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Yves de Kerdrel

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Le choix de Kohler
par Yves de Kerdrel

Le principal défi de Michel Barnier, qu’Alexis Kohler a mis deux mois à imposer à Emmanuel Macron, va être de résoudre la crise des finances publiques et le désordre budgétaire. Pas évident dans la mesure il faut éviter de faire des vagues afin de composer et de garder un gouvernement pluriel avant de se ménager la non-agressivité du Parlement.

08/09/2024 - 06:30 Lecture 10 mn.

Michel Barnier a tellement de qualités qu’on se demande bien pourquoi Emmanuel Macron ne l’a pas nommé Premier Ministre dès le 10 juillet. L’ancien commissaire européen avait fait, à ce moment-là, des offres de services pressantes à l’Élysée en passant par Alexis Kohler qu’il connaît bien depuis qu’il a discuté avec lui des détails de la négociation avec les Britanniques afin d’aménager les conditions du Brexit. On le dit pourtant sérieux, rigoureux, apte au compromis, proche des territoires, expérimenté, ni dogmatique ni sectaire et incapable d’avoir des ennemis. Mais cela n’a pas convaincu d’emblée le chef de l’État.

Il est vrai que, Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau, en présentant leur "pacte législatif" avaient déclaré, dès le mois de juillet, qu’aucune personnalité LR ne devait monter sur le pont d’un navire "macronien" en si mauvais état et en bout de course. Mais même après que le patron du groupe de la Droite républicaine eut mangé son chapeau sous la pression de Nicolas Sarkozy, Emmanuel Macron a d’abord proposé Matignon à Bernard Cazeneuve, puis à Xavier Bertrand, et enfin à Thierry Beaudet, passé pendant quelques heures de l’obscurité à la lumière médiatique. Non sans avoir essayé, en vain, de se rallier à lui Laurent Berger, l’ancien Secrétaire général de la CFDT. Michel Barnier arrive donc à Matignon en sachant qu’il est un choix par défaut, presque imposé au Président de la République par le si puissant secrétaire Général de l’Élysée. Comme Alexis Kohler avait su placer Jean Castex en juillet 2020 puis Élisabeth Borne en mai 2022. C’est également le "père Joseph" du Président qui a désigné le directeur de cabinet de Michel Barnier en la personne de Jérôme Fournel, l’actuel directeur de cabinet de Bruno Le Maire.

 

Un gouvernement difficile à constituer

 

Maintenant il faut souhaiter pour le Pays que Michel Barnier puisse composer un gouvernement aussi pluriel que possible, comme l’avait suggéré Xavier Bertrand. Bref une sorte de "cabinet d’urgence nationale" afin de faire face aux différents défis du moment. L’idéal serait donc de rassembler autour de la table du conseil des ministres des personnalités ayant une expérience politique et issues tant des Républicains, que de Renaissance, Horizons et du Modem, voire de gauche. Alors que ni Laurent Wauquiez du côté LR, ni Olivier Faure du côté PS ne sont d’accord pour laisser certains des leurs participer à l’action gouvernementale. Ce qui en dit long sur leur sens de l’intérêt général…

Emmanuel Macron a déjà essayé de faire en sorte que Xavier Bertrand et Bernard Cazeneuve fassent partie du gouvernement, à défaut d’avoir été nommés Premier Ministre. Mais tous les deux ont décliné cette proposition. Restent le cas de David Lisnard, le maire de Cannes, cité un moment pour Matignon, et celui de personnalités de la société civile avec lesquelles Emmanuel Macron a parlé pendant cet été, comme Éric Lombard, le patron du groupe Caisse des Dépôts, Nicolas Théry, ancien président du Crédit Mutuel et que l’on sait très proche de Laurent Berger, ou encore Jean-Dominique Senard, le président de Renault.

