la communauté internationale avec lui, pour ne pas ajouter du trouble à des guerres sans fin.

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