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Yves de Kerdrel

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K.-O. ou Chaos ?
par Yves de Kerdrel

Après une folle semaine qui a vu l’extrême droite mêler ses voix à celles du Nouveau Front Populaire pour faire échec au vote du PLFSS et entraîner la chute du gouvernement Barnier, Emmanuel Macron cherche un Premier Ministre qui puisse résister aux turbulences politiques, budgétaires et financières. Avec une chance, toutefois : celle de voir enfin les socialistes s’éloigner des Insoumis.

08/12/2024 - 06:30 Lecture 12 mn.

Nul ne sait à quoi pensait Emmanuel Macron, hier soir lors de la cérémonie de réouverture de Notre-Dame de Paris. À ces onze monarques capétiens des douzième et treizième siècles qui ont soutenu le chantier initié par Maurice de Sully en sachant se projeter sur le très long terme ? À son implication dans la reconstruction de la Cathédrale qui a permis à celle-ci de resplendir aux yeux de tous moins de six ans après avoir manqué de disparaître ? Ou bien à ces paroles du psaume 121 chanté au moment de l’ouverture des portes : "Que la paix règne dans tes murs, le bonheur dans tes palais !"

Les palais de la République auraient bien besoin sinon de bonheur, du moins d’une certaine paix après la tempête politique qui a soufflé sur le Pays cette semaine. Dimanche dernier le Premier Ministre assurait à ces proches que Marine Le Pen n’aurait pas le cran de voter la censure et de mêler les voix de son parti à celles du Nouveau Front populaire. Elle-même avait déclaré que "la censure n’était pas inéluctable". Et chacun savait qu’au sein de son parti, deux lignes s’affrontaient : celle de Sébastien Chenu hostile à la censure, et celle de Jean-Philippe Tanguy, favorable à ce qu’elle abaisse le pouce. C’est à ce dernier qu’elle a donné raison sans craindre que certains de ses électeurs la rendent responsable du chaos ainsi provoqué.

 

L’immense responsabilité de Laurent Wauquiez

 

À Matignon, l’amertume et la rancœur ne visent pas la députée d’Hénin-Beaumont. Mais Laurent Wauquiez et lui seul. Car c’est en allant, le 11 novembre dernier, au 20 heures de TF1 annoncer qu’il avait obtenu une revalorisation des petites retraites dès le 1er janvier (alors que le PLFSS initial ne l’avait programmée qu’à compter de juillet) que l’ex-Président de la région Rhône-Alpes a bousculé à la fois les équilibres au sein du socle commun et rendu folle de rage Marine Le Pen. À partir du moment où le patron du groupe Droite Républicaine (47 députés) avait pu obtenir une telle concession, au grand dam de Gabriel Attal, la patronne du Rassemblement National a commencé à fixer ses exigences, forte d’un groupe parlementaire trois fois plus important.

Le discours larmoyant de Laurent Wauquiez mercredi dernier résonnait aussi faux que les "cher Michel" qui scandaient son texte. Car c’est bien lui qui a posé les premiers clous sur le cercueil du Premier Ministre pourtant issu de son camp. Et le pire c’est que vendredi, alors que le Parti socialiste faisait enfin un pas de côté vers "un soutien sans participation" à un gouvernement d’intérêt général, le même Laurent Wauquiez, n’a pas clarifié sa position sur la présence de personnalités LR au sein d’un futur gouvernement. Car ce n’est un mystère pour personne. Laurent Wauquiez et François Bayrou se détestent. Et le premier ne veut pas voir le second franchir enfin le porche de Matignon à 73 ans et un demi-siècle après avoir commencé sa carrière politique au sein du Centre Démocrate de Jean Lecanuet.

 

François Bayrou bien parti… pour ne rien faire

 

Pourtant hier soir c’est bien François Bayrou qui était le mieux placé pour devenir le chef du gouvernement, même si Catherine Vautrin faisait figure d’outsider. D’autant plus que Gabriel Attal, qui sera élu aujourd’hui à la tête du parti présidentiel, a fait savoir hier au Chef de l’État qu’il apposait son veto à une éventuelle nomination de Sébastien Lecornu. On ignore les raisons de ce refus. Ce qui est sûr c’est que le choix du ministre des Armées serait assez contre-intuitif dans la mesure où, de tous les noms cités, il est le plus proche d’Emmanuel Macron. Ce qui n’est pas un avantage pour gouverner dans la période actuelle. Surtout l’anecdote qui a fuité dans tout Paris sur son attitude lors d’un récent Conseil de Défense au sein du PC Jupiter dans les sous-sols de l’Élysée a de quoi inquiéter. Au lieu d’écouter les rapports des chefs militaires sur la situation en Ukraine, celui qui est leur ministre préférait griffonner sur un papier les noms des portefeuilles d’un gouvernement resserré et en face ceux des titulaires…

François Bayrou réunit plusieurs conditions favorables. Il a le soutien des principaux partis du socle commun, sauf LR qui tord le nez. Il est capable de faire s’asseoir autour de la table du conseil des ministres des poids lourds comme Bernard Cazeneuve – dont il est proche – Xavier Bertrand et… Sébastien Lecornu. Il a donné sa signature à Marine Le Pen lors d’une campagne présidentielle et il l’a récemment défendue à l’occasion de son procès sur l’affaire des assistants parlementaires. Et puis surtout il est capable de ne rien faire, une fois arrivé à Matignon, comme il n’avait rien fait au cours des cinq années qu’il a passées au ministère de l’Éducation Nationale, lorsque Jacques Chirac était à l’Élysée.

