éditorial / Yves de Kerdrel
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Yves de Kerdrel
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En suspension
par Yves de Kerdrel
Après avoir accédé aux demandes du Rassemblement National concernant les taxes sur l’électricité et la révision des conditions de mise en œuvre de l’Aide Médicale d’État, le Premier Ministre va-t-il se plier aux autres conditions posées par Marine Le Pen, notamment la revalorisation des retraites « à l’euro près » ?Réponse demain à 15 heures avec le vote du texte du PLFSS pour 2025.
Il y a une dizaine de jours Michel Barnier avait rappelé qu’il ne "s’était pas roulé par terre" pour devenir Premier Ministre. Ce n’est pas tout à fait exact. Puisqu’à l’Élysée on explique que, dès la semaine qui a suivi le second tour des élections législatives, l’ancien négociateur du Brexit avait fait des offres de services au Président de la République. Il avait même été reçu au début de l’été par Alexis Kohler, qui a ensuite fortement poussé, au début du mois de septembre, à ce qu’il soit effectivement nommé à Matignon.
Une chose est certaine. Maintenant il se roule littéralement par terre pour rester Premier ministre. Puisqu’après avoir nié être placé "sous la surveillance" du Rassemblement National, il a cédé il y a quelques jours à l’une de ses principales injonctions : la suppression d’une taxe sur l’électricité permettant de rapporter 3 milliards d’euros aux finances publiques. Sans contrepartie financière en dehors d’une légère hausse de la taxation des prix du gaz, de manière que cette énergie reste un peu plus chère que l’électricité.
Un ultimatum jusqu’à demain 15 heures
Marine Le Pen, la présidente du groupe parlementaire du Rassemblement National demande notamment que le gouvernement supprime les déremboursements de certains médicaments, réduise la palette de soins prévue par l’Aide médicale d’état, mette fin à la baisse des exonérations de charges patronales déjà rabotées par les sénateurs et encore réduites mercredi dernier par la Commission Mixte Paritaire. Mais surtout, elle exige que les retraites soient revalorisées "à l’euro près" dès le 1er janvier. Voilà pourquoi en dépit de l’annonce tonitruante sur l’abandon de la taxe sur l’électricité faite jeudi par Michel Barnier, il subsiste un ultimatum sur les autres demandes rappelées tant par Jordan Bardella, qu’hier matin encore par Jean-Philippe Tanguy.
C’est, en principe, demain à 15 heures que l’on saura ce qu’il en est de la mise en œuvre de l’ultimatum imposé au Premier Ministre. Puisque c’est à ce moment-là que l’Assemblée nationale se réunira en séance plénière afin de voter le texte définitif du PLFSS pour 2025, tel qu’il a été arrêté par la Commission mixte paritaire de mercredi dernier. Ce qui n’interdit pas au gouvernement de rajouter à ce texte des amendements pour satisfaire, le cas échéant, les exigences spécifiques du Rassemblement National. Par ailleurs, le vote de ce texte nécessitera sans doute l’utilisation de l’article 49-3. Dans ce cas, les Insoumis ont déjà annoncé qu’ils déposeraient aussitôt une motion de censure afin qu’elle soit mise au vote dès mercredi prochain, le 4 décembre.
Marine Le Pen veut offrir à ses électeurs une vengeance
Il y a, depuis quelques jours, de nombreux débats pour savoir ce qui pourrait amener Marine Le Pen – et elle seule – à décider d’abaisser le pouce, à la manière d’un empereur romain regardant un gladiateur dans la fosse aux lions, et à appuyer sur le bouton nucléaire qui amènerait à la censure du gouvernement de Michel Barnier. D’aucuns disent, que par souci de dédiabolisation et de respectabilité, elle va éviter d’être la cause d’un éventuel "foutoir" institutionnel. D’autres expliquent que ce n’est pas le bon moment pour "faire sauter" le gouvernement. Les derniers jugent que personne n’a intérêt à créer les conditions éventuelles d’une crise financière. Même si, en l’absence de vote d’un projet de loi de finances, il existe un mécanisme, déjà éprouvé au début de l’année 1963, pour permettre à l’État de continuer à fonctionner mois par mois sur la base du budget de l’année précédente.
En revanche il n’existe rien de tel pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui porte sur des volumes financiers presque deux fois supérieurs au projet de loi de finances. Cela étant, les électeurs du rassemblement National sont pour près de 70 % d’entre eux désireux de voir Marine Le Pen adopter une position dure. Et même une légère majorité des Français ne seraient manifestement pas choqués par une censure. À quatre mois de l’annonce de son jugement, la Présidente du Rassemblement National n’a aucun intérêt électoral à créer une crise gouvernementale, puisqu’une nouvelle dissolution n’est pas possible. Son seul but, c’est que le mistigri passe des épaules de Michel Barnier à celles d’Emmanuel Macron. Bizarrement, c’est aussi ce qu’ont fait, cette semaine, Jean-François Copé et Charles Amédée de Courson en appelant à la démission du Président de la République. Parce qu’ils savent qu’il est la cible ultime du Rassemblement National.
Hollande veut censurer Barnier pour tacler Macron
Il y a un autre élément important qui peut inciter Marine Le Pen à mettre fin à cette situation curieuse qui donne le sentiment que le gouvernement est en suspension comme le balancier d’une pendule ou surtout comme le pendu au bout d’une corde… C’est la raideur du Parti Socialiste qui entend voter comme un seul homme une motion de censure déposée par les Insoumis. Jeudi matin, sur France Inter, François Hollande a expliqué à quel point sa main ne tremblerait pas. Y compris si ce vote doit créer une crise institutionnelle. Et il a rappelé toutes les erreurs commises par Emmanuel Macron. Comme pour indiquer que son vote serait davantage un message adressé à son successeur qu’une sanction de Michel Barnier.
Dimanche dernier, Boris Vallaud, le président du groupe socialiste avait entrouvert la porte à une désolidarisation du Parti socialiste par rapport aux Insoumis. L’ancien secrétaire général adjoint de l’Élysée sous François Hollande – après Emmanuel Macron – n’a donc pas été entendu par son parti. Et c’est aussi cela qui a obligé Michel Barnier à plier aussi vite face aux injonctions du Rassemblement National concernant la taxe sur l’électricité. Si, comme nous en formions le vœu, la semaine dernière dans ces colonnes, les 66 députés socialistes avaient opté pour une attitude plus responsable, Michel Barnier aurait pu desserrer le nœud coulant passé sur sa nuque par le Rassemblement National.
Reste à savoir quelle sera la réaction des marchés financiers à une éventuelle chute du gouvernement, après le statu quo complaisant de Standard & Poor’s de vendredi soir. Le spread entre l’OAT à 10 ans et les Bunds de même durée qui évoluait au printemps dernier autour de 40 points de base, avait grimpé à 70 points juste après l’annonce de la dissolution. Ces derniers jours il est allé tutoyer les 90 points de base. Quant au taux de rendement de cet emprunt d’État il s’est élevé à 3,05 % alors qu’il n’est que de 3,02 % pour les obligations d’État grecques de même durée. Avec à la clé un alourdissement progressif des charges financières de l’état, au moment même où la dégradation de la situation financière de nombreuses entreprises et une nouvelle baisse de la consommation – y compris alimentaire – pèsent sur les recettes fiscales.
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