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éditorial / Yves de Kerdrel

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Yves de Kerdrel

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Craquements
par Yves de Kerdrel

Moins d’une semaine après le succès de Choose France, le couple exécutif doit faire face à l’explosion de violence en Nouvelle-Calédonie, à une menace de procédure bruxelloise pour déficit excessif et à une recrudescence de la délinquance de haut vol avec la mort de deux agents de l’administration pénitentiaire. Autant d’éléments qui risquent de favoriser l’extrême droite lors du scrutin européen.

19/05/2024 - 06:30 Lecture 9 mn.

C’est jeudi soir prochain que Gabriel Attal et Jordan Bardella doivent s’affronter sur France 2 vers 20 h 15 lors d’un débat qui sera animé par Caroline Roux. Les équipes des deux hommes politiques se sont rencontrées il y a quelques heures pour caler les thèmes qui seront abordés lors de cette confrontation. Mais les violentes émeutes qui ont eu lieu en Nouvelle-Calédonie cette semaine, avec de réelles scènes de guerre civile opposant loyalistes et indépendantistes, risquent de bousculer l’agenda de ce débat que le Premier Ministre veut rester dominé par les sujets européens.

Cet affrontement télévisuel est pourtant important à double titre pour Gabriel Attal. D’abord parce que l’Élysée accentue ses reproches à l’encontre du locataire de Matignon concernant son peu d’entrain à s’engager dans la campagne européenne derrière la liste de Valérie Hayer toujours à la peine dans les sondages. Ensuite parce que si le Premier Ministre est bien plus populaire qu’Emmanuel Macron, il sait que les évènements de Nouvelle-Calédonie, avec les images de chaos et de désordre, finiront par l’atteindre. D’autant plus que sur ce dossier-là aussi, l’Élysée cherche à le placer en première ligne.

 

Méconnaissance et naïveté

 

S’il est toujours facile de "réécrire l’histoire" on peut toutefois s’interroger sur les erreurs de méthode des pouvoirs publics dans ce dossier calédonien. Toute la violence de ces derniers jours a été déclenchée par le vote à l’Assemblée – dans les mêmes termes que ceux adoptés par le Sénat – d’un projet de loi constitutionnelle modifiant le corps électoral pour les élections provinciales qui doivent se tenir en fin d’année. Celles-ci visent à élire les assemblées des trois provinces de la Nouvelle-Calédonie (Sud, Nord et Îles Loyauté). Une partie des membres de ces assemblées formeront à leur tour le Congrès de la Nouvelle-Calédonie, qui élira ensuite un gouvernement collégial détenant le pouvoir exécutif local.

Depuis l’accord de Nouméa de 1998, conclu par Lionel Jospin, le corps électoral est gelé. Il a permis le déroulement sans problème de trois référendums sur le statut de la Nouvelle-Calédonie. La loi votée il y a quelques jours – mais qui doit encore être approuvée par un congrès à réunir à Versailles – prévoit d’accorder le droit de vote aux citoyens qui vivent sur l’archipel depuis au moins dix ans. Une modification qui aurait pour conséquence de renforcer le vote des partisans du rattachement à la France aux dépens des indépendantistes. En plus du danger que constitue toute modification des règles électorales, le gouvernement a péché par naïveté ne prenant pas assez au sérieux la manipulation des indépendantistes par l’Azerbaïdjan qui agit de la même manière avec certains mouvements corses. Ainsi que l’expliquait très bien sur WanSquare il y a quelques jours notre chroniqueur en géopolitique Jean-Baptiste Noé.

 

Une situation néo-calédonienne plus difficile qu’en 1988

 

Si l’instauration de l’état d’urgence a permis de "contenir" la violence au cours des toutes dernières heures, on compte tout de même des dégâts chiffrés à près de 300 millions d’euros et on déplore la mort de six personnes dont deux gendarmes. La méconnaissance de ce dossier sensible depuis le drame d’Ouvéa en mai 1988 a été accentuée par la succession d’une kyrielle de détenteurs du portefeuille en charge de l’Outre-Mer au cours des derniers mois et par une attention davantage portée à ce qu’il se passe à Mayotte que sur "le Caillou".

La loi constitutionnelle prévoit toujours la possibilité d’un accord global entre les deux camps concernant le corps électoral. C’est ce qu’Emmanuel Macron a tenté de mettre en œuvre dès mercredi pour enrayer la violence sur place. Mais il a essuyé un refus des deux camps. Pour les spécialistes de la sécurité intérieure, la situation sur place est plus dangereuse aujourd’hui qu’en 1988. D’abord parce que Nouméa et ses faubourgs sont affectés par les émeutes, alors qu’auparavant les troubles concernaient surtout les régions reculées de l’archipel. Ensuite parce que la densité de l’armement est très élevée en Nouvelle-Calédonie. Enfin à cause des tentatives de déstabilisation par les puissances étrangères (Azerbaïdjan et Chine).

 

Bruxelles craint que les économies pèsent sur la croissance

 

Sur le front économique l’actualité a été dominée par les prévisions économiques rendues publiques mercredi par Bruxelles. La Commission européenne prévoit que l’activité économique devrait croître en France de 0,7 % cette année. Ce qui est inférieur à la dernière prévision de Bercy qui se situe à 1 %. Là où les choses se compliquent, c’est surtout en matière de déficits publics. Bruxelles ne pense pas la France capable de maintenir cette année le déficit budgétaire à 5,1 %, mais plutôt à 5,3 %. Surtout, pour 2025, la Commission européenne envisage un déficit de 5 % alors que Bruno Le Maire a fixé un objectif à 4,1 %.

La différence représente un effort d’économies budgétaires de 25 milliards d’euros qui pèseront inévitablement sur la croissance, donc sur le PIB et les recettes fiscales. Bruxelles est également pessimiste sur l’évolution de la dette qui pourrait représenter 113,8 % du PIB en 2025 et sur le taux de chômage qui pourrait atteindre 7,8 %, en raison de la croissance de la population active liée à la réforme des retraites. À noter, toutefois, que les services du commissaire européen aux Affaires économiques, Paolo Gentiloni, n’ont pas pris en compte les économies déjà annoncées par le gouvernement.

 

Une amende éventuelle de 3 milliards d’euros

 

La première conséquence de cette revue de notre trajectoire budgétaire, c’est que le 18 juin, la Commission européenne a prévu d’ouvrir une procédure de déficit excessif contre la France. D’autant plus que les nouvelles règles budgétaires européennes s’appliquent désormais. Nous entrerons alors dans une phase de négociations intenses entre Paris et Bruxelles qui devra amener Bercy à présenter en septembre son nouveau plan pluriannuel de finances publiques. Ce dernier fera alors l’objet de nouvelles discussions avec nos partenaires européens jusqu’à la fin de l’année.

Entre-temps les instances européennes auront été bousculées. Il y aura une nouvelle commission avec de nouveaux commissaires. Si la procédure pour déficit excessif ne doit s’ouvrir qu’à la mi-juin, c’est "en principe" pour ne pas interférer sur le scrutin européen du 9 juin. Mais l’annonce de mercredi a déjà eu quelques répercussions en matière de politique intérieure. D’autant que l’amende pour non-respect des règles budgétaires pourrait s’élever à 3 milliards d’euros par an. Par ailleurs les Républicains ont enfin obtenu la constitution d’une commission d’enquête parlementaire sur la dette publique dont la présidence sera assurée par Philippe Juvin avec pour rapporteur le député Renaissance Mathieu Lefèvre. Les auditions débutent dès demain. Un rapport doit être rendu le 12 novembre.

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