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Chroniques / Jean-Baptiste Noé

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Jean-Baptiste Noé

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Le Golfe s’impose dans la diplomatie mondiale
par Jean-Baptiste Noé

Les pays du golfe arabo-persique sont devenus les lieux de négociation et de rencontres pour traiter des conflits en cours. Une évolution qui marginalise l’Europe et place le Golfe au cœur de la diplomatie mondiale.

22/03/2025 - 08:30 Lecture 5 mn.

L’événement est passé sous les radars, il a pourtant son importance. À Doha, capitale du Qatar, les chefs d’État du Congo Brazzaville et du Rwanda se sont rencontrés de façon secrète pour discuter du conflit en cours au Kivu et d’une possible résolution de crise. La réunion s’est faite dans le plus grand secret, sous l’égide du Qatar. Les deux dirigeants de l’Est africain, Félix Tshisekedi et Paul Kagamé, ont accepté de se rencontrer en terrain neutre. L’existence de la réunion n’a été donnée qu’à l’issue de celle-ci, au moment où le président congolais montait dans son avion du retour.

 

Doha au centre

 

Cette rencontre a surpris à plusieurs égards. D’abord parce qu’elle a eu lieu et que peu de monde pensait que les présidents rwandais et congolais pouvaient se rencontrer et discuter alors qu’ils sont viscéralement adversaires. Ensuite, parce qu’une réunion en Angola devait se tenir au même moment, réunissant des diplomates congolais et des représentants du mouvement rebelle du M23, et qu’elle fut annulée. Réunion qui devait pourtant se tenir sous la direction du président de l’Angola, médiateur de l’Union africaine pour cette crise. Exit donc l’Angola, c’est à Doha que tout s’est joué.

Au moment où le ministère des Affaires étrangères angolais annonçait que les négociations prévues n’avaient pas eu lieu, le ministère des Affaires étrangères qatari annonçait lui la rencontre entre les chefs d’État, tenue sous la médiation de l’émir Tamim ben Hamad Al-Thani. Un camouflet pour l’Union africaine, pour la France également, exclue des négociations de ces deux pays où elle estime exercer une influence, mais une grande victoire pour le Qatar. Une réunion concluante puisque la porte-parole du président congolais a communiqué sur X qu’" Un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel vient d’être décidé entre la RDC et le Rwanda".

 

Riyad se replace

 

Pour le conflit en Ukraine, c’est à Riyad, en Arabie saoudite, que se tiennent les réunions des émissaires russes et américains. L’Arabie saoudite, qui avait été mise sur la touche de la diplomatie mondiale, est ainsi revenue au centre du jeu. Donald Trump a même présenté le prince héritier comme "une personne merveilleuse". C’est également à Riyad que se retrouvent les diplomates syriens, libanais et palestiniens. Le pays s’est imposé comme une plate-forme de rencontre pour la guerre à Gaza, mais aussi pour gérer l’après Assad en Syrie.

De même, les opposants soudanais s’y sont retrouvés pour tenter de régler la guerre qui déchire le pays. En quelques années, le royaume s’est imposé comme un lieu diplomatique incontournable. À la fois proche des États-Unis, mais aussi indépendante et compatible avec les pays anti-occident, pays musulmans, mais qui a lutté contre l’État islamique, pays qui vit de la rente du pétrole, mais qui essaye de diversifier ses ressources pour ne pas disparaître avec la fin de l’or noir, l’Arabie saoudite est en train de s’imposer comme un acteur diplomatique essentiel.

 

L’Europe excentrée

 

Pour le Qatar comme pour l’Arabie saoudite, ces exercices diplomatiques sont une stratégie de pouvoir et d’influence. Ces pays ne sont plus puissants uniquement par la grâce de leurs dollars et de leurs puits de pétrole, mais aussi par leur capacité à peser sur la diplomatie mondiale en se faisant force de rencontres et d’échanges. Cette stratégie excentre l’Afrique, qui tentait de reprendre la main sur son destin en réglant ses conflits internes via l’Union africaine. Que Doha soit préférée à l’Angola est un camouflet pour l’institution.

Mais c’est aussi un camouflet pour l’Europe. En 1995, c’est à Dayton, aux États-Unis, qu’étaient signés les accords mettant un terme à la guerre en Yougoslavie. Au sortir de la guerre froide, l’Europe comptait sur les autres pour régler ses déchirures. 30 ans plus tard, rien ne semble avoir changé. La guerre d’Ukraine se règle entre Russes et Américains, en Arabie saoudite. La sécurité européenne est traitée à Riyad. Les chemins de la paix ukrainienne passent par le Moyen-Orient, région qui était, il y a un siècle, partagée entre mandats européens. Pour les pays d’Europe, il y a urgence à prendre conscience de l’excentrement diplomatique et à y remédier.

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