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Jean-Baptiste Noé

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La Syrie après Assad, beaucoup d’interrogations
par Jean-Baptiste Noé

Le renversement rapide de Bachar al-Assad ouvre une nouvelle ère pour la Syrie. Si le renversement de la dictature baasiste est salué par un grand nombre de chancelleries, de nombreuses incertitudes demeurent quant au futur du pays et des populations.

14/12/2024 - 08:30 Lecture 5 mn.

Cinq décennies de gouvernement Assad père et fils ont trouvé une conclusion rapide avec l’effondrement brutal du régime de Bachar al-Assad. Face à une armée sous-équipée, sous-payée et sans motivation, les soldats de HTS n’ont trouvé aucune véritable opposition. Partis de leur fief d’Idleb, ils ont pu prendre Damas en une dizaine de jours, ouvrant une nouvelle période pour la Syrie.

C’est la fin de la dictature du clan alaouite, la fin de l’aventure du parti Baas, démarrée dans les années 1940 par des intellectuels arabes formés au socialisme révolutionnaire à Paris, qui avait réussi à prendre le pouvoir en Irak et en Syrie. À une idéologie panarabe et laïque ont succédé des hommes formés par l’islamisme mondial. Leur seul point commun est l’usage de la force pour prendre le pouvoir et de la violence et de la répression pour le conserver. Si personne ne pleure la chute d’un dictateur, il n’y a pas forcément lieu non plus à se réjouir du pedigree et des intentions des nouveaux maîtres de Damas.

 

L’étau est maintenu

 

L’ouverture des prisons et la libération des prisonniers politiques, dont plusieurs ont passé de nombreuses années dans des conditions sordides, subissant d’importantes tortures psychiques et physiques, ne doivent pas faire croire à une arrivée soudaine de la démocratie. La Syrie n’existe pas en tant qu’État-nation. Indépendante depuis 1946, elle a connu de nombreux coups d’État avant que le Baas ne prenne le pouvoir en 1963 et n’impose la violence comme moyen de contrôle. Sur le territoire syrien, c’est une juxtaposition de communautés qui cohabitent, certaines contrôlant des territoires plus ou moins viables. De quoi inquiéter les dirigeants syriens comme les voisins.

Pour l’instant, le nouveau pouvoir islamiste donne des gages à la communauté internationale. Mais l’inquiétude est grande, notamment chez les minorités. Les chrétiens craignent d’être une nouvelle fois persécutés, alors que beaucoup d’entre eux sont partis depuis 10 ans et que ceux qui restent anticipent un avenir sombre. Les Alaouites pourraient faire les frais de leur soutien à Assad et de leur mainmise sur la Syrie, même s’ils tiennent solidement la région de Lattaquié. Les Kurdes sont l’autre communauté qui pourrait pâtir de la situation syrienne. Un pays qui n’a pas d’unité a besoin d’ennemi pour créer une unité commune.

Les Kurdes, dont les velléités autonomistes sont connues de tous, pourraient faire les frais d’une répression d’envergure de la part du nouveau gouvernement, d’autant que la Turquie s’oppose depuis toujours à la création d’un État kurde autonome. Face aux forces centrifuges qui menacent de faire éclater la Syrie, le nouveau pouvoir pourrait être tenté de faire usage de la violence et de désigner un bouc émissaire commode afin de conserver le contrôle du pays. Pour les populations civiles, une répression risque d’en chasser une autre.

 

Camouflet de "l’axe de la résistance"

 

Cette défaite d’Assad est un camouflet pour ceux qui souhaitaient former "un axe de la résistance", Iran et Russie en premier lieu qui ont perdu leur principal allié dans la région. L’Iran voit ses têtes de pont affaibli, après le Hamas et le Hezbollah, et la Russie perd celui qu’elle a soutenu à bout de bras depuis 2013, risquant par là même de perdre sa base navale de Tartous, dont elle négocie le maintien auprès des Turcs.

Sur le temps court, Israël est vainqueur, puisque c’est l’un de ses adversaires qui est tombé. Sur un temps moyen, l’État hébreu peut craindre une contagion islamiste qui lui serait nocive. D’où son occupation du Golan, afin de sécuriser sa frontière, et le bombardement de plusieurs centaines de sites militaires syrien, afin de priver de munition les nouveaux maîtres de Damas.

Le grand vainqueur est incontestablement la Turquie : Assad refusait de se réconcilier avec Ankara et l’autonomisme kurde inquiétait Erdogan. En prenant le parrainage du mouvement HTS et en servant de caution à al-Joulani, le maître ottoman a avancé ses pions dans son ancien empire. Quoi qu’il en soit, c’est surtout l’incertitude et la crainte qui règnent en Syrie et dans la région, pour que de la dictature d’Assad ne sorte pas un chaos à la libyenne.

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