 

Un spread presque trop calme

 

Il lui faudra tout de même remettre en chantier un budget et une trajectoire crédible des finances publiques. Car ce n’est pas le seul vote d’une loi spéciale dont Claire Landais, la Secrétaire Générale du Gouvernement, tente de mesurer ce qu’elle peut contenir, qui remettra le pays sur la voie de l’assainissement budgétaire. Toutes les agences de notation ont publié un communiqué, après le vote de censure, pour exprimer leur préoccupation. Comme si elles ne se satisfaisaient pas du spread très modéré (76 points) entre l’OAT à dix ans et le Bund allemand. Pour les experts des marchés, le plateau actuel sur les taux de rendement français n’a rien de rassurant. Dans la mesure où l’on a assisté au même scénario en Italie, à l’automne 2011 avant qu’un décrochage survienne brutalement. Ce qui a conduit au départ précipité de Silvio Berlusconi, à l’arrivée de Mario Monti, et à l’annonce du passage de l’âge de la retraite à 67 ans.

Dans son communiqué consécutif à la censure Moody’s dit s’attendre à un déficit public de 5,3 % du Produit intérieur brut en 2025 et de 4,7 % en 2026. Mais l’agence reconnaît que les aléas entourant ce scénario sont clairement de plus en plus haussiers. "Le projet de loi d’urgence que le Parlement pourrait adopter avant la fin de l’année ne devrait pas inclure de mesures de consolidation", anticipe l’agence. D’après des experts, le déploiement d’une loi spéciale pourrait conduire à ce que le déficit public s’établisse autour de 6 % en 2025 (le chiffre ne fait pas consensus). Car en l’absence de budget et de loi de financement de la Sécurité sociale, il n’y aurait pas moyen de déployer les mesures prévues pour freiner les dépenses de la sphère sociale par rapport à leur tendanciel et contraindre les collectivités locales à ralentir la croissance de leurs dépenses.

 

Quels leviers pour la réduction des dépenses publiques ?

 

Jeudi dernier, à l’occasion de l’ouverture d’un colloque historique intitulé : "Banques centrales : acteurs politiques ?" François Villeroy de Galhau a invité les auditeurs "à prendre du recul par rapport aux événements budgétaires et parlementaires de l’heure – aussi lourds soient-ils –, et à faire un pas de côté" en considérant "les banques centrales comme observatrices attentives des défis actuels de l’action publique". Puis il s’est livré à une précieuse mise à jour de la communication qu’il avait donnée il y a dix-huit mois à l’Académie des Sciences Morales et Politiques. Le Gouverneur de la Banque de France a ensuite rappelé que les dépenses publiques, de l’ordre de 57 % de notre PIB en 2023, sont 9,3 points de PIB plus élevées que la moyenne de la zone euro hors France, ce qui représente un écart d’environ 260 milliards d’euros. Ce qui l’a amené à poser cette question : "La France a-t-elle pour autant une meilleure production publique ?"

Avec comme esquisse de réponse le rappel que notre pays est celui où l’indicateur OCDE de cohésion sociale s’est le plus nettement détérioré entre 2010 et 2023. Ou encore cette analyse publiée début 2023 par le FMI dans laquelle l’institution de Washington souligne qu’en dépit de dépenses sociales les plus élevées parmi un échantillon d’une quinzaine de pays comparables, la France est plus éloignée de la frontière d’efficience que la Finlande, le Portugal, les Pays-Bas ou le Danemark. Elle se situe ainsi à peine au-dessus de la moyenne en termes d’efficacité de ces dépenses. Pour François Villeroy de Galhau "la France doit pouvoir vaincre la crise de l’action publique, si elle combine plusieurs leviers. D’abord, la comparaison avec nos pairs, qui montre là où une plus grande efficacité est possible – et nécessaire – dans les dépenses publiques. Ensuite, les quatre ingrédients que sont la durée et la continuité, en se libérant de la dictature du court terme ; une mise en œuvre dans un cadre de confiance, à travers la contractualisation ; les simplifications, indispensables et mesurables et l’orientation vers les résultats effectifs ex post, par rapport à des objectifs clairement définis.". Il n’est pas certain, toutefois, que ce discours de bon sens soit audible par le personnel politique du moment.

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