éditorial / Yves de Kerdrel
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Yves de Kerdrel
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Et maintenant ?
par Yves de Kerdrel
Après une déclaration de politique générale sinon confuse, du moins insolite, François Bayrou s’est livré à un tas de concessions afin d’obtenir la non-censure des socialistes. Il a maintenant deux gros chantiers devant lui : le budget et la renégociation de la réforme des retraites. La question est de savoir si la paix politique que le premier ministre s’est achetée permettra de lever l’incertitude et la défiance qui pèsent sur les acteurs économiques.
Comme nous le laissions envisager il y a une semaine, la poutre "socialiste" de la charpente politique a suffisamment travaillé pour que le parti dirigé par Olivier Faure fasse acte de responsabilité et refuse de voter la motion de censure déposée par les Insoumis. Même si huit députés socialistes ont tout de même glissé une boule noire dans l’urne. Et même si le débat interne au Parti socialiste a fait ressortir une fissure entre deux camps inégaux en taille. De quoi permettre à François Hollande de parader pour deux raisons. D’abord parce qu’il a obtenu que son parti soutienne François Bayrou. Et ensuite parce qu’Olivier Faure a vu sa position affaiblie au sein de son groupe parlementaire. C’est d’ailleurs lui qui a pris la parole jeudi à l’Assemblée et non Boris Vallaud, le président du groupe.
Ce n’est pas la déclaration de politique générale qui a permis ce retournement espéré des socialistes. Même si François Bayrou avait pris soin d’annoncer une renégociation de la réforme des retraites. Ce sont plutôt toutes les concessions d’ordre budgétaire faites par le Premier Ministre entre mardi et jeudi qui comprennent de vrais renoncements (comme le passage d’un à trois jours de carence concernant les arrêts maladie des fonctionnaires) et de petits gestes comme le non-déremboursement de certains médicaments
Réflexions autour d’un impôt sur le patrimoine
La mesure la plus controversée demandée par les socialistes et accordée par François Bayrou dans un engagement écrit concerne le maintien de la contribution différentielle sur les hauts revenus imaginée par le gouvernement Barnier et dont le rendement attendu s’élevait à 2 milliards d’euros. Cette taxe a donc vocation à être remplacée par "un nouveau dispositif pérenne de lutte contre une injuste optimisation fiscale" (sic), promis - au plus tard - pour le budget 2026 et applicable sur les revenus de l’année 2025.
Cette contribution vise à faire payer un impôt minimal de 20 % aux contribuables dont le revenu fiscal de référence dépasse 500 000 euros pour un couple (250 000 euros pour un célibataire). La mesure touche principalement les revenus du capital (dividendes, plus-value…). Ces revenus qui sont soumis à la flat tax de 30 % depuis 2018 seraient désormais taxés à hauteur de 37,2 %. Par ailleurs le Premier Ministre a laissé envisager une réflexion concernant un impôt sur les patrimoines de plus de 100 millions d’euros dont on ignore encore la manière dont sera établie l’assiette ainsi que la nature de la taxation.
Ce que veut vraiment Bayrou
On sait que François Bayrou, grand admirateur et biographe d’Henri IV aime à répéter que "Paris vaut bien une messe" et donc que la non-censure valait bien ces concessions. Le Maire de Pau a voulu autant couper le lien malsain entre les socialistes et le nouveau front populaire que s’acheter une "paix politique" dont on ne sait pas encore si elle sera durable. Pour certains dirigeants d’entreprises que nous avons interrogés en fin de semaine, l’addition est salée.
Pour d’autres, elle sera digeste à la condition que les incertitudes qui pèsent sur l’économie française depuis la dissolution soient enfin levées. On connaît l’attachement de François Bayrou au sujet de la dette française et de notre maladie chronique des déficits budgétaires dont il a fait l’introduction de sa déclaration de politique générale. On peut saluer le fait qu’il a remis sur la table le vrai coût des retraites de la fonction publique en rappelant la manière dont elles sont chèrement subventionnées par les contribuables. Toute la question est de savoir s’il va enfin s’attaquer aux dépenses publiques. Non pas en réduisant celles d’un état aujourd’hui "à l’os" mais en s’attaquant au coût exorbitant de notre modèle social.
Le pas en avant de Marylise Léon
Là encore beaucoup ont vu dans l’ouverture d’un conclave sur la réforme des retraites réunissant tous les partenaires sociaux, une forme de gadget ou de gage donné aux socialistes. Le fait de remettre en selle des corps intermédiaires qui ont été négligés, voire méprisés, par Emmanuel Macron au cours des dernières années, est un bon signe.
Dans une très riche interview accordée jeudi dernier au quotidien Libération, Marylise Léon, la secrétaire générale de la CFDT n’a pas fait du retour à 62 ans une condition nécessaire de la renégociation de la réforme Borne. Et elle a affirmé qu’il ne fallait pas toucher à réforme Touraine sur la durée de cotisation qui a été réintégrée dans la réforme Borne. Cela montre que les partenaires sociaux sont prêts à accepter, sans le dire encore, un système qui serait davantage "à la carte" incluant une décote accrue pour ceux qui souhaitent faire valoir leurs droits avant un âge légal même abaissé à 63 ans.
Restaurer la confiance et remettre l’Europe en marche
S’agissant du nécessaire retour de la confiance chez les acteurs économiques, François Villeroy de Galhau a joué sa partition lors de son audition mercredi dernier au Sénat en rappelant les atouts durables de notre pays, septième puissance économique mondiale en termes de PIB. Avec, en premier, le fait qu’il n’y a jamais eu autant de Français au travail qu’aujourd’hui (30,6 millions). Idem pour le nombre d’heures travaillées. Ensuite il a indiqué aux sénateurs qu’il n’y a jamais eu autant de créations d’entreprises. Enfin il a rappelé que l’épargne financière brute des Français représente un total de 6 300 milliards d’euros avec un taux d’épargne des ménages qui est l’un des plus élevés d’Europe.
Cette épargne, Stéphane Boujnah, le patron d’Euronext, aimerait bien qu’elle soit davantage orientée vers les entreprises, ainsi qu’il l’a indiqué dans une interview au magazine L’Express. Pour lui "il est impossible de réaliser les objectifs du rapport Draghi si on ne mobilise pas davantage l’épargne des ménages européens, et a fortiori français, dans des fonds d’épargne retraite." À condition aussi de "revoir le régime de l’assurance-vie, pour que l’incitation fiscale passe des fonds en euros vers les fonds en actions". Car au moment où s’ouvre le forum économique de Davos et où Donald Trump arrive à la Maison Blanche doté de tous les pouvoirs et de la puissance financière de ses amis, il serait bon de se replonger dans les rapports Draghi ou Letta avant qu’ils ne prennent la poussière dans les rayonnages où ils ont été rangés. Et que l’on arrête de dire chaque jour comme des Alcooliques Anonymes : "Je commence demain, c’est promis !".
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