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éditorial / Yves de Kerdrel

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Yves de Kerdrel

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Petit moral de rentrée
par Yves de Kerdrel

C’est Bernard Cazeneuve qui tenait la corde, jusqu'ici, pour devenir Premier Ministre après cinquante jours de gouvernement démissionnaire. Bien que très proche de François Hollande, il représente un moindre mal pour les milieux économiques. Mais il devrait donner des gages à la gauche avec notamment le rétablissement de l’ISF et une convention nationale pour rediscuter de la réforme des retraites. Ce qui amène Emmanuel Macron à maintenir les discussions avec David Lisnard, le maire de Cannes, qui fait des pieds et des mains pour être nommé en dépit de l'absence d'une expérience parlementaire.

01/09/2024 - 06:30 Lecture 11 mn.

Il n’est pas simple d’être chroniqueur dominical alors que tout le monde s’attend à ce que le Président de la République annonce demain ou mardi le nom du nouveau Premier Ministre chargé de former un gouvernement. Le Chef de l’État, qui est rentré de Serbie vendredi après-midi est allé directement au Pavillon de la Lanterne passer le week-end d’où il a poursuivi ses consultations par téléphone. Ses collaborateurs, à l’Élysée, nous assuraient hier soir encore sa volonté de mettre fin à la vacance du pouvoir au plus tard lundi voire mardi. De manière que le suspense politique qui dure depuis cinquante jours prenne fin avec la rentrée scolaire qui a lieu demain. 

Hier soir c’était toujours Bernard Cazeneuve qui était le favori pour succéder à Gabriel Attal, même si l’intéressé confiait à ses proches n’avoir toujours pas reçu un message clair de l’Élysée. Emmanuel Macron a tout de même pris soin de tester cette hypothèse auprès de Laurent Wauquiez et de Bruno Retailleau, des dirigeants de Renaissance, de François Bayrou et d’Edouard Philippe. Par ailleurs il s’est tenu au courant heure par heure du déroulement des journées d’été du Parti Socialiste à Blois qui ont pris fin vendredi soir, durant lesquelles seul Olivier Faure et quelques tenants de la ligne dure du parti à la rose, ont raillé la solution Cazeneuve. Il reste qu’à l’Élysée, hier soir, on nous assurait que cette nomination n’était pas assurée dans la mesure où le Président rêvait toujours d’une personnalité moins marquée politiquement (par exemple Didier Migaud) tout en penchant toujours à gauche.

 

Rétablissement de l’ISF

 

Si Bernard Cazeneuve a rendu sa carte du Parti Socialiste au printemps 2022, lorsqu’Olivier Faure s’est allié à Jean-Luc Mélenchon pour créer la Nupes, celui qui fût ministre de l’Intérieur au moment de l’attentat du Bataclan est toujours ancré à gauche. De surcroît sa proximité avec François Hollande irrite Emmanuel MacronBernard Cazeneuve faisait partie, le 12 août dernier des invités venus fêter le soixante-dixième anniversaire de l’ex-chef de l’État dans sa maison de Tulle. C’est même lui qui avait été choisi pour faire le discours d’hommage.

À l’Élysée on s’attend donc à ce que, s’il est nommé Premier Ministre – poste qu’il a déjà occupé au début de l’année 2017 – afin de remplacer Manuel Valls alors candidat à la présidentielle, Bernard Cazeneuve donne très vite des gages à la gauche. D’une part en matière fiscale avec le rétablissement d’un ISF symbolique, mais qui fait toujours figure d’épouvantail auprès des milieux économiques. Et d’autre part sur le plan social avec une probable convention destinée à rouvrir la réforme des retraites avec les partenaires sociaux.

 

La piste Xavier Bertrand

 

Ces deux mesures constitueraient des petites entailles à la ligne rouge qu’Emmanuel Macron avait fixée au lendemain des élections législatives en affirmant qu’il ferait tout pour que la politique économique, favorable aux entreprises, menée depuis 2017 ne soit pas remise en cause. De manière à contenir les tentations de "détricotage" d’un Bernard Cazeneuve, l’Élysée a essayé de convaincre Xavier Bertrand, la semaine passée d’aller à Bercy. Si l’intéressé ne rencontre aucune difficulté pour s’entendre avec l’ex-Ministre de l’intérieur, il a décliné cette proposition en rappelant que le budget comme les arbitrages fiscaux se font à Matignon. De fait Emmanuel Macron, qui a eu un bon contact, jeudi dernier, avec David Lisnard, serait également tenté de nommer ce dernier, si les conditions posées par Bernard Cazeneuve lui paraissent inacceptables.

