Chroniques / Jean-Baptiste Noé
Chroniques
Jean-Baptiste Noé
Chronique
La nouvelle guerre d’Algérie
par Jean-Baptiste Noé
Jamais les tensions entre Paris et Alger n’auront été aussi violentes. Entre actions de déstabilisation et propos publics acerbes, la situation est durablement dégradée.
Avec l’Algérie, Emmanuel Macron aura tout tenté. Alors qu’il n’est pas issu d’une famille de pieds-noirs, il a montré un tropisme algérien dès la campagne de 2016 et une volonté de pacifier et renforcer les relations entre les deux pays. Les voyages présidentiels ont été nombreux, les voyages ministériels aussi. Entre reconnaissance des fautes de la France et création d’une commission d’historien dirigée par Benjamin Stora, il voulait être celui qui arriverait à normaliser les relations Paris / Alger et repartir sur des bases nouvelles.
En somme, une réconciliation à la hauteur de celle avec l’Allemagne. En vain. Le gouvernement algérien n’a jamais répondu à la main tendue, jusqu’à exaspérer l’Élysée, qui se brouillait en même temps avec le Maroc. Jusqu’au spectaculaire retournement de juillet 2024 où la France, après les États-Unis et l’Espagne, reconnaissait la souveraineté légitime du Maroc sur le Sahara occidental. Une réconciliation subite et totale avec Rabat, un casus belli pour Alger, qui depuis lors est partie dans une nouvelle guerre avec la France.
Rente mémorielle et légitimité politique
Économiquement parlant, les relations avec l’Algérie comptent peu. En 2023 les échanges commerciaux entre les deux pays s’élevaient à 11,8 milliards d’euros. Dix fois moins qu’avec la Belgique. La France importe essentiellement du gaz et du pétrole et exporte pour 4,5 milliards d’euros, notamment des produits agricoles. À titre de comparaison, les échanges commerciaux avec le Maroc s’élèvent à 13,4 milliards d’euros, mais avec une structure différente, puisqu’il n’y a pas d’hydrocarbures. Les entreprises françaises sont beaucoup plus implantées au Maroc qu’en Algérie, notamment pour l’industrie. Alors qu’Oran et Alger avaient tout pour être de grands ports africains et méditerranéens, rôle qu’a toujours tenu Alger, ils sont aujourd’hui dépassés par Tanger Med, qui est devenu le premier port d’Afrique.
Au vu de ses potentialités, de ce qu’elle était au moment de l’indépendance, de sa profondeur géographique, entre Sahel et Méditerranée, l’Algérie est un immense gâchis. À un gouvernement qui a échoué, il ne reste plus, comme légitimité politique, que la rente mémorielle, qui consiste à désigner la France comme ennemi et à l’attaquer. C’est l’erreur de l’Élysée que d’avoir cru que l’amitié était partagée. Si Paris a tendu la main et a voulu la paix, Alger a besoin de la guerre pour continuer à survivre. Cela lui permet à la fois de tenir sa population intérieure et de mobiliser une diaspora nationaliste, prompte à attaquer le pays où elle vit pour défendre celui dont elle ne dépend plus.
L’affaire des influenceurs en est la preuve et témoigne d’une autre facette de la guerre, celle de l’information et du formatage des opinions.
Guerre cognitive et information
L’influence sur les réseaux sociaux permet de mobiliser une population déjà acquise, qui trouve dans les influenceurs matière à conforter ses jugements. Elle permet d’agréger des personnes qui ne sont pas en contact, de les mobiliser derrière l’anonymat du clavier et de créer une communauté humaine de destin qui influence à son tour via son cercle personnel. Utilisant les codes modernes, ces influenceurs se font généraux en chef d’une guerre cognitive qui est dressée contre la France.
À quoi s’ajoute le jeu trouble de la mosquée de Paris, tenue par l’Algérie, qui se fait de plus en plus le relais officiel du pouvoir. Comme l’a démontré une enquête de l’Opinion, elle est parvenue, en 2023, à obtenir le monopole de la délivrance des certificats halal de l’Union européenne vers l’Algérie. Ce qui lui rapporte plusieurs millions d’euros annuels, sans que la somme exacte soit connue, ni la destination et l’usage final de cet argent collecté. Compte tenu de l’importance de la diaspora algérienne en France, et de sa forte mobilisation, ce sont autant de relais dirigés contre Paris.
À quoi s’ajoute une purge politique en Algérie même, dont l’arrestation et la détention de Boualem Sansal sont le symbole. Accusés d’être des "harkis", nombreux sont les professeurs, les journalistes et les intellectuels qui ne partagent pas l’attaque contre la France à subir des pressions, voire des répressions.
Engagée dans une course sans fin et sans issue contre la France, l’Algérie est dans une impasse. Et pour la France, c’est autant un problème de politique étrangère que de politique intérieure.
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