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Yves de Kerdrel

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L’été meurtrier
par Yves de Kerdrel

Si l’Assemblée nationale est parvenue à se doter d’une présidente, d’un bureau et de commissions, elle n’a plus rien à l’ordre du jour. Pendant ce temps-là, à l’Élysée, un homme seul se demande toujours comment la France pourra être gouvernée à la fin de l’été. Quant au pays, fracturé comme jamais, il est plongé dans la torpeur estivale et l’attente de Jeux Olympiques qui vont faire de la France le centre du monde.

21/07/2024 - 06:30 Lecture 9 mn.

À partir de vendredi prochain, le monde entier aura les yeux rivés sur la France, sur Paris et sur la tour Eiffel, symbole à la fois de cette Olympiade et de notre splendeur passée. Le spectacle sera magnifique. N’en doutons pas ! Et les 125 chefs d’États ou de gouvernements attendus pour cette cérémonie d’ouverture en auront plein les yeux.

Mais la ville-lumière aura un côté "village Potemkine". Une grande partie de ses habitants ont préféré prendre la poudre d’escampette tant la circulation – y compris à pied – est devenue une course d’obstacles. Une autre partie a quitté la capitale pour les habituelles transhumances estivales. Et il n’est pas certain que le million et demi de touristes supplémentaires prévus pour cet évènement compensent ce vide. Un très grand nombre d’hôtels affichent un taux de remplissage d’à peine 60 % après avoir, il est vrai, gonflé leurs tarifs de manière excessive.

 

Village Potemkine

 

Si Paris risque de ressembler à ce fameux "village Potemkine" - du nom de ces cités en carton-pâte construites à la demande du Prince Grigory Aleksandrovich Potemkine, pour masquer la pauvreté des villages lors de la visite de l’impératrice Catherine II en Crimée – c’est aussi parce que l’hôte de toute cette fête sportive est aujourd’hui un homme seul, qui n’a plus ni Premier Ministre, ni majorité parlementaire et qui, surtout est empêché de gouverner, à la suite de décisions absurdes prises sur un coup de tête.

Bien sûr le décorum républicain sera là pour cacher cette étrange situation. Bien sûr Gabriel Attal, aujourd’hui Premier Ministre virtuel, mais aussi chef de groupe parlementaire, jouera le rôle de doublure présidentielle. Bien sûr les corps constitués seront là pour donner le sentiment que la France est encore gouvernée. Mais tout cela ne sera qu'un décorum pour les caméras du monde entier. Qui pouvait imaginer, il y a seulement deux mois, qu’on en arriverait là ?

 

Des institutions contournées

 

L’aspect le plus grave de la situation actuelle repose dans la manière dont les institutions de la Cinquième République sont tordues à un point que personne n’aurait imaginé. Quel que soit notre âge, notre situation professionnelle, notre formation, nous avons tous été "éduqués" avec l’idée simple et rassurante que la France était dotée d’institutions solides comme le roc, car inspirées par celui qui a été le chef de la France Libre et qui a été traumatisé, comme beaucoup, par "l'étrange défaite". Aucun d’entre nous n’aurait pensé que l’existence même de ces institutions puisse être remise en cause.

De la même manière, nous avons tous grandi et sommes parvenus à nos postes de responsabilité avec l’idée rassurante que la France faisait partie de ces grandes nations prospérant sur le mode d’une économie capitaliste tempérée par un état puissant et capable, selon les alternances, d’être plus ou moins libéral ou plus ou moins social-démocrate, cherchant à favoriser la création de richesses ou davantage la redistribution de ces richesses.

 

Le danger Mélenchon

 

Le fait que le Nouveau Front Populaire – noyauté par les trotskistes de la France Insoumise – est devenu le principal bloc de députés nous rappelle que les forces de rappel du Pays – politique et économique – ne sont pas à l’abri d’attaques, de sabotages ou de volontés de destruction. Jean-Luc Mélenchon n’a jamais caché sa volonté de mettre fin à la Cinquième république. Et le chemin vers une sixième république figure bien sur le programme du Nouveau Front Populaire, paraphé – hélas - par un ancien Président de la République.

Si aujourd’hui ce bloc de gauche se déchire et ne parvient pas à faire émerger une candidature à l’Hôtel de Matignon, c’est tout simplement parce que les Insoumis veulent éviter de gouverner ou de soutenir un gouvernement. Leur but est de parvenir à une crise de régime et donc de rester dans l’opposition. Tout en étant le bloc le plus important au Palais Bourbon où il dispose maintenant de deux vice-présidents. Certains ont cru revoir dans le programme du Nouveau Front Populaire les images d’Épinal du communisme d’autrefois à cause des projets fiscaux confiscatoires édictés à la hâte pour la campagne des élections législatives. Le plus dangereux, ce n’est pas cela mais la volonté de s’attaquer aux fondements de nos institutions.

 

Malaise au Palais Bourbon

 

Et cela a commencé par les élections qui ont eu lieu en fin de semaine dans l’enceinte du Palais Bourbon. Contrairement à ce qui a été crié, répété, et "twitté", l’élection de Yaël Braun-Pivet n’a pas été volée. La démocratie n’a pas été piétinée. En revanche l’incident survenu à travers "le bourrage d’urnes" de vendredi soir témoigne d’une volonté de discréditer la représentation nationale, même si l’on ignore qui est à l’origine de ce geste idiot.

Dans ce contexte sulfureux, le fait que 17 ministres siègent à l’Assemblée nationale en tant que députés et que l’un d’eux – Roland Lescure – a même été élu vice-président du Palais Bourbon donne naturellement des munitions aux adversaires de notre précieuse Cinquième République pour expliquer que les institutions sont contournées.

 

Castex, le retour… ?

 

Sans doute la raison finira-t-elle par l’emporter et par convaincre la droite Républicaine, Ensemble pour la République, voire quelques sociaux-démocrates élus sous la bannière du Nouveau Front Populaire de s’entendre sur "un pacte législatif". C’est ce qu’espèrent Xavier Bertrand, François Bayrou, voire Jean Castex, que le Président de la République consulte à nouveau et qui se verrait bien retourner à Matignon.
Mais dans l’hypothèse – souhaitable – d’une telle coalition de circonstances, quelle sera sa marge de manœuvre, notamment pour prendre des décisions budgétaires drastiques alors que la Cour des Comptes a tiré – un peu tard – la sonnette d’alarme ? Sera-t-il possible de proposer une baisse des dépenses publiques répondant à nos impératifs européens ? Rien n’est moins sûr. Et c’est bien le paradoxe de ce moment insolite. C’est au moment où la France a le plus besoin d’avoir un gouvernement fort, dont la main ne tremble pas, afin de remettre nos finances "dans les clous" que nous avons toutes les chances de voir arriver à Matignon un "homme de compromis" incapable de taper du poing sur la table. Car les économies que nous devons faire doivent provenir de la sphère sociale plus que de la sphère étatique. Ce qui est synonyme de réformes de structure plus que d’annulations ou de gels de crédits.

Emmanuel Macron consulte beaucoup. Il appelle des patrons du CAC 40, des députés, des intellectuels. Ce qui ne sert pas à grand-chose, mais qui est tout de même plus efficace que la malsaine petite cour des "cloportes" qui rôdent à l’Élysée. Mais comme René Coty, il ne peut rien faire d’autre qu’attendre le bon vouloir des partis politiques. C’est ce qu’on appelle un été meurtrier.

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