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Yves de Kerdrel

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L’étau se resserre
par Yves de Kerdrel

Michel Barnier ne devait pas se douter que la première semaine de son gouvernement serait aussi difficile. Avec le couac d’Antoine Armand à l’égard du Rassemblement National ou les bisbilles entre Bruno Retailleau et Didier Migaud. Mais surtout avec la révélation d’un déficit budgétaire pire que prévu, l’annonce d’une accélération de l’endettement et la hausse du taux des obligations du trésor qui nous amène à emprunter à un taux plus élevé que celui dont bénéficient le Portugal, l’Espagne et même la Grèce.

29/09/2024 - 06:30 Lecture 11 mn.

C’est donc mardi, un peu après 15 heures, que Michel Barnier montera à la tribune de l'Assemblée afin de lire aux députés sa déclaration de politique générale. Près de quatre semaines après qu’Emmanuel Macron l’a choisi – avec l’aide active d’Alexis Kohler – pour former un gouvernement. Ce premier grand discours du Premier Ministre marquera aussi l’ouverture de la session parlementaire que les députés, élus le 30 juin et le 7 juillet derniers, attendaient avec impatience. Et dans la foulée les députés du Nouveau Front Populaire devraient déposer une motion de censure qui sera défendue quelques jours plus tard par le socialiste Boris Vallaud.

C'est mardi après-midi qu’Emmanuel Macron découvrira à la télévision – donc en même temps que les parlementaires - les buts assignés par Michel Barnier à son gouvernement pour les mois qui viennent. Puisqu’aussi bien Edouard Philippe, que Jean Castex, Élisabeth Borne et Gabriel Attal avaient fait parvenir leur texte à l’Élysée avant de le lire à la représentation nationale. Et plusieurs d’entre eux avaient dû accepter des coupes ou des corrections. C’est Didier Migaud, le garde des Sceaux qui lira la déclaration de politique générale devant les sénateurs. Mais par égard pour ces derniers, Michel Barnier ira s’adresser à eux le lendemain.

 

Exercice de cohésion gouvernementale

 

Afin de préparer cette déclaration de politique générale, qui fera l’objet d’une exégèse détaillée sur tous les bancs de l’Assemblée et dans les médias, Michel Barnier a réuni son gouvernement vendredi en séminaire à Matignon. Chaque ministre avait reçu la consigne, en début de semaine, de préparer quelques idées fortes qu’ils étaient autorisés à défendre ensuite devant leurs collègues, après avoir été sélectionnées par Jérôme Fournel, le directeur de cabinet, et Valérie Bros, la directrice adjointe de cabinet.

Lors de ce séminaire d’un nouveau genre, ressemblant davantage à un exercice de cohésion, les ministres et secrétaires d’État ont été chargés de réfléchir par petits groupes sur des sujets comme la transition écologique, les territoires, l’immigration ou les finances publiques. De manière à stimuler leur discussion, ils étaient assistés d’experts de chaque sujet. Le but était d’aboutir à la formalisation de mesures concrètes susceptibles d’être développées demain par le Premier Ministre.

 

Incapacité chronique à tenir nos engagements budgétaires

 

Michel Barnier est très attendu, aussi bien par les parlementaires que par les directeurs d’administration et par l’ensemble des Français sur deux sujets qui ont émaillé l’actualité de la semaine passée. D’abord, la sécurité après le meurtre d’une étudiante de Dauphine par un Marocain placé sous obligation de quitter le territoire français. Ce qui a relancé le débat sur l’exécution des peines et l’efficacité des procédures administratives liées aux étrangers en situation irrégulière. Ensuite les finances publiques, après l’annonce, par les nouveaux locataires de Bercy, de la découverte d’un déficit budgétaire qui devrait tutoyer – en l’absence de mesures concrètes d’ici la fin de l’année – les 6,2 % du PIB soit 180 milliards d’euros.

Déjà au tout début du mois de septembre, la presse s’était fait l’écho - avec l’aide des parlementaires - d’une note de la direction du trésor faisant état d’un premier dérapage portant le déficit à 5,5 % du PIB soit 164 milliards d’euros. À ce moment-là l’explication donnée portait sur de moindres recettes fiscales issues notamment de l’impôt sur les sociétés. L’écart révélé ces jours-ci serait lié, à une hausse des dépenses des collectivités locales. Le fait est qu’en l’espace de quelques semaines la France a une nouvelle fois montré son incapacité à tenir des engagements budgétaires qu’elle a pris il y a seulement six mois - en avril dernier - à la suite du dérapage budgétaire constaté à la mi-février.

