éditorial / Yves de Kerdrel
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Yves de Kerdrel
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Dorian Gray à l’Élysée
par Yves de Kerdrel
Comme Dorian Gray, le héros d’Oscar Wilde, Emmanuel Macron pense qu’il est le même que lors de son entrée à l’Élysée, que le temps n’a pas de prise sur lui et qu’il est toujours possible de ranimer la flamme qui l’a porté au pouvoir en 2017. C’était le sens de ses vœux aux Français. Comme s’il refusait d’admettre qu’il est usé par la pratique d’un pouvoir solitaire, recroquevillé au sein d’un cercle étroit de courtisans, et qu’il a abîmé sa meilleure assurance : la constitution de la Cinquième République.
Depuis le Fort de Brégançon où il a passé la période des fêtes, Emmanuel Macron a enregistré des vœux inédits aux Français. Avec une séquence relatant en images les meilleurs moments des fiertés françaises qu’ont été les Jeux Olympiques et la cérémonie de réouverture de Notre-Dame de Paris. Comme s’il avait voulu tenter, encore une fois, de chasser de l’esprit des "Gaulois réfractaires" auxquels il s’adressait, les fameuses "passions tristes" dont il estime qu’elles constituent le terreau du mal français.
En agissant ainsi, le chef de l’état, faisait penser à Dorian Gray, ce héros d’Oscar Wilde, fasciné par lui-même et par sa beauté, et qui ne se lasse pas d’observer son fameux portrait pour se convaincre que le temps n’a pas de prise sur sa jeunesse. En laissant envisager un recours au référendum, Emmanuel Macron a voulu davantage renouer avec l’esprit de dépassement sur lequel il a bâti sa conquête du pouvoir en 2017, qu’il n’a imaginé une nouvelle parade à la crise politique dans laquelle il a plongé le pays en juin dernier en décidant de dissoudre l’Assemblée nationale.
Le crépuscule élyséen
Le Chef de l’État a bien montré, lors de l’épisode de la nomination - contre son gré - de François Bayrou, qu’il pense toujours pouvoir gouverner avec son petit cercle de courtisans, dont fait partie Sébastien Lecornu, qu’il entendait propulser à Matignon, avec la recommandation appuyée de Brigitte Macron. Lui, que chacun sait très intelligent, semble, comme Dorian Gray, avoir un double, qui, par moments, fait l’impasse sur ses échecs, ses erreurs et ses fautes. Certains ont cru lire dans ses vœux l’esquisse d’un acte de contrition, à propos de sa décision – toujours incomprise – de dissoudre en juin dernier. Mais c’est oublier que sa phrase comportait un "pour le moment". Car il reste persuadé, qu’au final, c’est bien lui qui aura raison.
Le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler, reconnaît qu’il n’est plus écouté par le président de la République. Le Journal Le Monde qui a consacré, avant Noël, une série de quatre longs papiers à l’ambiance crépusculaire qui règne à l’Élysée, rapporte un propos de Brigitte Macron selon lequel, son mari ne fait plus confiance qu’à sa seule intuition. Si les visiteurs du soir et autres "mouches du coche" qui se targuent dans Paris de parler au Président continuent d’échanger régulièrement avec lui, c’est uniquement pour lui renvoyer sa propre image. Comme s’ils se contentaient de tenir debout le portrait de Dorian Gray.
Les assurances d’Éric Lombard
Si les relations entre Emmanuel Macron et François Bayrou sont plus spontanées que celles qui animaient le précédent couple exécutif, elles restent marquées par une méfiance réciproque. Certains des conseillers du Chef de l’État sont ouvertement missionnés pour faire circuler dans la presse parisienne les raisons qui vont conduire à un renversement rapide du gouvernement actuel. Pourtant ce n’est pas l’intérêt du Président de la République. Ils vont même jusqu’à faire grief à François Bayrou de n’avoir pas suspendu la réforme des retraites pour s’attacher la bienveillance des socialistes…
À Bercy, où Éric Lombard et Amélie de Montchalin s’apprêtent à recevoir les représentants des différents groupes parlementaires, avant de présenter un nouveau projet de loi de finances, on est plus optimiste. Avant d’accepter le portefeuille de l’Économie, Éric Lombard se serait assuré auprès d’Olivier Faure – qu’il connaît bien – que les socialistes ne voteraient pas une nouvelle motion de censure déposée par les Insoumis. L’ex-patron de la Caisse des Dépôts et Consignations a confié à ses proches qu’il n’avait pas abandonné "la proie pour l’ombre". Gageons qu’il ait raison et qu’il puisse en effet conduire une politique de redressement des finances publiques dans la durée. Même si cela va commencer de manière plus difficile avec une révision à la baisse de la perspective de croissance de l’économie française.
Une activité manufacturière en berne
La fin d’année 2024 a été plus que morose pour l’industrie européenne. L’indice PMI définitif du secteur manufacturier de la zone euro établi par HCOB, compilé par S & P Global, est tombé à 45,1 en décembre, juste en dessous d’une estimation préliminaire et encore plus en dessous de la barre des 50 séparant la croissance de la contraction. L’indice mesurant les nouvelles commandes est tombé sous le seuil de rentabilité à son plus bas niveau en trois mois, tandis que celui mesurant les arriérés de travail est passé de 42,9 à 42,0, suggérant qu’une plus grande partie de l’activité a été consacrée à résoudre une demande passée.
L’activité manufacturière française s’est contractée en décembre à son rythme le plus rapide depuis plus de quatre ans. L’indice PMI définitif pour le secteur manufacturier français est tombé à 41,9 en décembre, contre 43,1 en novembre. Ce chiffre final est le plus bas depuis mai 2020. La très mauvaise santé du secteur automobile, la multiplication des plans sociaux et l’incertitude politique pèsent lourdement sur l’activité économique, notamment dans les territoires.
Responsabilité sociétale
Une loi spéciale pour Mayotte est en préparation. Elle devait être présentée vendredi en conseil des ministres, mais ne l’a pas été en raison de son caractère incomplet. Moins d’un mois après ce désastre qui a frappé un petit bout de France placé à un endroit stratégique de l’océan Indien, certains n’en finissent pas de s’étonner de la manière dont les grandes entreprises françaises sont restées à l’écart de ce drame, alors qu’en l’espace de 48 heures elles avaient volé au secours de Notre-Dame de Paris.
TotalEnergies, CMA-CGM et Saint-Gobain ont été les seuls groupes engagés aux côtés de la population locale. Mais face à des problèmes d’accès à l’eau potable, aux vivres élémentaires et à un habitat même précaire on attend encore l’aide d’entreprises comme Veolia, Suez, Sodexo, Eiffage, Vinci et tant d’autres. La responsabilité sociétale des entreprises ne se limite pas à se définir comme une entreprise à mission ou à remplir les centaines de pages de formulaires découlant de la directive européenne CSRD. Elle consiste d’abord à montrer que là où l’état est absent, le secteur privé peut prendre le relais en attendant la reconstruction de cette île et de ses infrastructures. C’est dommage que le patronat français ait manqué une occasion de se montrer à la hauteur de ce drame national.
P.-S. : Toute l’équipe de WanSquare se joint à moi pour vous souhaiter une très belle année 2025 et pour vous remercier de votre fidélité.
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