 

Nouveau dérapage budgétaire en vue

 

Au-delà des questions d’hommes, c’est l’éléphant qui se trouve dans le bureau de Michel Barnier à l’Hôtel de Matignon qui va concentrer toutes les attentions. Cet éléphant, c’est l’actuelle situation des finances publiques, terriblement dégradée. C’est aussi le projet de loi de finances pour 2025 qui – dans un monde idéal – devait être présenté vendredi prochain au Haut Conseil des Finances Publiques, puis le 19 septembre au Conseil d’État, le 25 septembre au Conseil des Ministres et le 1er octobre au Bureau de l’Assemblée nationale et aux commissions des finances des deux chambres. C’est enfin la trajectoire budgétaire de la France à cinq ans, d’ores et déjà préparée par Bercy dans un document de 200 pages, afin de répondre d’ici le 20 septembre à Bruxelles dans le cadre de la procédure pour déficit excessif.

Il y a deux siècles, la France était un pays assez riche pour que le Ministre des Finances, le fameux Baron Louis s’adresse au Président du Conseil, le très protestant François Guizot, en lui disant : "Faites-nous de bonne politique, et je vous ferai de bonnes finances." Aujourd’hui la bonne politique passe d’abord par la résolution de la crise des finances publiques dans laquelle se trouve enferré le Pays. Car il ne s’agit pas d’un dérapage, d’une simple question conjoncturelle liée à des recettes insuffisantes ou d’une hausse des dépenses des collectivités territoriales. Mais bien d’une crise profonde. Puisque selon une note confidentielle de la Direction du Trésor communiquée aux rapporteurs du budget des deux assemblées, le déficit budgétaire pourrait atteindre cette année 5,6 % du PIB - sans mise en place d’action nouvelle - soit plus de 160 milliards d’euros. Cette même note évoque un ratio de dette rapportée au PIB de 124 % en 2028 pour l’ensemble des administrations publiques, soit 4 140 milliards d’euros. Ce qui équivaut, en quatre ans, à mille milliards de plus que le montant actuel de notre passif.

 

La méthode du gouverneur

 

Dans sa courte déclaration faite sur le perron de l’Hôtel de Matignon lors de la passation de pouvoirs avec Gabriel Attal, Michel Barnier a souligné qu’il entendait dire la vérité aux Français. C’est une sage résolution surtout en matière de finances publiques où depuis cinquante ans s’est imposée dans notre pays l’idée qu’un bon ministre est celui qui dépense beaucoup ou qu’un bon élu est celui qui sait arracher à Paris les chèques les plus significatifs pour sa circonscription, son agglomération ou sa ville.

Le Gouverneur de la Banque de France a donné jeudi dernier une longue interview à nos confrères du Point – malheureusement passée au second plan en raison des propos insignifiants et à contretemps tenus dans le même numéro du magazine par Edouard PhilippeFrançois Villeroy de Galhau y explique lui aussi que "la crédibilité (en matière de finances publiques) suppose la vérité et un certain nombre de compromis qui ne sont pas des solutions de facilité". Notre grand argentier déroule ensuite un intéressant discours de la méthode dont on espère que Michel Barnier le gardera en évidence sur son bureau.

Après avoir expliqué une nouvelle fois que le cœur de notre problème porte sur le niveau de la dépense publique, François Villeroy de Galhau rappelle que le principal sujet n’est pas de la faire reculer subitement, mais d’optimiser son efficacité. Notamment s’agissant de notre modèle social qui coûte dix points de PIB de plus que celui de nos voisins. Mais de manière que l’effort à mettre en œuvre soit juste et partagé il recommande de briser le tabou (présidentiel) des recettes fiscales à travers la réduction de certaines niches et un effort exceptionnel et raisonnable demandé aux plus gros contribuables. On saura vite si le nouveau gouvernement s’inspire de ces idées sages et utiles. Ou si, tel Saint Jean-Baptiste, le gouverneur de la Banque de France reste encore une fois "Vox clamantis in deserto" …

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