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Chroniques / Jean-Baptiste Noé

Chroniques
Jean-Baptiste Noé

Chronique
Par-dessus l’Europe
par Jean-Baptiste Noé

Les discussions entre Donald Trump et Vladimir Poutine passent par-dessus l’Europe. Les Européens payent plusieurs décennies de désinvestissements dans l’armée et la réflexion stratégique.

22/02/2025 - 08:30 Lecture 5 mn.

Mesure-t-on le déclassement dont les Européens sont sujets ? L’avenir de l’Europe, le sort de Kiev et de l’Ukraine se discute en Arabie saoudite, à Riyad, entre Washington et Moscou. Comme à Munich en 1938, où fut discuté le sort de la Tchécoslovaquie, sans les Tchèques et les Slovaques. Ou à Berlin en 1885, quand les Européens organisèrent le partage de l’Afrique, sans les Africains. Dépeçage de l’Empire ottoman, réorganisation des royaumes arabes, lignes tracées dans le sable par Sykes et Picot ; tant de fois l’avenir d’une région s’est joué en dehors d’elle-même. Cette fois-ci, c’est au tour de l’Europe, en dépit des tentatives des Européens de revenir dans le jeu et de participer aux négociations. Mais c’est probablement trop tard.

 

Quelle tête d’affiche ?

 

États-Unis, Russie et Chine ont pour eux d’avoir une tête d’affiche bien identifiée. Que celle-ci soit aimée ou non ne change rien à l’affaire : le pays est incarné et représenté. Rien de tel en Europe. Olaf Scholz n’a plus que quelques jours devant lui, alors que les sondages lui promettent une sévère défaire aux législatives. Emmanuel Macron est empêtré dans son absence de majorité, Keir Starmer manque de prise sur son pays. C’est finalement Giorgia Meloni, après deux ans et demi passés au gouvernement de l’Italie, qui fait office de tête d’affiche. Elle s’est permis le luxe d’arriver en retard à la réunion de l’Élysée, et au volant d’une Maserati.

Le message était très clair : non seulement elle est l’une des doyennes des gouvernements européens, mais elle est aussi une voix qui compte, ayant pu tisser des relations privilégiées avec Donald Trump et Javier Milei. Mais si l’Italie voit sa situation économique s’améliorer, le pays n’en reste pas moins soumis à la politique étrangère américaine, sans indépendance stratégique et internationale.

Aujourd’hui, il n’y a ni Europe de la défense, un concept hérité des années 1990 qui n’a jamais vu le jour, ni unité des Européens, chaque pays ayant ses propres intérêts et sa propre vision du monde. Les dirigeants peuvent bien être assis à une même table ronde, ils ne sont nullement chevaliers d’un même royaume. Et pendant ces discussions, le sort de l’Ukraine est dessiné ailleurs.

 

Envoi de troupes ?

 

Anglais et Français réfléchissent à l’envoi de troupes en Ukraine afin de sécuriser le pays, et par là-même, le continent. Les enjeux sont multiples.

Il s’agit d’une part de sécuriser les armements qui ont été livrés à l’Ukraine et qui pourraient se retrouver dispersés et vendus par des réseaux criminels. C’est ce qui s’est notamment passé en Afghanistan et dans les Balkans. De telles armes pourraient se retrouver entre les mains de trafiquants et de réseaux de la drogue, multipliant les fusillades et les règlements de comptes. Il s’agit donc d’un enjeu de sécurité intérieure pour les pays d’Europe.

D’autre part, la problématique consiste à assurer l’avenir de la sécurité de l’Ukraine, pour éviter qu’une nouvelle guerre ne débute dans dix ans. Une force de "maintien de la paix", sur le modèle de celles déployées au Liban ou au Kosovo, pourrait être envisagée. Si elle intervient sous mandat de l’ONU, il faudra l’accord de la Russie. Si c’est une force européenne, il faudra que les 27 se mettent d’accord. Mais ce type de déploiement a l’inconvénient de durer indéfiniment. Des troupes de l’ONU sont ainsi toujours présentes à Chypre. Le risque est donc de partir dans un armistice sans fin qui dérive vers un conflit gelé, sans résolution des problèmes militaires.

Or c’est bien là l’enjeu principal pour les Ukrainiens. Que leur sort soit décidé à Riyad, Moscou ou Washington, c’est bien leur possibilité de vivre en paix et en sécurité qui importe. Comment garantir l’avenir, comment créer un arc sécuritaire, quand les pays baltes et la Pologne craignent plus que tout une invasion de la Russie ? L’invasion de 2022 a créé une rupture indépassable en Europe de l’Est, qui est d’abord une rupture intellectuelle et conceptuelle. Les pays d’Europe de l’Est ne voient pas le monde de la même façon que ceux de la Méditerranée, ils n’ont pas les mêmes enjeux ni les mêmes menaces. Cette différence d’approche doit être prise en compte dans toutes les décisions stratégiques qui seront adoptées dans les semaines qui viennent. Au risque sinon de passer par-dessus l’opinion des Européens eux-mêmes.

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