WAN
menu
 
!
L'info stratégique
en temps réel
menu
recherche
recherche

Chroniques / Jean-Baptiste Noé

Chroniques
Jean-Baptiste Noé

Chronique
Europe : à nous de jouer
par Jean-Baptiste Noé

Face au cavalier seul des États-Unis, les pays d’Europe n’ont pas le choix : ils vont devoir retrouver leur indépendance d’action. Ce qui est finalement une très bonne nouvelle.

08/03/2025 - 08:30 Lecture 5 mn.

Arrive un âge où les parents enjoignent à leurs enfants de quitter le cocon familial, de se débrouiller seuls et de gagner leur vie. Avec fracas et véhémence, c’est ce que Donald Trump est en train de faire aux Européens.

 

Partage des rôles

 

Depuis 1945, le partage des rôles était clair. Aux États européens, le social, avec la mise en place de l’État providence. Retraites par répartition, sécurité sociale, aides aux familles : l’impôt, sous toutes ses formes, servait à financer un certain modèle de société.

Aux États-Unis de financer la sécurité extérieure, c’est-à-dire l’armée, via l’OTAN. Dans le même temps, les Européens s’engageaient à acheter du matériel américain, ce qui était une façon de créer un marché contraint pour l’industrie de l’armement américain.

Après 1991 et la disparition de l’Union soviétique, ce modèle s’est approfondi. Nous allions enfin pouvoir récolter "les dividendes de la paix", c’est-à-dire baisser les dépenses militaires pour augmenter les dépenses sociales. Dans le même temps était construit le mythe selon lequel la guerre n’avait plus touché le continent européen depuis 1945. Ce qui était faire injure aux Yougoslaves, qui sont bien en Europe, aux Hongrois et aux Tchèques, qui ont vu passer et tirer les chars soviétiques, ainsi qu’aux soldats français et anglais qui sont morts en opération, certes non pas sur le sol européen, mais pour bien pour protéger ce sol d’Europe.

Ce partage des rôles a été étudié par un article récent de Julien Damon paru dans la revue Telos. Entre 1938 et 2023, la part des dépenses sociales est passée de 6 % de la dépense publique à 57 %. Sur la même période, la part des dépenses de défense est passée, elle, de 50 % à 4 %. Ce croisement des courbes démontre un changement dans la nature de l’État et dans l’usage de l’impôt. Nous sommes passés d’un État protecteur (qui assure la défense et la sécurité) à un État providence (qui assure les retraites et la santé). Pourquoi pas, mais un tel État n’est pas en mesure d’affronter une guerre ni de s’armer. D’où la nécessité de se mettre sous protection américaine. Au grand dam des Américains, qui, depuis Bill Clinton hier jusqu’à Donald Trump aujourd’hui, demandent aux Européens de payer davantage pour leur assurance sécurité. Le contribuable du Texas et du Michigan ne veut plus financer le repos des Européens.

 

Parole donnée

 

Quand Donald Trump disait qu’il était prêt à quitter l’OTAN et à laisser les Européens se débrouiller seuls, peu le prenaient au sérieux. Visiblement, dans son style direct, brutal et violent, il tient parole. Pour lui, la Russie n’est pas un sujet. Le vrai souci, c’est la Chine et les narcotrafiquants sud-américains. Voilà donc le modèle politique et mental bâti depuis 70 ans qui explose, obligeant les pays d’Europe non seulement à trouver des sources de financement pour leur défense, mais surtout à revoir leur stratégie et leur modèle intellectuel.

C’est finalement une bonne chose que de devoir se prendre en main et d’apprendre à développer une véritable coopération entre pays d’Europe. Même si tous n’ont pas les mêmes ennemis ni les mêmes priorités. Certains, à l’Est, ne considèrent pas la Russie comme un danger. D’autres, au sud, sont plus inquiets par la Méditerranée que par l’Ukraine. D’autres enfin, plus vertueux, n’aimeraient pas à avoir à financer l’impéritie des États surendettés.

Si la France veut augmenter son budget de dépense, il faudra bien qu’elle fasse des arbitrages politiques en baissant, ailleurs, certaines dépenses. À trop donner l’impression que l’on va saisir l’épargne des Français pour financer l’armée, on risque d’encourager la fuite des capitaux et la défiance à l’égard du pouvoir politique.

C’est par la guerre que l’État s’est formé, autour de l’impôt et autour de l’armée. Et c’est par cette guerre d’Ukraine qui dure depuis trois ans que les États européens et leurs dirigeants sont contraints de repenser ce qu’ils sont et ce qu’ils doivent faire. Donald Trump n’est pas un père de l’Europe, mais il oblige les Européens à se prendre par la main.

Chroniques du même auteur
Chroniques
du même auteur

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / Ukraine : vers un autre monde

01/03/2025 - 08:30

//

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / Par-dessus l’Europe

22/02/2025 - 08:30

//
Les chroniques de la semaine
Les chroniques
de la semaine

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / Ukraine : vers un autre monde

01/03/2025 - 08:30

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / Par-dessus l’Europe

22/02/2025 - 08:30

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / La guerre du commerce

15/02/2025 - 06:30

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / La tornade Trump

08/02/2025 - 08:30

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / Kivu : guerre oubliée, guerre sans fin

01/02/2025 - 08:30

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / La nouvelle guerre d’Algérie

25/01/2025 - 08:30

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / L’Égypte dans l’impasse

18/01/2025 - 08:30