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Chroniques / Jean-Baptiste Noé

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Jean-Baptiste Noé

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Mobilisation en Russie : près des mots, loin des réalités
par Jean-Baptiste Noé

En annonçant la mobilisation partielle, Vladimir Poutine a ouvert un nouveau chapitre de l’invasion de l’Ukraine. Mais des mots à la réalité de cette mobilisation, il y a un grand pas à franchir, qui pourrait bien affaiblir la Russie. 

24/09/2022 - 08:30 Lecture 5 mn.

La logique est impitoyable. Annonce de référendums dans les zones occupées pour valider leur rattachement à la Russie. Annonce d’une mobilisation partielle de 300 000 hommes pour protéger ces terres devenues russes. Annonce de la possibilité d’employer toutes les armes, c'est-à-dire y compris le nucléaire. Puisque ces terres, par la grâce du référendum, seront devenues russes, les attaquer reviendrait à attaquer la Russie, ce qui justifie la mobilisation des réservistes et l’emploi du nucléaire.

Une logique impitoyable qui est aussi un aveu de faiblesse : ne parvenant plus à avancer, l’armée russe tente de consolider les terres conquises en donnant une validation juridique illusoire à leur annexion. Mais annoncer une mobilisation partielle de 300 000 hommes est une chose ; la réaliser en est une autre.

 

Des mots et des faits

 

La mobilisation pose de sérieux défis logistiques. D’abord, sélectionner les 300 000 hommes sur l’ensemble des réservistes, en fonction de leur utilité pour les combats. Ensuite, les former, les vêtir, les nourrir, les approvisionner en armes et en munitions, les loger et les employer sur le front. Un défi logistique qu’il n’est pas certain que la Russie puisse relever. Ces hommes devront être soldés, ce qui représente un coût élevé. Plusieurs experts militaires estiment que la mobilisation, si elle se déroule bien, ne pourrait être effective que dans six mois, soit au début du printemps prochain. Ce qui peut être utile pour des combats à mener en 2023, mais ce qui ne résoudra pas les problèmes de cet automne.

300 000 réservistes mobilisés, ce sont 300 000 Russes retirés de leurs emplois civils. Ces réservistes viennent de milieux sociaux variés et occupent des emplois dans tous les secteurs : conducteurs de bus ou de métro, ouvriers ou employés, patrons de PME, etc. Retirer 300 000 jeunes actifs de l’économie russe pour les envoyer sur un front de guerre entraînera des répercussions économiques négatives. Qui pour les remplacer dans leurs métiers ? Qui pour prendre le relais et assurer la continuité du fonctionnement économique ? Il ne sera pas aisé de trouver et de former des remplaçants en si peu de temps. Cette mobilisation partielle peut se révéler beaucoup plus désastreuse pour l’économie russe que les sanctions occidentales.

Des mots à la réalité, il y a donc un fossé. Il est fort possible que le discours de Vladimir Poutine s’arrête d’abord aux mots et n’aille pas au-delà. Mais pour la population russe, c’est aussi entrer dans une autre réalité, celle de la guerre présente dans le quotidien. Elle ne touche plus désormais seulement les soldats de métier ou des territoires lointains, elle concerne directement les Russes et leur vie quotidienne. Les manifestations d’opposition à cette mobilisation montrent que celle-ci passe mal dans l’opinion, même s’il faut se méfier des effets de loupe qui peuvent grossir des cas particuliers en les faisant passer pour des décisions générales.

 

L’Allemagne et ses grands mots

 

Même défi en Allemagne. Annoncer 100 milliards d'euros d’investissement dans le matériel militaire est une chose ; le réaliser en est une autre. Où Berlin trouvera-t-il cette somme alors que le pays est confronté à une forte inflation et à des problèmes énergétiques majeurs ? Qui pourra produire le matériel ? Probablement pas les entreprises françaises ou européennes tant on connaît le tropisme atlantiste de Berlin, plus sûrement des entreprises américaines. Une bonne opération pour Washington, une moins bonne pour l’Europe de la Défense.

Bâtir une armée certes, mais avec quels hommes ? Dans la chose militaire, le matériel ne suffit pas. Encore faut-il avoir des pilotes et des techniciens pour faire fonctionner les avions, des marins et des ingénieurs pour la marine, des soldats et des officiers pour l’armée de terre. Ce qui suppose de disposer de lycées et d’écoles pour former ces personnels, et de candidats pour pourvoir aux postes. En clair, on ne bâtit pas une armée avec de l’argent, mais avec un esprit de défense qui suppose une adhésion de la population. Ce qui ne s’achète pas, même avec des milliards. Des annonces du chancelier allemand à la réalité, il y a donc un grand pas à franchir.

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