 

Un besoin de financement record en 2025

 

Il n’est pas surprenant, dans ces conditions, que le "spread" entre les obligations d’État allemandes et françaises, qui s’était stabilisé autour de 70 points depuis trois mois, a subitement grimpé à plus de 79 points. Si bien que depuis jeudi dernier la France doit acquitter un taux d’intérêt de 2,48 % si elle veut emprunter sur une durée de cinq ans alors que la Grèce bénéficie d’un taux de 2,40 %. Quant aux autres pays dits "du Club Med" ils empruntent à 2,2 % comme le Portugal ou à 2,45 % comme l’Espagne. Il faut dire qu’à la différence de la France, ils se sont sentis menacés il y a une dizaine d’années. Ce qui les a conduits à mener des politiques de rigueur crédibles qui ont été bénies par leurs créanciers.

Ces évolutions de taux sont d’autant plus préoccupantes que le quotidien Les Échos a révélé la semaine passée que le programme d’emprunt de la France sur les marchés devait atteindre, en 2025, les 315 milliards d’euros, dont 150 milliards de dette nouvelle destinée à financer un déficit budgétaire que l’on espère réduit à 5,1 % du PIB. De son côté Barclays estime que ce besoin de financement pourrait en fait atteindre 345 milliards. Pour mémoire, il était prévu cette année d’emprunter 285 milliards d’euros sur les marchés.

 

755 millions d’euros de dette par jour

 

À Bercy on relativise en rappelant que lors des adjudications d’OAT il y a toujours au moins deux fois plus de titres demandés par les investisseurs que de titres proposés à la souscription. Ce qui signifie que la France reste un débiteur sûr. C’est sans compter une raison technique liée à la moindre émission d’emprunts d’État de la part de l’Allemagne et même de l’Espagne. Or pour des raisons de change et des raisons prudentielles certains pays étrangers ou certains investisseurs doivent continuer à détenir la même quantité de dette souveraine libellée en euros.

Il reste que depuis vendredi matin on sait que le montant total de la dette française s’élevait au 30 juin dernier à 3228 milliards d’euros En l’espace d’un trimestre elle s’est donc accrue de 68,9 milliards. Ce qui correspond à un endettement supplémentaire de 755 millions d’euros par jour. Et la commission d’enquête parlementaire sur la dette qui avait vu le jour au printemps dernier sur les raisons de l’augmentation de ce passif, à l’initiative de Philippe Juvin, a été dissoute en même temps que l’Assemblée nationale. Bruno Le Maire avait pourtant la réponse aux interrogations de cette commission mort-née. Puisqu’invité, en juin dernier, par BFM TV il avait déclaré cette phrase mémorable : "si aujourd’hui notre niveau de dette est élevé, c’est parce que j’ai sauvé l’économie française" …

 

Vers une hausse ciblée et provisoire de l’IS

 

C’est demain, en principe, que le projet de loi de finances pour 2025 devait être transmis au Haut conseil des finances publiques,  présidé par Pierre Moscovici, avant d’être déposé à l’Assemblée la semaine du 9 octobre, ainsi que l’ont annoncé, mercredi dernier, les ministres de l’économie et des comptes publics Antoine Armand et Laurent Saint-MartinÉric Coquerel, le président de la Commission des finances a prévu six semaines d’examen du texte. Si bien qu’il ne devrait pas être transmis au Sénat avant le 15 novembre.

De fait on devrait commencer à savoir cette semaine, avec la déclaration de politique générale de Michel Barnier et les premiers éléments du projet de loi de finances, quelle sera l’ampleur, l’an prochain, de la baisse des dépenses publiques, et quel sera l’effort demandé aux contribuables. François Villeroy de Galhau a préconisé, mercredi dernier, sur France 2 de répartir les trois quarts de l’effort sur les économies et l’autre quart sur des hausses d’impôts ciblées. Patrick Martin, le président du Medef, l’avait devancé en affirmant mardi, dans le Parisien qu’il était prêt à discuter d’une hausse d’impôts des entreprises. Une déclaration qui n’a pas plu à beaucoup de patrons. Une hausse de 3 points du taux de l’impôt sur les sociétés rapporterait 7 milliards d’euros. Ce qui fait des entreprises, une cible toute trouvée. D’autant plus qu’elles ne votent pas…

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