Xavier Bertrand avait été l’un des premiers à porter l’idée d’un gouvernement d’urgence nationale et à expliquer que la droite paierait cher toute fuite des responsabilités. Il a donc eu des contacts réguliers avec l’entourage du Chef de l’État pendant tout l’été. Sa première mesure, en cas de nomination, aurait concerné le pouvoir d’achat. Ce qui ne posait pas de problème à l’Élysée. Si Laurent Wauquiez était très hostile à l’idée de voir Xavier Bertrand devenir Premier Ministre (avec comme misérable argument : "cet imbécile serait capable de réussir"), c’est surtout Marine Le Pen qui s’est montrée vindicative à son égard, en raison de la manière dont l’ancien ministre du travail de Nicolas Sarkozy a su contenir les ambitions du Rassemblement National dans sa région.

 

Un nouveau match Sarkozy-Hollande

 

Vendredi soir, Nicolas Sarkozy a marqué un soutien fort à Xavier Bertrand, à l’occasion d’une interview publiée dans le Figaro d’hier, tout en estimant qu’il serait incongru de nommer Bernard Cazeneuve à Matignon alors que la France n’a jamais été aussi "à droite". Cette déclaration était sans doute sincère de la part de l’ancien Président de la République qui n’avait pas besoin de le proclamer haut et fort, puisqu’il parle de manière quotidienne à Emmanuel Macron. S’il est intervenu de la sorte, c’est aussi pour ne pas laisser le champ libre à François Hollande. Par ailleurs Nicolas Sarkozy a beaucoup discuté avec le locataire de l’Élysée du maintien de Rachida Dati au ministère de la Culture et du transfert de Gérald Darmanin de la Place Beauvau vers le Quai d’Orsay.

Car, si Bernard Cazeneuve, a marqué ses distances à l’égard du Nouveau Front populaire – tout comme Jean-Yves Le Drian – sa proximité avec le député de Corrèze chagrine beaucoup Nicolas Sarkozy. D’autant plus qu’à l’occasion d’une interview accordée à Franz-Olivier Giesbert, dans la dernière livraison du Point, François Hollande déroule toute son ambition pour faire en sorte que la social-démocratie revienne au pouvoir le plus vite possible. Dans un premier temps il entend bien faire partir Olivier Faure de la présidence du Parti Socialiste, avant d’étrangler progressivement les Insoumis (comme François Mitterrand l’avait fait avec les Communistes). Dans un second temps, François Hollande parie d’ores et déjà sur une élection présidentielle anticipée. De quoi énerver autant Emmanuel Macron que Nicolas Sarkozy.

 

Inquiétude marquée chez les patrons

 

Du côté des grands patrons, cette rentrée se fait avec un tout petit moral en dépit d’un acquis de croissance plus élevé que prévu, d’une inflation qui est parfaitement contenue et de baisses de taux désormais assurées des deux côtés de l’Atlantique. Les gages fiscaux qu’un Bernard Cazeneuve – ou même un Didier Migaud – serait contraint de donner à la partie gauche de l’hémicycle pour faire voter le prochain budget effraient bon nombre de dirigeants du CAC 40 avec lesquels nous avons échangé au cours des tout derniers jours. Même si certains de ces gages ont été formulés par certains membres des Gracques, au cours de l’été, à l’occasion de sollicitations dont ils ont été l’objet.

Surtout il se confirme que l’atterrissage budgétaire pour cette année devrait se faire avec un déficit représentant 5,2 % du produit intérieur brut (contre 5,1 % attendu). Quant au déficit anticipé pour 2025 il se situerait à 4,9 % selon les informations que nous avons obtenues à Matignon alors que le programme de stabilité présenté en avril dernier évoquait un déficit ramené à 4,1 % du PIB avant une nouvelle baisse à 3,6 % en 2026.

Le taux de rendement de l’OAT à 10 ans a donc évolué durant tout l’été autour de 3 %. Et le spread France-Allemagne est resté supérieur à 70 points de base. Avec le risque qu’il s’accroisse subitement à l’occasion de la moindre remise en cause de la réforme des retraites. Car contrairement aux craintes exprimées par Patrick Martin, le président du Medef, lundi dernier, personne ne croit vraiment à une remise en cause de la politique de l’offre (qui a démarré en 2014). En revanche il existe l’angoisse sourde d’assister à une crise de confiance des marchés comme celle qui a poussé dehors Liz Truss il y a deux ans, outre-Manche. D’où la nécessité de nommer à Matignon un profil rassurant pour les Français, pour les patrons et pour les marchés.

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